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Concert "CRAZY FOR GERSHWIN"

Crazy for Gershwin
Le seul nom de George Gershwin (1898-1937) suffit à évoquer
cette Amérique de l’entre-deux-guerres qui semble danser, nuit et
jour, sur le toit du monde. Terre promise pour ceux qui veulent y
trouver leur place au soleil, creuset où se prépare un avenir que
l’on souhaite meilleur, carrefour de toutes les ambitions et de
toutes les illusions, les musiques les plus variées rythment ses
rêves dorés aussi bien que ses infinies souffrances.

Qui mieux que ce jeune compositeur, fils d’immigrés juifs venus de Russie,
pourrait incarner ces années si génialement folles ? Son talent, son
ambition et son souci de trouver un langage dans lequel riches et
pauvres sauront se reconnaître sont autant d’atouts sur la voie
d’un succès, qu’en fait il rencontre très tôt.
En 1919, alors qu’il a vingt ans à peine, son nom apparaît pour la
première fois au fronton d’un théâtre de Broadway. La même
année, il écrit une chanson, Swanee, qui assure sa renommée dans
un milieu artistique, où la concurrence a toujours été
particulièrement rude. Sur cette lancée, il apporte une
contribution précieuse à l’exubérance qui s’empare de toutes les
grandes scènes de New York, avec d’autres chansons mais aussi
avec sa participation régulière à des revues (les célèbres George
White’s Scandals) et à des comédies musicales, dont le public est
alors particulièrement friand.

Parmi ces dernières, bornons nous à citer quelques titres qui
apparaissent aussitôt comme des modèles du genre : Lady Be Good
(1924), Tip Toes (1925), Oh Kay (1926), Strike up the Band (1927 à
Philadelphie, 1930 à New York), Funny Face (1927), Show Girl (1929),
Girl Crazy (1930), Of Thee I Sing (1931). Il y en a d’autres au cours de
ces années de labeur incessant. Londres accueille en 1924 la création
de Primrose (dont on retient l’air Boy Wanted) et, deux ans après,
une reprise triomphale de Lady Be Good. Mais c’est l’Europe tout
entière qui veut découvrir ce musicien qui, dans un même temps,
conquiert les salles traditionnellement réservées au répertoire le
plus noble. La Rhapsody in Blue (1924), le Concerto en fa pour piano
et orchestre (1925), An American in Paris (1928), la Deuxième
Rhapsody (1932) puis la Cuban Overture (1932) apportent la preuve,
à ceux qui en douteraient encore, que George Gershwin n’est pas
seulement un auteur de mélodies entraînantes, doué d’un
prodigieux savoir-faire. Sur un terrain symphonique, là où les
références étaient restées européennes, il fait entendre une voix
nouvelle qui est aussitôt reconnue comme la voix de l’Amérique.

Ravel, Poulenc, Berg, Prokofiev ou Schönberg ne cachent pas leur
admiration pour celui qui marie si adroitement la tradition classique
et un jazz que l’on découvre à peine sur le vieux continent.
La crise de 1929 et les difficultés économiques qui s’ensuivent
vont toutefois modifier quelque peu le tempo d’une carrière aussi
fulgurante. Pardon My English (1933) et Let’Em Eat Cake (1933) sont
loin de connaître le succès des comédies musicales qui les avaient
précédées. Mais, au même moment, Gershwin, fort de sa
renommée internationale, va travailler à Hollywood, où l’attendent
des contrats juteux et une vie de grand luxe. Cela ne l’empêche
pas pour autant de parfaire son oeuvre la plus ambitieuse : un
opéra, Porgy and Bess, qui est créé au Colonial Theatre de Boston
(30 septembre 1935), avant d’être repris quelques jours plus tard à
l’Alvin Theatre de New York (10 octobre).
Dans un premier temps, il reçoit un accueil mitigé qui tient pour
beaucoup à la nouveauté de son sujet. “Les nouveaux héros de
Gershwin ne portent ni strass ni paillettes : ce sont les noirs de
Charleston, premières victimes de la Grande dépression. Gershwin
n’est plus l’Américain qui se faufile entre les taxis parisiens, ni
l’évocateur des tours de Manhattan dans la Deuxième Rhapsody. Il
est l’interprète de l’Amérique de la misère où la drogue, l’alcool et
le jeu sont les véhicules de l’oubli” (Denis Jeambar in. L’Avant Scène
Opéra n°103 consacré à Porgy and Bess). Deux ans après, le 11 juillet
1937, ce compositeur auquel tout - ou presque tout - semblait
avoir réussi meurt d’une tumeur au cerveau. Sa célébrité
heureusement n’en est encore qu’à ses débuts.
Alors que beaucoup d’artistes et de créateurs, fêtés de leur vivant,
connaissent après leur disparition une période plus ou moins
longue d’oubli, rien de tel ne s’est produit pour Gershwin. Peutêtre
parce que, mieux que quiconque, il avait su épouser son
époque. Aussi bien Porgy and Bess que plusieurs de ses comédies
musicales ne quitteront guère l’affiche des théâtres (avec le souci
récent d’en revenir aux partitions originales). Que ce soit dans les
salles de concert ou par le disque, sa musique symphonique
continuera à toucher les publics les plus variés, où que ce soit dans
le monde.

On aurait tort pourtant d’enfermer le compositeur de Rhapsody in
Blue dans un moule monochrome, sous la seule bannière d’une joie
de vivre sans nuages. Le programme qu’ont choisi Wayne Marshall
et Kim Criswell témoigne de la diversité d’un talent qui, entre le
sentimentalisme apaisé de Summertime (qu’interprète Clara au
début de Porgy and Bess), l’élégance nostalgique de A Foggy Day
(Fred Astaire le chantait, en 1937, dans le film A Damsel in Distress)
et la frénésie de I Got Rythm (venu de Girl Crazy), couvre une large
étendue des émotions humaines. Satire impayable du
protectionnisme américain (les Etats-Unis envisagent de déclarer la
guerre à la Suisse pour une sombre histoire de taxation du fromage
importé !), Strike Up the Band n’est pas très éloigné de l’esprit
corrosif des Marx Brothers. Dans l’ambiance d’un petit village de
l’Arizona, où débarque un jeune play-boy que son père voudrait
mettre à l’abri des tentations urbaines, Girl Crazy déborde de
fantaisie et d’invention loufoque. Ethel Merman et Ginger Rogers
étaient à l’affiche de sa première new-yorkaise et certaines de ses
chansons (Embraceable You, But Not for Me, I Got Rythm…) sont très
vite devenues des standards. Une adaptation pour le cinéma devait
en être faite, en 1943, avec Judy Garland et Mickey Rooney.
Toujours pour le cinéma - qui, on le sait, a beaucoup apporté à la
gloire posthume du compositeur - on se rappelle l’interprétation
par Audrey Hepburn de How Long Has This Been Going On ? dans
Funny Face (Drôle de frimousse - 1957), très différent par son sujet
de la comédie musicale d’origine, mais où l’on retrouve, trente ans
plus tard, Fred Astaire qui en avait été l’un des créateurs avec sa
soeur Adèle.
Of Thee I Sing, dont on retient en particulier l’air Love Is Sweeping
the Country, ne craint pas, en 1931, de railler certains aspects de la
politique américaine (un concours de beauté doit désigner la
future First Lady !).
Pour ceux qui n’ont pas eu le privilège d’assister à ces grandes
créations des frères Gershwin (Ira, de deux ans plus âgé que
George, en était le parolier attitré), le film de Vincente Minnelli, An
American in Paris (Un Américain à Paris - 1951) reste encore le plus
beau des hommages à une musique toujours aussi riche d’énergie.
A côté de pages symphoniques désormais considérées comme des
classiques, on y retrouve plusieurs chansons tout aussi
immortelles. Gene Kelly et Leslie Caron dansent ensemble aux
bords de la Seine sur l’air Our Love Is Here to Stay, que George avait
écrit pour les Goldwyn Follies quelques semaines avant sa mort. Il
y a là aussi By Strauss, une parodie de valse viennoise destinée à
l’origine (1936) à une revue, The Show Is On, que Minnelli mettait
en scène à Broadway.

Fermez les yeux. Ecoutez le superbe glissando de clarinette par
lequel débute la Rhapsody in Blue. Vous êtes bien à New York en
1924. Ou bien laissez-vous porter par les paroles d’une chanson : “ I
got Rythm, I got music…I got starlight, I got sweet dreams…I got
my man. Who could ask for anything more ? ”. Oui vraiment, que
peut-on demander de plus ? Et comment ne pas être “ fou de
Gershwin ”
 ?
- Pierre Cadars

- Wayne Marshall, direction
- Kim Criswell, chant
- Ouvertures et extraits de comédies musicales de George Gershwin
- Strike Up the Band, Girl Crazy, Of Thee I Sing, Porgy and Bess, Pardon my English
- Variations sur I Got Rhythm & Rhapsody in Blue, pour piano et orchestre

Renseignements
et location :
Atrium du Casino
de Monte-Carlo
+377 98 06 28 28
Du mardi au samedi inclus
et les jours de concerts
Visitez notre site
www.opmc.mc

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