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Jaume PLENSA, Un grand homme de lettres

Il installa durant l’été 2007 sur les remparts d’Antibes sa sculpture « Nomade », Jaume Plensa revient au Port Vauban pour y ancrer définitivement son géant lettré de huit mètres de haut.

Jean-Louis Andral Conservateur en chef du Musée Picasso en charge de la commande, et de l’exposition consacrée au printemps à l’artiste, raconte…

Comment Jaume Plensa et son « Nomade » ont-ils débarqué à Antibes ?

Le Musée Picasso étant fermé de mars 2006 à juillet 2008, le Député-Maire d’Antibes Jean Léonetti me passa commande début 2007 d’un projet extérieur incluant le bastion Saint-Jaume restauré. Trois mois, c’est court, mais j’avais plusieurs pistes dont celle de Plensa dont je connaissais l’œuvre monumentale érigée dans quelques métropoles. Je suis allé le voir à Paris avec des clichés du site. Il fut séduit et par un heureux hasard il avait une sculpture en préparation pour la foire Art Basel de Miami. Nous avons pu la faire venir et l’installer de juillet à septembre sur cette grande terrasse face à la mer créée suite au démembrement de l’ancien chantier naval

Trois ans plus tard « Nomade » revient… l’essayer c’est l’adopter ?

Atelier de l’artiste Multindus, St Feliu de llobregat, Barcelone, 2009 Photo J.-L.A. © Adagp, Paris, 2010

Quand la sculpture a dû repartir à Miami où elle fut vendue à un collectionneur américain puis intégra un musée de l’Iowa, cela créa un grand vide sur les remparts. Le succès public de cette installation fut tel et son intégration au lieu si probante, que la ville a souhaité passer commande à l’artiste d’une sculpture similaire. J’ai pensé qu’il serait opportun d’accompagner cette installation pérenne d’un accrochage permettant d’appréhender l’univers de ce créateur espagnol, qui travaille depuis 10 ans sur l’humain via le corps et les lettres qui, au-delà de leurs fonctions, sublime la construction de la pensée dans l’espace.

Comment s’articulera ce double événement ?

Nous avons souhaité faire coïncider début mai le vernissage de l’exposition et l’inauguration de l’œuvre assemblée sur place. L’artiste sera présent ainsi que le Ministre de la culture. Car l’État, via le FRAM* et la réserve parlementaire, a fait un beau geste en dégageant 285 000 euros pour cet achat, le solde étant réparti entre la Ville, les Amis du Musée Picasso et le port Vauban.

Vous semblez avoir bénéficié de la crise dans ces transactions ?

Jaume Plensa, sensible au projet, nous a fait des conditions très favorables. À titre indicatif, la grande « Nomade » fut vendue 1, 2 millions d’euros en 2007 à Art Basel. La sculpture du même gabarit que nous avons acquise a couté 500 000 euros. Mais le plus important c’est que cette œuvre, visible de très loin et illuminée au soir, va devenir une véritable figure de proue pour Antibes. Il faut souligner que l’œuvre rejoint la collection du Musée. C’est une commande publique inventoriée et gérée par le Musée Picasso.

Elle semble être également au centre d’un nouveau parcours artistique ?

Self-portrait XXIII 2005, technique mixte sur papier 41 x 30 cm, collection privée © Adagp, Paris, 2010

En effet, elle est le point de départ d’un projet souhaité par le Maire. « La promenade des arts » partira du Fort Carré reliant le port par navettes maritimes. Du bastion Saint-Jaume en longeant les remparts rendus aux piétons on accédera ainsi au
Musée Picasso puis au Musée Archéologique où une terrasse est en cours de restauration. La place au pied du Musée Picasso, en refonte également, doit accueillir bientôt une œuvre qui puisse faire signal. « Nomade » donne l’impulsion d’un parcours de sculptures qui sera un musée hors les murs avec les artistes de la collection. Je pilote le projet dans ce sens.

Depuis trois ans on assiste à une sorte de chassé-croisé entre Nice et Antibes autour de Plensa ?

C’est un pur hasard. Je faisais parti de ceux qui dans le groupe d’experts de l’accompagnement artistique du tramway à Nice ont très vite avancé son nom. La première installation de « Nomade » à Antibes date de l’été 2007, l’exposition en novembre au Mamac fit logiquement suite à l’inauguration place Masséna de son œuvre « Conversation ».

En quoi votre exposition « L’âme des Mots » sera t-elle différente de celle du Mamac ?

Il n’y aura aucune œuvre sculptée car j’ai choisi d’ouvrir un angle saillant dans le travail de ce plasticien pluridisciplinaire qui, à 54 ans a un parcours qui lui valut déjà en 1997 une rétrospective à la Galerie du Jeu de Paume à Paris. Comme tous les sculpteurs, il possède une importante œuvre sur papier. « L’âme des Mots » apportera un nouveau regard en dévoilant 91 dessins réalisés entre 1998 et 2009. C’est la première fois, que l’on abordera à cette échelle la partie la moins visible de l’iceberg (sourire).

Ces dessins sont-il des croquis préparatoires aux sculptures ?

Pas du tout, c’est une œuvre à part entière. Plensa, qui a évolué vers des installations à base de lumière, de son et langage, pratique et revendique le dessin depuis toujours avec un travail spécifique. Il procède souvent par techniques mixtes, mélangeant le crayon, la photo, créant des effets de relief, usant de matières inhabituelles comme le cirage ou des peintures aérosols. C’est très spectaculaire. Certains dessins font 2 mètres de haut et 6 mètres de large ! On y entre comme dans un espace, comme on pénètre dans la grande « Nomade » qui est une sculpture creuse composée d’une myriade de lettres d’acier soudées les unes aux autres.

Jean-Louis Andral Conservateur en chef du Musée Picasso © H. Lagarde

Plensa et Picasso, même combat ?

L’Espagne est bien sûr très liée au Musée Picasso. Quand je suis arrivé ici en 2002 j’ai ouvert les expositions temporaires avec l’œuvre de Tapies. Plensa a dit quelque chose de très beau sur cette filiation : « Faire une exposition au Musée Picasso c’est comme visiter la maison de mon grand père ». Picasso est la figure tutélaire de ces artistes. Mais ce qui intéresse Plensa le catalan c’est ce qu’il appelle « sa liberté extraordinaire ». Picasso ne s’est jamais laissé enfermer par son travail, ni réduire par ses idées, il a toujours su rebondir, se renouveler. À sa façon Plensa procède de cette même volonté d’autonomie.

Le Ministre de la Culture et de la Communication sera présent le samedi 15 Mai lors des deux manifestations consacrées à Jaume Plensa à Antibes :
- à 10 h 30 : au musée Picasso, vernissage de l’exposition
"L’Âme des mots", 1998-2009

- à 11 h 30, au bastion Saint-Jaume, port Vauban, inauguration de "Nomade", 2010 (Commande publique de la ville d’Antibes à l’artiste)

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