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Baya : créatrice chez les surréalistes

Dans le cadre d’une exposition exceptionnelle proposée par la Fondation Maeght, Le Musée Magnelli - Musée de la Céramique de Vallauris invite à redécouvrir l’oeuvre étonnante et jaillissante de Baya qui, âgée d’à peine 16 ans, côtoyait Picasso chez Madoura à Vallauris, et dont les « merveilles » avaient déjà séduit André Breton et les surréalistes. Du 6 juillet au 18 novembre 2013.

L’exposition rassemble une trentaine d’oeuvres de jeunesse, gouaches sur papier et céramiques.

Femmes robes roses fond jaune, gouache sur papier 48 x 63 cm, 1947
© Photo Galerie Maeght Paris.

« (…) dans son attirail de merveilles les philtres et les sorts secrètement le disputent aux extraits de parfums des Mille et une Nuits. (…) Je parle (…) pour promouvoir un début et sur ce début, Baya est reine. Le début d’un âge d’émancipation et de concorde, dont un des principaux leviers soit pour l’homme l’imprégnation systématique, toujours plus grande, de la nature. (…) la fusée qui l’annonce, je propose de l’appeler Baya. Baya, dont la mission est de recharger de sens ces beaux mots nostalgiques : l’Arabie heureuse. Baya, qui tient et ranime le rameau d’or ».
André Breton, Derrière le Miroir n°6, Maeght Editeur, novembre 1947

Femme aux trois tapis, gouache sur papier 63 x 47,5 cm, 1947
© Photo Galerie Maeght Paris.

Art contemporain, surréalisme, art brut ? Un art sans étiquette. Baya compte aujourd’hui parmi les figures-clé de l’art contemporain du Maghreb. Admirée par les surréalistes, son nom est parfois cité pour évoquer l’art brut. Mais la singularité de l’oeuvre et du parcours de cette artiste résiste à toute étiquette. Dans son imaginaire, les nombreuses figures féminines se déploient auprès de fleurs fantastiques, d’animaux fabuleux, d’intérieurs chatoyants. L’univers est coloré, le geste bien que libre et mobile est assuré, le trait vif et puissant, la maturité saisissante. La couleur envahit les pages et définit l’espace, fenêtre sur le monde. Les motifs se répètent, évoquant tant les traditions picturales orientales qu’un collage d’Henri Matisse, faisant dire aux critiques de l’époque que la jeune-femme avait découvert par elle-même ce que la peinture occidentale venait de mettre 60 ans à faire aboutir.
Femme robe à chevrons, gouache sur papier 63x 48 cm, 1947

Femme robe à chevrons, gouache sur papier 63x 48 cm, 1947
© Photo Galerie Maeght Paris.

Née fin 1931 dans une tribu à l’écart d’Alger, d’origines arabes et kabyles, Fatma Haddad perd ses parents très jeune et est élevée par sa grand-mère. Pauvreté et isolement marquent les premières années de « Baya », qui n’ira jamais à l’école mais se cachera pour modeler dans la terre des animaux et figures féminines étranges.
En 1942, une rencontre modifie le destin de l’enfant. Son étonnante personnalité charme Marguerite Caminat, soeur de la propriétaire française pour laquelle travaille sa grand-mère. Elle prend l’enfant sous son aile à Alger. Dans ce foyer d’amateurs d’art, Baya va révéler un étonnant talent artistique, extériorisant sur papier la richesse d’un imaginaire foisonnant et coloré.
De passage à Alger, Aimé Maeght découvre cette oeuvre et propose immédiatement de l’exposer dans sa galerie. En novembre 1947, André Breton préface le catalogue de cette première exposition. Les surréalistes et plus généralement le Paris artistique suivent à l’unisson. Baya fait la couverture de Vogue. Quelques mois plus tard, Baya est invitée à Vallauris à l’atelier Madoura où elle réalisera une série de céramiques aux côtés de Picasso.

Arbre, oiseaux et chameau, gouache sur papier 63 x 48 cm, 1947
© Photo Galerie Maeght Paris.

Après s’être mariée, Baya interrompt sa création une dizaine d’années ; elle reprend son activité d’artiste en 1963, lorsque le Musée d’Alger acquiert et expose un ensemble d’oeuvres de jeunesse. Elle décédera en 1998 sans avoir plus jamais arrêté de peindre, déployant un univers original et complexe. Sa vie comme son oeuvre nous relient aux contes et légendes et à leurs mystères.
« Baya n’avait que 16 ans quand elle vint travailler à Vallauris. Elle ne resta que quelques semaines et détruisit un grand nombre des oeuvres réalisées, mais elle fait partie des artistes qui ont marqué notre histoire. Sa fulgurance, son intensité, son parcours de si jeune-femme entre Alger et Paris, et puis cette anecdote incroyable de l’intérêt du grand maître Picasso pour la jeune artiste… les ingrédients du mythe sont en place. Grâce à l’amitié d’Adrien Maeght et de la Fondation, les Vallauriens vont pouvoir redécouvrir cette grande artiste et tous les amateurs d’art, à cette occasion, la richesse de notre patrimoine culturel  » précise le Maire de Vallauris Golfe-Juan, conseiller général des Alpes-Maritimes.

« Créatrice d’un monde, Baya est incontestablement une artiste majeure à redécouvrir, tant pour sa puissance picturale que pour la force d’un parcours qui dialogue avec nombre artistes contemporains algériens et au-delà. La justesse de son oeuvre est saisissante, sa cosmogonie singulière est au petit nombre de celles qui vous accompagnent une vie durant. En cette année de la Méditerranée, je suis très heureux que Vallauris, à l’initiative d’Adrien Maeght, lui offre un si bel écrin. Nous souhaitons qu’un large public fasse cette étonnante rencontre » précise Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght.

En savoir plus : www.vallauris-golfe-juan.fr

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