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Retour sur "La Traviata" à Anthéa

Un nouveau théâtre est un événement culturel, surtout quand ce théâtre est de l’importance d’Anthéa qui vient d’être inauguré à Antibes.

Anthéa
© Milène Servelle

Tandis qu’il est partout question de « la crise », Jean Léonetti, Député-Maire d’Antibes, désire développer culturellement sa ville : sortir, se divertir pour combattre la morosité. En s’associant à la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis (la CASA) - toute la région est concernée – il a parrainé un magnifique bâtiment à l’imposante architecture contemporaine avec deux salles de spectacles dont l’une de 1230 places et l’autre de 250. Ajoutons des restaurants, des surfaces d’expositions et une montée intérieure en spirales, inspirée du Musée Guggenheim à New York.

Anthéa
© Milène Servelle

Comme prévu de longue date, l’inauguration a eu lieu le samedi 6 avril avec une seule représentation de La Traviata, l’opéra le plus populaire de Verdi, adapté de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas Fils. Chacun se souvient de l’argument : Violetta, courtisane mondaine, s’éprend passionnément d’Alfredo, fils de bonne famille. Le père de ce dernier obligera la jeune femme à rompre, si bien que l’amoureux, se croyant trahi, cherchera à l’humilier. Violetta en meurt.
L’opéra de Verdi célèbre moins la descente aux enfers d’une femme seule, minée par la culpabilité, qu’il ne chante l’impossible bonheur d’un couple pourtant fait pour s’aimer. Idéale d’insouciance et de gravité, la soprano bulgare Sonia Yoncheva est une Violetta entre l’envol et la chute. Son chant s’étire avec une langueur vénéneuse, sans esquiver les éclats de bravoure suicidaire ou les accents d’âpre désespoir, traversé par ce tempo musical lancinant comme les battements de coeur de La Dame aux camélias. Le ténor, Jean-François Borras, est un Alfredo à la fois amoureux tourmenté et naïf puisqu’il ne soupçonne pas la manipulation sociale dont est victime sa bien-aimée. Son père, Luca Salsi, a provoqué une salve d’applaudissements.

Des trois protagonistes aux choristes de l’Opéra de Monte-Carlo, d’Antonino Fogliani, dans la fosse d’orchestre, au moindre second rôle, tous manifestent leur bonheur de jouer dans la superbe mise en scène de Jean-Louis Grinda. Car, tout est grandiose dans cette production de l’Opéra de Monte-Carlo de La Traviata : orchestration sublime, mise en scène éblouissante, décors impressionnants, interprétation admirable. Cet opéra est un somptueux cri d’amour modulé par la partition musicale de Verdi, mais aussi une incisive et splendide peinture d’une société bourgeoise rendue féroce par le carcan de ses convenances sociales hypocrites.

La censure, officielle ou morale, a été la compagne la plus constante dans la vie de Verdi. Cependant, jamais elle ne le frappa comme pour La Traviata (la dévoyée, en français). Verdi partageait alors la vie de Giuseppina Strepponi, fille-mère au passé mouvementé qui devait affronter les vexations et le rejet de la bourgeoisie bien pensante. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec l’histoire de cette courtisane parisienne qui renonce à l’amour pour ne pas nuire à la réputation de la famille de l’homme qu’elle aime. Phtisique, elle meurt dans un dénuement total, apportant la dimension pathétique que le mélodrame du XIXe exigeait. Autour d’une héroïne emblématique, La Traviata est l’opéra des absolus, où le sublime de la passion et la tragédie du sacrifice se superposent jusqu’à sublimer la mort elle-même. 160 ans plus tard, le feu brûle encore et chaque représentation ranime la flamme résonnant d’échos contemporains. Four absolu le soir de sa création, La Traviata est unanimement reconnue comme l’une des oeuvres majeures de l’art lyrique.

Daniel Benoin, directeur artistique d’Anthéa, a concocté une innovante programmation d’arts vivants : théâtre, opéra danse, musique, humour, cirque...

Fêtons la naissance de ce nouveau théâtre et arrosons l’événement. Champagne !

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