| Retour

Grasse : un parfum de renouveau

Passé de la ganterie à l’artisanat, puis à l’industrie aromatique, le parfum sera-t-il spirituel au XXIème siècle ?
La renaissance du Musée International de la Parfumerie (M.I.P) devrait y concourir dès le 18 octobre. Ce nouveau lieu polysensoriel ouvert sur le vivant, via les nouvelles technologies et l’art actuel a pour mission de sortir le parfum de son flacon, pour en diffuser plus largement toute sa magie…

L’art contemporain, invité permanent du M.I.P
©J-Ch Dusanter

Marie-Christine Grasse est le Conservateur en charge de ce défi. Bien que née à Paris, il lui était difficile avec un tel patronyme de ne pas postuler dans le berceau historique de la parfumerie. C’est ce qu’elle fit avec succès en 1990. En parallèle de son cursus elle a suivi les Beaux-Arts, et même opté pour une spécialisation dans le verre. Mais le parfum ne se réduisant pas au flaconnage et fédérant une cinquantaine de métiers autour d’une filière grassoise qui réalise prés de 10% de la production mondiale, le Conservateur en chef des musées de Grasse a décidé de placer le nouveau M.I.P au centre de la profession et de l’ouvrir à l’international en utilisant tout les moyens de la muséologie actuelle.

Toute l’histoire du parfum dans l’écrin du MIP

Aussi la réalisation d’un nouvel écrin de 3400 m2 a-t-elle été confiée à l’architecte Frédéric Jung qui, en quatre ans, a doublé la surface de l’ancien Musée inauguré en 1989, en annexant trois bâtiments historiques reliés par une grande nef de verre. Coût total de l’opération 14 millions d’euros. Un parfum de folie flotte sur Grasse, mais quelle en est la composition ?

Interview de Marie-Christine Grasse, Conservateur du M.I.P

- Le nouveau M.I.P semble être dans l’air du temps et s’émanciper du poids de l’héritage que Grasse représente en matière de parfum ?

- Dès le départ le cahier des charges était de renforcer le rayonnement international du Musée. La collection avait le potentiel, il suffisait de changer le discours, de décloisonner.
En 2008 on a le droit de s’amuser dans un musée tout en apprenant !

Vue extérieure du nouveau Musée

Tous les publics y trouveront leurs marques y compris les moins de dix ans pour lesquels ont été prévus une garderie, un audio book et des ateliers. Désormais au lieu de parler de l’antiquité on y parlera des antiquités et au lieu du XXème siècle on parlera de tous les XXème siècles. Comment se parfume-t-on au Mali, à Tunis ou à New York ?
Ce nouvel outil adapté à son siècle et à l’ère de la mondialisation a séduit d’emblée les industriels et partenaires.

- Comment avez-vous réussi à concilier la partie « conservatoire » avec ce souci d’ouverture ?

- Le M.I.P se devait d’être le témoin de notre société car derrière la parfumerie il y a l’hygiène, la thérapeutique, la beauté, le désir de plaire, de communiquer. La muséographie s’est dégagée d’une chronologique scolastique en créant des passerelles entre les périodes. A chaque âge est rattachée une thématique intemporelle. Le jardin des simples (plantes médicinales) par exemple est à la base de l’aromathérapie actuelle, l’élégance permet de présenter certaines fragrances de Chanel, l’antique Kouros ou la préciosité du XVIIIème siècle des créations de Lolita Lempika. La cerise tient parce qu’il y le gâteau dessous, mais on n’est pas forcer de le déguster couche par couche !
- L’autre intention était d’aborder la discipline à travers tous les modes d’expression : les arts décoratifs, le design, l’industrie et de tracer un circuit d’art contemporain qui donne la chance à des artistes vivants d’enrichir le Musée. N’oublions pas que sur la Côte, il y a une forte tradition dans ce domaine de la Fondation Maeght, à l’Espace de l’Art Concret via le MAMAC ou la Villa Arson.

- Comment l’art contemporain entrera-t-il dans ce nouveau parcours ?

-  Le musée n’est pas un lieu de culte, mais de culture, il doit poser des questions. Nous avons commencé par faire des acquisitions dont une installation picturale de Peter Downsbrough.
- Nous avons confié à Gérard Collin-Thiebaut le soin de créer à partir d’un lot d’étiquettes de parfumeurs un faux papier-peint qui sera présenté dans la partie XIVème siècle dédiée à la mécanisation et à la réclame.
- Jean-Michel Othoniel, qui a participé à l’accompagnement artistique du Tramway à Nice, réalisera une fontaine bijou en verre soufflé blanc et rouge sur le thème de la frivolité, au sein du jardin des XVIII et XIXème siècles (jardin où est exposé le coffret de voyage de Marie Antoinette).
- Dominique Thévenin dont une œuvre habille le parvis du MAMAC a travaillé lui sur la récupération des cuves de l’industrie de la parfumerie.
- L’artiste niçoise Brigitte Nahon sur des structures en verre olfactif. Le M.I.P pourra donc se visiter en dehors de son fond patrimonial ou scientifique avec les artistes contemporains tout comme avec les odeurs créées par l’école des parfumeurs (SIPCA).
Plusieurs niveaux de lecture seront proposés, le but étant de revenir plusieurs fois !

- Des animations viendront-elles ponctuellement enrichir cet écrin ultramoderne ?

- 

Intérieur moderne et nouvelles technologies au coeur du MIP

Le MIP ne sera pas seulement un musée olfactif et interactif équipé d’un auditorium, d’écrans vidéo, d’audio-guides en quatre langues, il sera en prise directe avec notre époque. Dans cet esprit des expositions temporaires seront organisées permettant à des créateurs tels Michel Blazy, Pierre & Gilles ou Bettina Rheims de confronter leurs univers avec celui du parfum. Les parfumeurs étant encore bien vivants, nous accueilleront des colloques, des conférences, permettant de mieux cerner qui sont ces personnes qui font vivre cette formidable industrie économique et culturelle.

- Le M.I.P, un nouveau tournant pour l’avenir de Grasse ?

- En effet et si le discours évolue, le M.I.P demeure le seul musée de la parfumerie existant sur la planète.
Grasse au cœur du Pole PASS * ne peut pas rater ce virage pour lequel nous avons obtenu le soutien de nombreux partenaires comme les syndicats, les industriels et des marques aussi prestigieuses que Guerlain, Hermès, Chanel, Dior ou Yves Saint Laurent.
Nous avions 50 000 visiteurs par an, on en attend au moins le double avec toutes les retombées que cela induit !

Marie-Christine Grasse Conservateur en charge du M.I.P
©J-Ch-Dusanter

* Le Pole de Compétitivité Parfums, Arômes, Senteurs et Saveurs réunit toute la filière et siège à Grasse depuis sa labellisation en 1995.

Informations pratiques


Depuis le 18 octobre le Musée a ouvert ses portes au public et pour lui permettre d’entrer dans la nouvelle ère du Musée International de la Parfumerie l’entrée est GRATUITE jusqu’au 31 décembre 2008 !

www.museesdegrasse.com

pub