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Mauro Colagreco : Tout naturellement !

Mauro Colagreco a remis en trois ans sur la voie royale le Mirazur, une table vigie dominant le golfe de Menton à la frontière Franco-Italienne. Tout un symbole pour ce jeune chef dont les origines métissés se révèlent dans une cuisine nature si inspirée qu’elle lui valut dès 2007 une étoile Michelin et le titre de chef de l’année 2009

Le chef dans son espace de création, les cuisines
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« J’ai un défaut celui de tout aimer (rires) Mais je pense que c’est dans l’équilibre que se jouent les saveurs » Facile à dire, plus dur a faire. Et c’est là le secret de Mauro Colagreco qui a réussi la synthèse à l’assiette de toutes les cultures glanées au fil de son apprentissage comme de celles qui coulent dans ses veines. Ses grands-parents maternels italiens, dont la grand-mère native de Calabre, ont émigré en Argentine au XIX ème siècle. « J’ai du sang italien, argentin mais aussi basque et indien ». Un cocktail à faire fuir un vampire mais qui donne une ampleur singulière à sa créativité. C’est à Plata, à 60 kms de Buenos Aires que Mauro verra je jour au milieu des années 70. Mais avec des fourmis dans les jambes et un petit vélo dans la tête lorsqu’il tente d’emboîter les pas de son père comptable, ça ne marche pas !

Sang mêlé

Mauro qui a encore le souvenir des confitures de lait et du pain perdu de son enfance, celui d’un grand-père cordon bleu aussi, opte pour des études culinaires qui le conduisent en 2001 de l’école hôtelière de Buenos Aires à celle de La Rochelle.

Un régal pour les pupilles comme pour les papilles
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« Mon niveau de français n’étant pas suffisant mais je n’ai pas voulu attendre. En 6 mois je me suis perfectionné et fais mes valises » Une détermination qui en dit long sur sa soif de découverte. Alors que le stage de 4 mois qu’il a décroché chez Bernard Loiseau arrive à terme, à la demande de l’étoilé il prolonge son séjour à Saulieu.

Mauro Colagreco ou le respect des produits
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A la mort de ce dernier, il gagne la capitale avec son épouse Daniela qui suit elle, des études de stylisme. Il y intègre durant plus deux ans le restaurant l’Arpége « Avec Passard j’ai appris le respect des produits. Les légumes cueillis à 10 h du matin étaient dans l’assiette a midi. Cela parait banal ici, mais dans cette métropole urbaine c’est un vrai challenge ! » Après un passage chez Ducasse au « Plaza Athénée » où il apprend la cuisine de palace, il officie comme chef au Grand Véfour. Mais les ailes commencent à pousser. Il a 29 ans, de nouveaux horizons l’attendent

L’art de table
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Menton, l’autre paradis latin

« J’ai commencé à chercher vers l’Espagne lorsque des amis m’ont parlé de cet ancien bistrot où l’on servait jadis la meilleure limonade artisanale de Menton. J’ai eu le coup de foudre mais je me suis dit trop beau, trop cher ! » Le propriétaire des lieux qui avait tenté précédemment mais sans succès l’aventure avec Jacques Chibois, décide tout de même en face au talent et à l’audace du jeune chef italo-argentin, de remettre le couvert. Une chance pour Mauro « Il a voulu prendre le pari et m’a proposé le Mirazur en location gérance. Ce qui m’a permis de ne pas avoir tout de suite le couteau sous la gorge » Alors très vite, Mauro transforme cette demeure aux lignes claires, nimbée de lumière fermée depuis trois ans en atelier de création. Séduit par le jardin d’agrumes, il lui adjoint un autre dédié aux essences aromatiques puis un potager. La cueillette c’est dans ses gènes. L’homme connaît 200 espèces végétales « Ici aussi c’est une tradition. Les herbes sauvages, les fleurs gourmandes j’ai retrouvé un peu de mon Amérique latine à Menton »

Mobilis in Mobili

Mais Mauro qui a toujours souhaité s’affranchir du passé pour aller de l’avant a posé ses bagages à l’entrée de cette maison où les « mobiles shadows » de Stéphanie Marin se laissent eux aussi porter par l’inspiration « Je n’ai pas voulu venir avec mon fardeau culturel. J’ai déjà la chance de ne pas avoir à porter celui de l’héritage de la cuisine française » Une liberté qui lui permet de s’exprimer sans tabous et de se servir de la technique pour défricher de nouveaux territoires « L’acidité, l’amertume, je m’en sers. Une confiture de citron servie seule peut être désagréable mais avec un foie gras cela va arrondir le plat, tout est équilibre, jeu de constantes. Les peintres font de même avec leur palette » Ainsi dans les mains du poète argentin c’est tout le patrimoine gaulois qui prend la clé des champs.

Le Mirazur cultive son potager
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Le végétal omniprésent joue les merlin l’enchanteur « le pot au feu est sous le jardin de légumes » Textures, couleurs, mariages, Mauro repousse les limites. Il est taillé pour ça ! Et ce grand découvreur a toujours les sens en éveil « Au potager on a produit déjà 20 variétés de tomates, 30 sont prévues pour 2009. Que serait l’Italie sans elle, on peut tout faire avec ! » Son prochain produit fétiche maison rien moins qu’un œuf bleu ! « J’ai découvert une race de poules péruviennes qui pondent ces oeufs incroyables, merveilleux à proposer à la coque ! » Celui qui invite des plasticiens à exposer dans le lounge bar du Mirazur est artiste dans l’âme. Il suffit de goutter ces créations au graphisme épuré comme « la Salade d’asperges mi-cuites et pommes vertes, pamplemousse, cebettes et mourons des oiseaux ». Maître des cuissons et chantre des saveurs il l’est aussi au point qu’un repas à sa table se change en une véritable odyssée des sens.

Le Mirazur, la bonne adresse des gastronomes
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Un voyage qui lui valut le titre envié de « Chef de l’année 2009 » décerné par Gault et Millau ainsi qu’un classement parmi les « 50 Best Restaurants of the World ». Pour le 60 ème anniversaire du Festival de musique de Menton le Mirazur recevra les hôtes de marques et sera encore de la fête lors de l’inauguration du Musée Cocteau. Comment peut-il en être autrement, Mauro Colagreco est une fête à lui seul, un don de la nature fait à la gastronomie !

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