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PARIS : Installation d’Amos Gitaï en hommage à son père

Gitaï fait revivre son père, architecte du Bauhaus jugé par les nazis en 1933, dans une installation vidéo
Traces est présentée jusqu’au 17 avril dans les sous-sols en friche du Palais de Tokyo, à Paris.

Le réalisateur israélien y reconstitue le procès de ce père expulsé d’Allemagne et règle ses comptes avec l’architecture grandiloquente aimée d’Hitler, que lui rappellent le Palais de Tokyo et le Trocadéro, bâtis dans les années 30.

Avec cette installation, "je continue mon duel avec cette architecture autocratique et monumentale", a déclaré le 6 février Amos Gitaï, qui avait déjà imaginé en 2009 une installation sur le même principe dans une base sous-marine construite par les nazis à Bordeaux.

Selon lui, "l’architecture est chargée de signification. Mon père, lui, avait été formé au Bauhaus, qui prônait une architecture fragile, minimaliste, pas du tout décorative". "Ce n’est pas un hasard si le Bauhaus a été l’une des premières écoles à être fermée immédiatement après l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933. Les nazis considéraient que ces formes modestes, modérées, humaines, constituaient une menace", a précisé le cinéaste qui a fait lui même des études d’architecture.

Le réalisateur israélien Amos Gitai présente son installation "Traces" au Palais de Tokyo à Paris, le 4 février 2011.
AFP/JOEL SAGET Amos

C’est dans les sous-sols - où une partie des biens juifs spoliés, notamment les pianos, était stockée sous l’Occupation - qu’on erre dans la pénombre entre les colonnes de cet espace désolé, strié de sons. Les images d’Amos Gitaï sont projetées en grand écran sur les murs gris désaffectés.

A côté d’extraits de certains de ses films, comme "Free Zone" (2005) avec Nathalie Portman, ou de ses documentaires, on découvre les images inédites d’un long métrage que le cinéaste est en train de tourner sur la vie de son père, Munio Weinraub, qui décida d’hébraïser son nom en Gitaï peu avant sa mort en 1970.

Le cinéaste, qui avait évoqué sa mère Efratia dans le film "Carmel" (2009), se tourne à présent vers l’image de ce père né en 1909 dans une petite ville de Silésie. Après avoir appris le métier de menuisier, Munio avait rejoint le Bauhaus, école de la modernité fondée par Walter Gropius à Weimar puis déplacée à Dessau, dans l’est de l’Allemagne. Il avait travaillé dans l’atelier d’architecture de Mies van der Rohe, qui sera le dernier directeur du Bauhaus.

Mais Munio Weinraub, qui était juif, avait été contraint de quitter l’école en 1932. Il avait alors poursuivi ses études à Francfort où il avait été arrêté et battu pour avoir distribué des tracts. Finalement, Munio avait été expulsé vers la Suisse, qu’il avait quittée pour la Palestine en 1934.

Il fut l’un des architectes de la construction d’Israël où il a édifié de nombreux bâtiments collectifs de style moderniste. Mais jusqu’à sa disparition, il a toujours gardé l’apparence d’un "immigrant" venu d’Europe, en costume-cravate, en dépit de la chaleur, a souligné le cinéaste :

"J’ai retrouvé il y a un mois dans les tiroirs de ma mère à Haïfa les papiers de son procès", a conclu Amos Gitaï. Avec ce film intitulé "Lullaby to my father", il a choisi de chanter une "berceuse" à son père pour le "consoler".

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Source : France2.fr - Par FTV avec agences

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