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Mâcon : Exposition d’art contemporain "Jean-Michel Gasquet - Sophie Coroller"

Du 17 mars au 20 mai 2012 , la Ville de Mâcon présente au Musée des Ursulines une nouvelle exposition d’art contemporain autour des œuvres abstraites géométriques de Jean-Michel Gasquet et de Sophie Coroller.

Un bois monochrome, présent dans les collections des musées de Mâcon est le
prétexte à montrer l’évolution du travail de Jean-Michel Gasquet. Son oeuvre
atypique, réalisée à Gratay-Ozenay en compagnie de l’artiste Sophie Coroller et
présentée au musée des Ursulines, tient de l’abstraction géométrique et reflète la
quête d’un équilibre entre l’émotion d’une observation de la réalité et l’analyse d’un tracé juste. « Il revient au signe de révéler la dimension de l’espace qui le contient. Sans les étoiles, le ciel ne serait qu’un immense trou noir, infini, innommable ». A ses côtés, Sophie Coroller travaille des matériaux presque impossibles après avoir abandonné le dessin pour des reliefs sur ardoise. La lumière crée la ligne et ce sont les vides qui font surgir les plans de ses sculptures. Les deux artistes mettent la limite au coeur de leur démarche.

© Patrice Blanc, Galerie Lahumière

Devant ces Biseaux, le mieux serait de s’en tenir à la jubilation. Un armistice paraît signé entre le trait et la couleur (noir compris, bien sûr) et qui
satisfait parfaitement notre sensibilité. Mais arrêtez-vous seulement, j’allais dire, tombez en arrêt sur tel ou tel biseau, vous comprenez que la guerre continue ; car si chaque oeuvre est une victoire, la guerre n’est pas finie. Quelle guerre ? Celle du dessin (la ligne, l’angle, la figure) qui pense et calcule avec la couleur qui
se couche et jouit. Une guerre où il ne faut pas de vainqueur et qui recommence sans cesse ni trêve, ne serait-ce que pour le bénéfice de la peinture. Et pour peu qu’on ne visite pas l’exposition comme on jette un oeil sur un paysage, pour peu qu’on cherche à voir ce que voient ces oeuvres, nous voici aussitôt enrôlés
dans cette lutte que je comprends comme celle de la pensée avec elle-même, une pensée d’autant plus profonde qu’elle est formelle, qu’elle est sans mots, au-delà des mots, au-delà du mot à mot que fait toujours le cerveau quand il tente de parler pour traduire son être au monde. Ici la peinture pense en beauté, et par ses moyens propres. Le peintre expose mais c’est pour mieux nous exposer à son oeuvre. Prenez un des biseaux de la « série noire » : après l’émotion esthétique, c’est la commotion cérébrale. Ce qui était à l’instant ordre, équilibre, perfection, se met à bouger, trembler, danser ; et si ça danse, c’est que la peinture pense ; ce qu’on croyait construit (ah ! la peinture construite !), composition pure, se
défait, se refait, la surface se creuse, apparaissent des espaces (je dirais des scénographies) aussitôt évanouies et démenties par la suite du travail de l’ « oeil-cerveau ». Bref, le biseau est devenu un problème, et un problème sans solution ; vous ne vous y retrouvez plus, vous vous y perdez. Votre sensibilité, votre intelligence ne s’en sortent pas, pas mieux qu’avec la vie, la mort, l’amour (et je ne parle pas de Dieu), mais, prodige de l’art, cet échec est un plaisir. Faites
maintenant l’expérience corollaire avec les biseaux colorés. Est-ce la grâce de la couleur, le côté matisséen ? – on se croirait tiré d’affaire, sorti du piège.
Ces biseaux paraissent prodiguer le plaisir particulier des choses résolues, mais justement, lesquelles ? On jouit des solutions, mais dans le vertige de l’ignorance des questions posées. L’énigme est résolue, mais on ne sait pas laquelle !
On m’aura compris : ces biseaux sont tranchants. Je le dis sans biaiser, pour la clarté de l’exposition, c’est le cas de le dire.

© Pierre Plattier, Musées de Mâcon

Au commencement de l’oeuvre de Sophie Coroller : la quête du matériau presque
impossible. Aluminium de 6 mm de section travaillé en résistance limite, papiers
thaïlandais quasiment introuvables qui devront affronter un véritable travail de marqueterie suivi de l’épreuve de bains végétaux, ardoises pouvant supporter l’attaque de perceuses à mèche de tangstène, fibres de verre et de carbone
qui ne se trouvent qu’aux confins de l’aéronautique, tubes de pyrex de 2 mm de
diamètre qui devront accepter d’être coudés à la chaleur, calques de polyester, tubes de carbone et de verre qui se poseront sur un mur par la seule grâce d’une épingle. Également au commencement de cette oeuvre : l’abandon du dessin. Un affranchissement qui imprimera sans cesse la recherche d’un autre trait, dans l’espace celui-là, la volonté de quitter le support comme pour donner corps à l’expression « libre comme l’air ». L’abandon du dessin, première transgression de limites qui imposaient un corps trop donné. Ensuite, une fois l’oeuvre acquise à l’espace et au relief, questionner ces limites. Jusqu’où résistera le matériau rare et cher ? Comment franchir la ligne du socle ? S’affranchir des lois terrestres ? S’échapper de la contrainte matérielle en tendant vers le trait le plus immatériel ?
Rivaliser avec l’air sans limites et les merveilleuses lois non euclidiennes ? Trouver la ligne de fuite qui réussira le tour de force d’atteindre une aérienne gravité ? Ainsi peut s’appréhender le travail de Sophie Coroller : que le corps du monde ne pèse pas.

Musée des Ursulines
5, rue des Ursulines 71000 MACON
Tél. : +33(0)3 85 39 90 38

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