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"BORDERCROSS" (Borderline & Bordercolour) !

Catherine Issert propose une nouvelle exposition avec les artistes Cécile BART, François MORELLET, Olivier MOSSET, Christian ROBERT-TISSOT. Traversez les limites !

Un locuteur français entend parfois résonner l’anglais de façon quelque peu étrange. À partir d’un mot, il peut en recomposer d’autres, le faire résonner, imaginer des assemblages que la langue elle-même n’utilise pas. Saisissant de l’extérieur quelque principe de construction sémantique, il l’applique à la lettre, systématiquement, implacablement, insoucieux des usages attestés. Ça donne ce que ça donne, en tout cas rien de purement British, plutôt un jeu sur le sens traversant les frontières et se moquant des règles du bon usage.

Du reste l’anglais lui-même joue de certaines inversions et ce n’est pas sans clin d’oeil au frontalier cross-border, que les inventeurs d’un sport désormais olympique ont forgé le fameux boardercross. L’un ou l’autre ne ferait pas mal pour un titre d’exposition : le premier supposerait que l’artiste international dépasse toujours les frontières (dont celle de l’art, bien entendu !), le second donnerait à une exposition de groupe le piment de la compétition branchée. On pourrait même mélanger malicieusement les deux en écrivant bordercross.

Christian Robert-Tissot

Il en va pareillement de l’expression borderline. Typiquement anglais ! Intraduisible mot à mot chez Molière, mais combien ductile et malléable à merci ! Tout d’abord, le mot fait son effet dans l’art contemporain, où l’on aime à explorer et franchir les limites – des genres, de la bienséance et de je ne sais quoi encore. Mais pourquoi diantre l’anglais dit-il borderline et non pas bordercolour ? La question est incongrue, j’en conviens, laissons-la cependant filer. En introduisant dans le champ sémantique l’opposition entre la ligne et la couleur, j’ajoute à borderline une idée de « ligne » qui a quasiment disparu dans celle de « situation limite ».

Borderline, déstabilisé, devient ambigu, un mélange détonnant de posture transgressive et d’académie de la ligne. Quant à bordercolour, je dispose désormais d’un monstre linguistique qui peut me servir à monter une exposition paradoxale, une exposition qui miserait tout à la fois sur la convention moderniste du « hors limites » et sur la rémanence du problème tout classique de l’opposition entre les tenants de la lignes et ceux de la couleur. Poussin et Rubens au pays des avant-gardes, téléportés dans nos temps postmodernes, et se demandant tout uniment en quoi la ligne et la couleur peuvent-elles bien y « déborder » ?

J’imagine ainsi quelques artistes grisés par la vitesse qui, partis en ligne au coude à coude pour surfer sur les pentes d’une exposition estivale, y prennent au vent quelques couleurs. L’important, lorsque l’on organise une exposition, est d’en avoir un concept clair !

Galerie Catherine Issert
2 route des Serres
F- 06570 SAINT-PAUL
- Tel : 04 93 32 96 92
- Mail : [email protected]
- http://www.galerie-issert.com/

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