| Retour

Jean-Pierre Leleux : La culture ne se résume pas à un Festival !

En quelques décennies la cité des fleurs où le Jean-Baptiste Grenouille de Süskind fit ses gammes s’est mise au parfum de la culture du second millénaire. Un état des lieux mis en perspective avec son Sénateur Maire Jean-Pierre Leleux, un sujet sensible pour celui qui siège au Sénat à la Commission de la Culture, de la Communication et de la Jeunesse, dirige la Commission Cinéma de la Côte d’Azur et adore prendre sa guitare pour chanter Brel ou Brassens.

Comment se porte la culture à Grasse ?
Je voudrais d’abord rappeler que Grasse, quatrième ville du département approche les 50 000 habitants et que malgré son riche patrimoine économique et humain, elle n’en demeure pas moins une ville moyenne. Autant dire que notre politique culturelle est dans le concert des villes de cette taille assez exceptionnelle. C’est une volonté car nous pensons intimement que la culture fait partie de notre vocation sur un plan géographique et historique.

Quels sont les choix que vous avez
privilégiés ?

Je me retrouve parfaitement dans les termes de notre nouveau Ministre de la Culture lorsqu’il évoque la culture comme « une lutte contre l’intimidation sociale ». Ayant constaté que certaines offres sont parfois perçues par nos habitants « comme pas pour eux », j’ai choisi de combattre cette réticence qui pousse certains à s’exclure socialement de cette manne. D’accord pour la culture pour tous, mais plus encore pour une culture accessible à chacun selon ses moyens, son histoire, son niveau social. Chacun doit pouvoir s’en nourrir à l’aune de sa soif. Voilà, le fil conducteur qui fait que toutes les actions entreprises avec mon adjointe, Dominique Bourret, font en sorte que des portes restent ouvertes afin de permettre aux grassois de faire leur propre « marché » dans ce domaine.

Le Sénateur Maire de Grasse Jean-Pierre Leleux ©j-Ch Dusanter

Grasse ne brille pas par un événement phare, est-ce une corollaire ?
En effet, pour des raisons d’arbitrage budgétaire notre politique est plus inscrite dans la continuité que dans des coups. Il n’en demeure pas moins qu’il se passe chaque jour quelque chose à Grasse. Elle se distingue des autres par son objectif qui n’est pas tant de faire rayonner la ville que d’y instaurer une culture qui lui permette de s’épanouir durablement, par son tissu humain. Car la culture n’est pas un festival, elle fait partie du quotidien. Cela explique notre politique en milieu scolaire et la diversité de nos offres au cœur du pays grassois.

…dont une programmation théâtrale incontournable !
En 15 ans nous avons changé un espace de congrès en un théâtre respecté en terme de création et diffusion de spectacles vivants dans et hors les murs. En partenariat avec l’Etat, le Conseil Général, le Conseil Régional, la Communauté d’Agglomération et la Ville, actionnaire principal, cette scène conventionnée pour la danse et le cirque est aujourd’hui un atout pour le département fort de 120 représentations au taux de remplissage de 93%, 32 000 spectateurs/an et 3200 abonnés. Je suis très fier d’avoir fait prendre aux azuréens le chemin de ce haut lieu de partage où chacun sait qu’il en repartira plus riche qu’il y est entré.


Victime de son succès, le théâtre refuse du monde…

Le Musée International de la Parfumerie côté jardin ©Ville de Grasse

Nous devons penser à un nouvel écrin avec une capacité d’accueil optimale pour les spectateurs et les troupes en résidence comme la Compagnie Castafiore qui depuis 1997 y a réalisé 14 créations. Le lieu est défini, le programme établi, le financement à hauteur de 25 ME en partie bouclé. Mais cela suppose aussi une stratégie commune de coopération avec Nice, Cannes ou Antibes. L’école du cirque, la seule labélisée par l’État en PACA implantée sur la commune de la Roquette est également un des axes fort du spectacle vivant. Avec l’Espace Altitude 500 nous avons voulu sensibiliser la jeunesse autour d’une programmation de concerts, de salles de répétitions et studios d’enregistrement.

Flacon figuratif de la prestigieuse collection du Musée de la Parfumerie © Ville de Grasse

Le Musée International de la Parfumerie a fêté en octobre son premier anniversaire, qu’en est-il de ce côté là ?
Avant d’aborder ce sujet, rappelons que Grasse possède un fleuron patrimonial, le Musée d’Art et d’Histoire de Provence, qui joue son rôle avec la Villa Fragonard et le Musée International de la Parfumerie. Ce dernier entièrement rénové n’est qu’une partie de notre programme « culturo-éco-touristique » avec la Bastide du parfumeur à Mouans-Sartoux et le futur Musée Industriel à la ZAC Roure, un trépied baptisé « le Grand MIP ». Le Musée a drainé en un an plus de 100 000 visites autour d’expositions et colloques. Le dernier consacré aux nouvelles tendances du secteur a vu douze designers invités à concevoir des flacons en deux exemplaires, l’un exposé dans nos murs, l’autre vendu en novembre à Drouot au profit de l’Association pour le rayonnement du MIP.


L’art plastique n’est-il pas un peu en retrait dans cet effort ?

C’est un sujet plus difficile et c’est vrai que si nous ne sommes pas à la pointe en art contemporain, notre symposium de sculptures offre aux grassois sur l’Esplanade du cours un combat entre l’artiste et la matière et notamment le marbre de Carrare, ville jumelle et partenaire. Un événement unique dont la prochaine édition verra se réunir un jury d’exception autour de personnalités comme Adrien Maeght ou Sacha Sosno.

La transmission culturelle semble, elle, jouer à fond son rôle
Côté musique nous disposons d’un conservatoire d’excellence qui draine plus de 500 élèves dans toutes les disciplines. Quant au monde du livre, aujourd’hui au seuil d’une ère aussi cruciale que celle de Gutenberg, il rayonne dans nos murs grâce à nos bibliothèques et médiathèques, mais aussi à la maison de la poésie réunissant plusieurs dizaines de milliers d’opuscules depuis 1920. Ces outils de transmission pour le public et les écoles devraient prochainement s’enrichir d’une bibliothèque patrimoniale ainsi que d’une grande médiathèque au cœur de ville. Mais que sera le livre demain ? Nous y réfléchissons au Sénat car ce nouveau partage patrimonial génère avec le numérique des enjeux clés pour l’avenir du citoyen face à la culture.
Pour conclure je dirais que nous travaillons à flux tendu dans le domaine culturel. C’est une politique différente où la médiation scolaire comme auprès des publics demeure très importante. Peut-être que cette stratégie par nature moins spectaculaire nuit à notre communication, mais elle nous permet d’œuvrer en profondeur, ce qui, à mon avis donne tout son sens au mot « culture » !

pub