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Le théâtre de l’émerveillement

L’histoire, évoluant entre petits drames et grands éclats de rire, a été rocambolesque et aurait pu faire l’objet d’une mise en scène théâtrale : cette aventure à écrire, c’est justement celle d’un théâtre qui faillit disparaître après le départ de son directeur, et, qui finalement renaît plus fort et s’inscrit aujourd’hui en haut de l’affiche de la culture mentonnaise !
Retour sur les péripéties de ce Théâtre du Lavoir, perché haut sur les collines à Menton, qui s’épanouit littéralement en offrant une programmation exubérante et colorée pour notre plus grand bonheur. C’est avec Mandine Guillaume, pétillante et ravissante jeune fille de 26 ans, ancienne élève et actuelle responsable de la compagnie Arnika désormais résidente du théâtre, que nous consignons le scénario des souvenirs et surtout de l’avenir de ce lieu emblématique !

Interview

Mandine en représentation lors du spectacle "LA VALISE" au centre Bon Voyage de Nice
©JchDusanter

ACA : Pouvez vous retracer en quelques lignes l’histoire attachante de cette communauté de passions qui s’est formée pour conserver vivant le théâtre du Lavoir ?
Mandine : En fait, après le départ rapide de l’ancien directeur, les élèves se sont mobilisés : ils ont remué ciel et terre et ont abattu un travail de titan pour obtenir la gestion du lieu. Projet un peu fou, puisqu’ils n’étaient pas des professionnels de la culture, ni même des habitués de l’associatif …. Mais leurs énergies et leur amour de ce lieu, la joie de faire du théâtre ensemble ont eu raison de toutes les difficultés rencontrées. Et ils ont réussi à convaincre toutes les parties prenantes de l’intérêt et de la faisabilité de leur idée.

ACA - Il semble donc que ce lieu soit propice à éveiller des coups de foudre irrésistibles pour tous ceux qui foulent son chemin : vous avez vous aussi une histoire de très longue date avec ce théâtre et que vos destinées respectives soient étroitement liées : vous êtes partie loin pour mieux revenir ?
Mandine : C’est un lieu que j’ai vu naître et qui m’a vu naître… j’avais 17 ans, je montais regarder l’avancement des travaux d’aménagement, je collais les affiches, je pliais les programmes. Et puis j’y ai joué, enseigné, grandi, j’y ai fait mes premières mises en scène… on m’y a fait confiance, et je garde cette « confiance » comme un très beau cadeau… Et j’en suis partie, parce qu’il n’y avait pas assez de place pour ouvrir mes ailes… je suis partie pour partir, pour voler… pas pour revenir… Partir pour revenir ça n’aurait aucun sens… autant rester alors… Et finalement quand la nouvelle équipe m’a proposé de revenir, je me suis rendue compte que je savais voler et que je pouvais me poser.
Après avoir travaillé huit ans dans ce lieu, les élèves connaissaient bien mon travail, ma manière de transmettre, de partager et ils se sont tout naturellement, je crois, tournés vers moi et ma compagnie pour les assister sur le coté artistique et pédagogique de la tache.

"Voir des choses se construire, une histoire, une marionnette, un souvenir... c’est beau, fragile et précieux comme un château de carte dans une brise d’été"
©JchDusanter

ACA : Peut on dire que votre troupe représente la "jeune création" de Menton, celle qui innove (par envie et/ou par manque de moyen aussi) , celle qui propose, explore d’autres voies théâtrales ?
Mandine : L’important n’est peut être pas d’innover forcément, mais de « douter » toujours. En tout cas on cherche… Et on essaie d’explorer les chemins qui mènent à l’autre, le spectateur, l’humain, et par la même les chemins qui mènent à nous même.

ACA : Quelles expériences ont marqué votre esprit au Théâtre du Lavoir ?
Mandine : C’est au lavoir que j’ai donné mon premier cours de théâtre… j’avais 20 ans et je n’en menais pas large. Accompagner quelqu’un, transmettre, offrir son exigence et sa confiance, cela fait 10 ans que ça dure… et je ne me lasse pas de le partager avec les élèves.
Repousser toutes les limites mains dans la mains avec les élèves, c’est magique !
Les expériences négatives, je les transforme en positive, … alors je n’en ai pas en stock !

"Repousser toutes les limites mains dans la mains avec les élèves, c’est magique ! "
©JchDusanter

ACA : Quel est votre rôle aujourd’hui au théâtre ?
Mandine : Je dois avoir une tête à chapeau, alors j’ai toujours plusieurs casquettes… et puis je suis toujours très à l’étroit dans les cases et les étiquettes… J’ai le rôle de Mandine.
ACA : Parlons du spectacle qui vous a rendu célèbre dans tout le département Mandine ! Vous continuez à jouer ce spectacle de la valise, avec lequel vous avez fait le tour du monde : pouvez vous nous rappeler comment ce spectacle a vu le jour et nous faire partager son histoire ?Mandine : Au départ « c’est l’histoire d’une valise » n’est pas un spectacle, c’est un projet de voyage, d’échanges… En mai 2006, je suis allée rencontrer des enfants à l’Ariane à Nice et, ensemble, on a écrit une histoire, sur le thème de la frontière, et fabriqué des marionnettes pour raconter cette histoire… Et puis j’ai mis ces marionnettes dans ma valise-castelet et je suis partie en Bosnie, rencontrer d’autre enfants, faire le même travail et leur offrir les marionnettes françaises. J’ai continué mon périple, en Serbie, en Bulgarie, Roumanie Egypte, Israël et Palestine pour faire grandir cette chaîne d’histoires, faire passer les frontières à ces marionnettes, pour que ces paroles d’enfants résonnent. Ca a donné 6 mois de voyage, un retour forcé pour cause de guerre, des rencontres avec les enfants des rues, ceux des camps de réfugiés, des orphelinats, des centaines de marionnettes fabriquées, des bandes sons dans 10 langues, 10 frontières, des « check point », des visas, des rires d’enfants, des petites mains dans les miennes… et tant de choses ..
Cette aventure c’est la découverte de ces pays, les rencontres et le travail avec presque 200 enfants qui ont donné leurs sourires et leurs envies à ce projet.
Voir des choses se construire, une histoire, une marionnette, un souvenir... c’est beau, fragile et précieux comme un château de carte dans une brise d’été, comme une coccinelle prête à s’envoler de la main où elle s’est posée, ce travail aura été pour moi un bonheur de chaque minute, de partager avec ces enfants un petit bout de vie, un petit bout d’envie et de rêve.
Ce projet ma appris « l’émerveillement », comme seule arme contre la colère ou la douleur.

ACA : Que peut on souhaiter au Théâtre du Lavoir et à Mandine Guillaume ?
Mandine : Au niveau de la programmation, nous espérons avoir le plus rapidement possible les moyen d’acheter quelques spectacles.
Et que le monde ressemble à celui dont j’ai rêvé sur les routes avec les enfants.

Questions express :

-Mandine c’est un prénom de scène ?
Non… je n’aurais pas été capable de m’inventer un aussi joli prénom… Merci Papa et Maman
- Pourquoi la valise et pas le sac à dos ?
Pourtant je suis plutôt sac à dos … mais là, elle s’ouvre et se transforme en théâtre miniature !
- Si vous n’aviez pas été comédienne, quel métier auriez vous aimé faire ?
Pirate, sauveur de l’humanité, dresseuse de chats, funambule, diseuse de bonne aventure, ange gardien, peintre, rock star, architecte pour maison de poupée, lanceuse de couteau… ah, on a dit réponse brève…. pardon
- Vous avez tant voyagé, dans quelle autre ville que Menton auriez vous pu vous installer ?
Je serais malheureuse loin de la lumière qu’on trouve ici… je reste !
- La marionnette que vous auriez aimé inventer : Guignol ou Pinocchio ?
Pinocchio... parce qu’il devient un vrai petit garçon...

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