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Didier Gicquel, 100 portaits pour 1 artiste

Hasard mais objectif présente au sein de l’espace d’exposition du Monaco Modern Art 100 figures incountournables du monde de l’art, -peinture, littérature, musique et cinéma- en photo : d’Arman à Johnny Depp en passant par Francis Ford Coppola les clichés dévoilent des personnalités inattendues, souvent tendres, toujours sincères. Du 4 Juin au 4 Août 2010, Didier Gicquel métamorphose le thème traditionnel du portrait armé de son éternel Leica. Interview de l’artiste sous l’égide d’Alexandra Marini, commissaire de l’exposition qui répond également à nos questions.

Rencontre avec l’artiste Didier Gicquel

Parlons de votre technique photographique. Vous êtes resté fidèle au LEICA. Pourquoi ce modèle en particulier ?

Portrait Didier Gicquel
Pour Art Côte d’Azur courtesy Monaco Modern Art

J’ai sans doute été influencé par des photographes comme Henri Cartier-Bresson qui l’ont sublimé. Cet appareil mythique a toutes les qualités que je recherche, il est silencieux, discret, rapide et précis. Son déclenchement est instantané. Sa mise au point télémétrique est inégalée et ses optiques exceptionnelles. C’est un appareil manuel, j’aime contrôler ma photo, la vitesse, l’ouverture, la profondeur de champ et j’utilise toujours l’optique 50 mm, car cette focale est la plus proche de l’œil humain, elle ne déforme pas le réel et exige donc d’avoir l’œil ! La personne est en confiance et se dit que je suis ni un journaliste ni un paparazzi. Il m’est très souvent arrivé que l’artiste saisisse mon appareil et me prenne à son tour en photo.

Ainsi, vous avez choisi de conserver le tirage argentique : n’êtes- vous pas tenté par le numérique ?

Je ne suis pas opposé à la photo numérique, c’est autre chose. La pellicule, c’est génial : comme je ne vois pas immédiatement le résultat, je ne sais pas m’arrêter et c’est peut-être la photo que je n’ aurais pas faite au numérique qui s’avère être la meilleure. J’aime manipuler les négatifs et les planches contact et entretenir des échanges avec un tireur photo comme Voya Mitrovic qui est un très grand artiste. Face à Richard Serra ou Cy Twombly, mon ambition est simple : capter leur regard de la manière la plus naturelle qui soit avec la spontanéité, défauts inclus ; l’arranger, la recadrer ou la supprimer c’est trahir l’émotion à l’origine d’une image. Bref l’argentique incarne pour moi une certaine idée de la vérité.

Vous réalisez uniquement des portraits : qu’en est-il des autres thématiques en photo (Paysage, etc) ?

Je ne fais pas que des portraits, je fais très souvent des photos dans le métro ou dans la rue, j’attends d’être étonné, surpris. C’est une question d’appétit visuel. C’est plus fort que moi, même dans ce cadre, j’éprouve le besoin de photographier l’être humain.

Vous « bannissez » également l’utilisation du studio. Quelle en est la raison ?

Le studio c’est tout le contraire de ce que j’aime faire, le studio tue la spontanéité, une belle photo c’est souvent une situation inattendue, le hasard d’une rencontre, il faut être très rapide et si toutefois un rendez-vous est donné dans un atelier, l’artiste est plus en accord avec lui-même dans son univers, et il est toujours possible de le surprendre et de saisir « l’instant ».

Passons aux sujets photographiés : quels critères vous permettent de « choisir » la personne que vous allez « portraitiser » ? Est-ce une rencontre, un hasard ? Une admiration première, donc un portrait choisi ?

J’ai une grande passion pour l’art contemporain depuis 35 ans. Je passe le plus clair de mon temps dans les vernissages, les galeries, les musées…De nombreux artistes internationaux ont élu domicile à Paris ou finissent par passer par Paris pour une exposition, alors dès que je croise un artiste, je fais quelques photos, et si cela est possible je prends un rendez-vous à son atelier. Je me fie beaucoup au hasard et je n’ai pas de technique particulière, tout est bon pour réaliser une photo et si la première rencontre n’est pas la bonne, je n’insiste jamais, j’attends mon heure.

Les personnes semblent se livrer totalement à votre objectif. Comment parvenez-vous à « briser » la façade « médiatique » de certains ?

J’essaie de faire le contact en abordant leur actualité et puis avec le temps ils m’ont un peu repéré et c’est plus facile.

Comment se passe généralement la prise de vue ? Donnez-vous des directives ? La personne prend-elle la pose ? Ou est-ce de la totale « improvisation » ?

C’est un ensemble de tout cela, tel un caméléon, je m’adapte aux circonstances. Il était difficile de donner des instructions à Paul Rebeyrolle, Helmut Newton ou Henri Cartier-Bresson, l’humour sauve souvent une photo.

Une anecdote particulière concernant une personnalité ?

J’ai appelé au moins trente fois Sam Szafran à son atelier pour le rencontrer, il a refusé durant 4 ans, j’ai donc décidé de passer à l’improviste chez lui à Malakoff avec une bonne bouteille de vin. Il m’a ouvert et il a vérifié que je n’avais pas d’appareil photo. J’ai passé tout l’après-midi avec lui à vider quelques verres. Je suis repassé cinq fois dans les mêmes circonstances et à la sixième fois, il m’a dit « Didier, passe demain avec ton appareil photo », et depuis nous sommes amis.

Enfin,vous semblez ne pas avoir de site internet (contrairement à la plupart des photographes) ? Y a-t-il une raison à cela ? Tenez vous à garder un certain « anonymat » ?

Je suis un peu en retard, mes photos se trouvent sur le site WW.photo-regard.com et je suis en train de préparer un site.

Pourquoi faire une exposition maintenant, est-ce une façon de se dévoiler ? Et pourquoi Monaco ?

Je travaille depuis 10 ans pour le magazine Art Actuel , je collabore avec de nombreuses galeries parisiennes et les portraits d’artistes sont diffusés dans de nombreuses monographies. Je suis gâté mais cela n’a pas toujours été le cas. C’est très agréable de réaliser des tirages argentiques et de les exposer à la galerie Monaco Modern Art qui m’a fait cette belle proposition.

Parlez-nous de vos travaux en préparation : une prochaine exposition, peut-être ? Une célébrité à photographier prochainement ?

J’ai réalisé des DVD consacrés aux contemporains, Jacques Villeglé, Raymond Hains et Philippe Hiquily, et j’ aimerais à partir du mois de septembre réaliser un film sur Sam Szafran. Et j’attends le feu vert pour rencontrer Anish Kapoor et Peter Doig.

Questions à Alexandra Marini, commissaire de l’exposition

Alexandra Marini
Pour Art Côte d’Azur courtesy Monaco Modern Art

Contrairement à votre habitude, vous exposez le travail d’un photographe. Pourquoi avoir choisi de présenter celui de Monsieur Gicquel ?

A vrai dire, nous avions présenté en 2008 les photographies de Bill Wyman, ex-bassiste des Rolling Stones. Didier Gicquel est discret, obsédé par l’idée de « prendre des photos ». Au vu de son travail, exceptionnel, il m’a paru évident de lui proposer une exposition. L’amitié, l’admiration ou la curiosité sont au coeur de sa démarche et sa profonde connaissance de l’art contemporain donne à ses photographies une vibration particulière.

Comment s’est faite la sélection ?

Le travail d’inventaire que nous effectuons, toujours en cours, nous permet aujourd’hui de mieux appréhender son travail, et de le faire partager. L’exposition rassemble une centaine de portraits réalisés entre 1979 et aujourd’hui. Nous avons retenu les portraits les plus sobres, les plus directs, évitant au maximum l’expression appuyée de la pose. C’est avant tout une histoire de regards. Il s’agit de saisir en une seule image, le temps d’un déclic, l’essentiel d’une personnalité, toujours dans la plus grande discrétion, avant que le modèle ne se fige. S’il recherche une acuité psychologique, il n’en demeure pas moins un intuitif. Pour Gicquel, la photographie est une question de vagabondage.

Une photo a t-elle retenu davantage votre attention ? Une préférence ?

Je trouve la photographie de Pierre Restany avec les filles incroyable ! Mais je suis tout aussi touchée par le charisme d’Anselm Kiefer, la tendresse de Sam Szafran, ou le regard d’Aurélie Nemours…

Pierre Restany ©Didier Gicquel

Quelles seront vos prochaines expositions ?

Nous présenterons « Les Quatre Saisons » de Philippe Pastor, un travail audacieux, résolument axé sur la sauvegarde de l’environnement.

Informations pratiques :
DIDIER GICQUEL HASARD MAIS OBJECTIF 100 PORTRAITS D’ARTISTES

Du 4 Juin au 4 Août 2010 Vernissage ! : le jeudi 3 juin 2010, à partir de 18h. Galerie Monaco Modern’Art 27, avenue Princesse Grace 98000 Monaco Tél. + 377 92 16 71 17 Fax + 377 92 16 71 10 [email protected] www.monacomodernart.mc

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