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CHRONIQUE D’UN GALERISTE : Centenaire de la naissance d’André Verdet - CHAPITRE 24 (PART I)

André Verdet et le Patrimoine
André Verdet est né le 4 août 1913, mais faire coïncider le centenaire de sa naissance avec une Journée du Patrimoine était une très bonne idée, sa personne et son œuvre faisant aujourd’hui vraiment partie des « biens culturels » des Alpes-Maritimes et de la France. Les festivités autour de ses cent ans ont donc commencé le vendredi 13 septembre à l’Atelier Jacques Renoir (Nice) avec l’exposition de photos de Frédéric Altmann intitulée « Pierre Restany-André Verdet, complices en art », qui donnait à voir entre autres des clichés d’André Verdet avec Pierre Restany, Arman, Nivèse, Kijno, Ben etc., ou André Verdet seul, en kimono, au mont Fuji…
Un livre, « André Verdet, mon carnet photos… de Saint-Paul au Mont Fuji », de Frédéric Altmann (éditions Baie des Anges, 2013) était présenté, en compagnie d’ailleurs du livre de Daniel Ziv « André Verdet, 100 années d’étoiles en vrac et dans le désordre » (Z4 Editions, 2013).

André Verdet et Pierre Restany (Photo Frédéric Altmann)

Univers André Verdet
Le lendemain, samedi 14 septembre à 10h, au Château-Musée du Haut-de-Cagnes, était aussi lancée l’exposition d’une trentaine de photos d’Alberto Cipriani sur le thème de « Univers André Verdet », titre d’un livre du même nom, et l’après-midi, dans le cadre précis des Journées du Patrimoine, l’Obiou, la maison d’André Verdet du Bois Saint Roch, était ouverte aux visiteurs qui pouvaient y contempler des œuvres d’André Verdet et de son ami peintre, dernière élève de Kokoschka, Zita Landy. Elle aussi aurait eu cent ans cette année.

L’après-midi du samedi, au CIAC (Centre International d’Art Contemporain, Château de Carros) les visiteurs pouvaient se faire montrer, par la directrice de la Médiathèque de Carros, les merveilleux livres d’art faisant partie de la Donation Verdet à ladite Médiathèque, éditions réalisées par André Verdet avec Cocteau, Miotte, Fautrier, Prévert, Léger, Chagall, Arman... ils pouvaient aussi visiter l’exposition de photographies d’André Verdet par André Villers, Bill Wyman, Ralph Gatti, Hans Hartung, Denis Brihat, Alkis Voliotis, Ellen Fernex, Luciano Melis, Danièle Androff, Jean-Marie Rivello…
Suivait une lecture de poèmes et textes d’André Verdet par Stéphane Melis, comédien, ponctuée de morceaux de musique composés spécialement à la mémoire de Verdet par Christopher Broccardo à la guitare classique et Rémi Colombat au violon. Stéphane Mélis est un jeune comédien de talent qui obtint en 1996 le « Prix du jeune talent » remis par Guy Tréjean et qui, depuis 2006, ne cesse de tourner pour le cinéma et la télévision, ce qui ne l’empêche pas de jouer au théâtre.
André Verdet aurait donc eu 100 ans le 4 août de cette année, nous nous attendions à ce qu’il atteigne cet âge étant donné la vitalité rare dont il fit preuve le jour de ses 90 ans, à la Courtine de Saint-Paul, au cours de la fête donnée en son honneur. Une photo d’Ellen Fernex le montre en train de danser de manière éperdue, et une autre photo, prise au même moment, c’est très drôle, par Bill Wyman, Kevin Simonin et Luciano Melis, le fixe pour l’éternité en train de dire ses poèmes au micro, dans le style inspiré qui était le sien.

Les cent ans d’André Verdet le font entrer dans une légende assise aussi bien sur son passé de résistant pendant la seconde guerre mondiale que sur une recherche poétique et plastique initiée, dès son jeune âge, par des maîtres, Giono et Picasso… Après quoi il fut jeté dans le bain d’un Nouveau Réalisme niçois lui-même initiateur de l’Ecole de Nice. C’est là que je l’ai « pêché », au moment où je fédérai cette dernière, en 1967, place Godeau, à Vence. C’est donc en 1967 que j’ai intégré André Verdet dans l’Ecole de Nice, et, de 1967 à 2010 (« 50 ans de l’Ecole de Nice » au Musée Rétif de Vence), André Verdet a été de toutes mes expositions intitulées « Ecole de Nice », quelles que soient les ponctuations…

« Univers André Verdet » (Editions FSC, 2013, Photo Alberto Cipriani)

André Verdet, artiste-Protée
Et il avait, bien sûr, été présent dans mon exposition « Des archives et des hommes » à la Bibliothèque Nucéra, dernièrement. A noter, en 1977 (5 juillet-4 août), son exposition chez moi « Le ciel et son fantôme », autour de ce qui l’obsédait : la naissance des mondes. Et il a, inévitablement, fait partie du « Paradoxe d’Alexandre », exposition sur mon parcours de 40 années que me proposa Frédéric Altmann, à l’époque directeur du CIAC (Centre International d’Art Contemporain de Carros) en juin 2000. Je vais citer à nouveau ce que j’avais écrit dans le catalogue car cela me paraît bien synthétique : André Verdet, artiste-Protée, sans transition il passe du poème au tableau, du tableau-poème aux sculptures, du papier à la pierre, du métal à la céramique. Il est ici le survivant d’un « pays », de tous ses grands amis peintres et poètes (Picasso, Léger, Prévert, Chagall, Kijno, César, Baldwin, et tant d’autres... ), et, du haut de St-Paul, il est comme une balise qui sonde les hautes mers...
Et aussi :
André Verdet. Il a tout tenté, tout engagé, et d’aucuns le pensent, tout amené à floraison : peintre, sculpteur, poète, écrivain, et même directeur de son orchestre, le groupe « Bételgeuse ». Et critique d’art n’hésitant pas à engager sa plume pour un artiste même inconnu. Il a aimé son pays, sa terre, ses rocs déments, sa sublime végétation, les rythmes chancelants de ses saisons, et, au loin, sa mer presque invisible à force d’être étincelante. Ses premières peintures, ses premiers écrits sont une saga qui inscrivent sa Grand-Terre parmi les Hauts-Lieux du monde. Puis son œuvre s’est réinventée, soumise à d’autres exigences, s’est fertilisée à nouveau au contact des artistes du Temps, et il le leur a bien rendu. Il part, au galop sans fin, vers d’improbables ailleurs, fait reculer les bornes de son imperium, attise encore sa plume, ses pinceaux, son regard. Toujours jeune homme ? Jani lui a consacré un très joli livre « L’homme à la crinière d’étoiles ».

Et voici ce que lui-même m’avait renvoyé :
Après des avancées d’art contemporain dans sa petite galerie vençoise Place Godeau, Alexandre de la Salle aura su remplir dignement sa mission de montreur d’art dans le nouveau lieu qu’il avait érigé à Saint-Paul-de Vence, Route des Gardettes. Sa galerie, vaste, claire, aux cimaises superbes, a présenté au long de maintes années un choix d’œuvres variées et de belle facture. Alexandre a particularisé ses salles par la présentation décennale des artistes dits de l’Ecole de Nice... Mais il a aussi accroché des œuvres de peintres contemporains français et étrangers, renommés ou en instance de l’être, d’une qualité émergente, dont les œuvres continueront longtemps à satisfaire de nombreux collectionneurs... Ciao, Ciao, Alex, et a presto ! (André Verdet)

Couverture de « André Verdet, 100 années d’étoiles » de Daniel Ziv (Z4 Editions, 2013)

Arman sur André Verdet
En 1980, Arman lui rendit ainsi hommage : André a eu des inventions qui, à elles seules, suffiraient à faire la carrière de plusieurs artistes, tant il est vrai que dans la rage des prises de position, certains ont tendance à oublier qu’une œuvre est le résultat d’une longue patience et d’un côtoiement quotidien des questions et des réponses qui font toute une vie. (Arman, 1980)
André Verdet fut reconnu de son vivant par d’éminents personnages, aussi bien dans le monde des sciences, tel Jean-Claude Pecker, ancien directeur des Recherches d’Astrophysique de l’Observatoire de Paris, qui écrivit : « En vérité le concept, le mot, la lettre, sont les étoiles, les galaxies du monde pictural et poétique de Verdet. Une sémiologie cosmique s’organise sous la main du poète ».

Mais sa disparition a transformé sa vie en destin, selon la formule de Malraux, et le centenaire de sa naissance renforce sa position de héros patrimonial. Déjà à la date du deuxième anniversaire de sa mort (le 19 décembre 2006), l’Association des Amis d’André Verdet dont Luciano Melis était alors président, avait créé, avec la collaboration de la Municipalité de Saint-Paul, et sous le titre « Célébration cosmique », un événement poétique sous la forme d’une promenade (d’une errance, aurait dit Gilles Ehrmann, co-auteur avec André Verdet de l’admirable livre « Provence noire »). Une équipée, à l’aube, au Champ des Idoles du Col de Vence où Verdet avait emmené nombre de ses amis pour les initier à la magie tellurique du lieu. Au retour, un repas amical dans un restaurant de Saint-Paul avait été suivi du vernissage de l’exposition « À André Verdet, ami.. » au Musée de Saint-Paul. Puis, dans la Salle des Fêtes de l’École de La Fontette, hommage des édiles, du Dr Alain Frère, d’André Brincourt, journaliste, écrivain, salut à l’ami de la résistance et de toujours, hommage du poète Victor Varjac au poète Verdet. Stéphane Mélis avait lu des textes, puis avait été projeté l’entretien André Verdet-Françoise Armengaud filmé par France Delville (qui sera à nouveau projeté ce 19 décembre 2013 à la Bibliothèque Nucéra de Nice), et le film documentaire de Daniel ZIV : « André Verdet - Seul l’espace s’éternise », ainsi que, pendant le cocktail, des clips sur André Verdet réalisés par Augustin Colombani et Chantal Cavenel. La dernière parution d’un livre d’André, « Monts et Merveilles » (Melis éditions) avait aussi été de la fête.

Cette année, c’est sous la présidence d’Evelyne Caduc que l’Association des Amis d’André Verdet présenta, au château du Haut-de-Cagnes, l’exposition de photos d’André Verdet par Alberto Cipriani, photos éditées sous l’égide de l’Association dans un livre intitulé « Univers André Verdet ». Alberto Cipriani est décrit par Massimo de Nardo décrit comme quelqu’un de « fasciné » par André Verdet, une sorte de disciple qui n’aurait cessé de photographier son « maître ». Dans « Univers André Verdet ». Massimo de Nardo écrit :

Couverture de « Au-delà du seul à seul » (Mélis Editions, 2013)

Fascination intellectuelle
Il y a des amitiés qui naissent sur la base d’une « fascination intellectuelle » que l’élève subit (intentionnellement) du fait de la personnalité de l’enseignant. Ainsi en a t il été entre un jeune Alberto Cipriani et un intellectuel expérimenté que fut aussi André Verdet….

André Verdet et Alexandre de la Salle à la Galerie Alexandre de la Salle, Saint-Paul, années 1990

(A suivre)

André Verdet avec Jean-Claude Farhi, Peter Klasen, Arman, Nivèse (Photo Frédéric Altmann)

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