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VENISE : Biennale 2009

Déjà comblée par les arts, les architectures, la peinture, la musique, etc., la cité des doges n’avait pas de vocation particulière à représenter l’art de son temps. Et pourtant, la Biennale existe depuis 1895, et s’il y a encore quelques années, elle se cantonnait dans les Giardini, puis dans le magnifique Arsenale, elle ne cesse d’année en année de s’installer dans tous les lieux : Palais, anciens entrepôts, greniers à sel, places, etc. Cette année, les arts contemporains sont quasiment présents dans tous les quartiers de Venise. Tous les pays veulent maintenant en être (cette année, 70 pavillons, dont Monaco).

Chaque Biennale dégage une tendance. Progressivement, la peinture, la sculpture, le dessin ont laissé place aux projections de films, de vidéos, aux écrans d’ordinateur… et surtout aux installations qui se sont taillés la plus grande part cette année (les lieux s’y prêtent parfaitement).
En revanche, très peu de sculptures. La peinture y est toujours présente, elle constitue heureusement la trame de base et la maîtresse de tous les arts… Donc, Installations (avec un grand I) partout. Occupation maximum des espaces jusqu’à saturation...

Comme cette gigantesque toile d’araignée en cordons de chaussures avec planètes intérieures et filins dans tous les sens qui interdisent l’entrée dans la salle.

Thomas Saraceno

Les Installations du pavillon russe sont souvent les plus intéressantes. On y a découvert là il y a des années l’œuvre de Kabakov, présent depuis presque à chaque Biennale, mais pas cette année. Mais on ne perd pas au change. Kabakov a fait des émules. Une installation à sa manière mais plus chargée encore de cette déréliction qui caractérise souvent les artistes russes.
L’installation de Kalyma est faite de bric et de broque, de bois surtout, grossièrement taillé, et encore plus lourdement assemblé. Construction précaire mais faite pour durer, éclairée de toutes petites loupiotes jaunes, les vieilles, les très vieilles ampoules de 10 ou 20 watts, très jaunes, éclairant si peu mais déclinant des ombres inquiétantes ou illuminant des pantins de bois qui dessinent et des mains émergeant de vieux pardessus pendus à un clou qui font bouger les quelques tableaux-chromos d’une Russie dépassée.

Kalyma, Pavillon Russe

Toujours dans le pavillon russe et dans aussi peu de lumière, une superbe installation de boules de verres suspendues par des filins au plafond (Anatoly Shuravlev). Chaque boule contenant d’autres plus petites boules qui jouent avec la lumière et d’encore plus petites où un portait arrondi tournoie d’une personnalité célèbre : John Lennon, Guevara, Kennedy, etc., (son panthéon personnel ?)
Le titre de l’expo de cette année est " Victoire sur l’avenir "...

Anatoly Shuravlev

Dans le pavillon allemand, Liam Gillick nous propose un délire de rangement, - ça sent le pin fraîchement raboté et tout l’espace du pavillon est occupé par ces simples étagères.

Liam Gillick

Au pavillon français, Claude Lévêque, qui s’est imposé au fil des années et de ses installations, comme un des meilleurs installateurs. Il s’adresse directement à notre sensibilité, à notre émotion en créant des tensions dérangeantes en même temps qu’esthétiques. " Le Grand soir ", c’est le nom de cette installation qui nous fait pénétrer dans un univers carcéral fait de hautes grilles sans portes. Les murs métallisés mais joliment irisés rajoutent à cette impression d’univers froid où aux quatre coins sont enfermés (ou est-ce nous qui sommes enfermés ?) des drapeaux noirs (flottant sous le souffle de ventilateurs invisibles). L’espace est beau et malgré tout, pas triste.

Claude Lévêque

Installation suisse dessin au mur au scotch noir d’éléments de mobilier ? Sa représentation suffirait-elle ? Autre belle installation au pavillon coréen, un assemblage de stores multicolores découpant la lumière comme autant de traits ou de croisillons colorés.
Tout au long des allées, on retrouve un signe habituel des rues de nos villes, la carcasse de vélo encore attaché à un poteau. Twombly très bien exposé chez Pinault semble avoir fait des émules : on retrouve ses formes simples, enfantines chez l’Israélien Raffi Lavie.

Raffi Lavie

" For sale "*, au pavillon danois annonce un appartement témoin très bizarre : une bibliothèque inaccessible (les premières marches de l’escalier ont été démolies), une salle à manger coupée en deux tables et assiettes comprises,

* inspiré des « A Vendre » de Jean Mas ?, des tableaux aux murs - en fait des écriteaux rachetés à des mendiants et mis dans des cadres dorées et une cuisine à la vaisselle envahissante.

Au pavillon espagnol, pas d’installation (quoique), de la vraie peinture et au-delà. Barcelo, qui aime la peinture-matière comme personne, la projette sur des toiles avec un canon à peinture de sa création. Ecailles, filets, coulures, stalactites sont impressionnantes et dégagent parfois des formes insolites comme celle d’un gorille ou des paysages, des animaux marins, etc.

Miquelo Barcelo

Quelques céramiques viennent compléter ce goût de la terre manipulée et colorée. Roman Ondák au pavillon tchécoslovaque rend l’intérieur du pavillon à la nature qui l’entoure, niant ainsi la distinction entre l’intérieur et l’extérieur.
Un très beau travail en peinture, basique à l’extrême. Sur de grandes feuilles, un rectangle peint d’un épais pinceau noir, avec une couleur vaguement jaune-beige à l’intérieur, et c’est tout… Mais c’est assez pour voir ce que Tony Conrad veut nous dire de la présence de plus en plus envahissante des écrans... même s’il n’y a rien dedans, l’artiste nous propose simplement d’y projeter ce qu’on veut.

Tony Conrad

Au pavillon égyptien, on est accueilli par des géants de palme tressée : vieux fumant le narguilé, femmes en prières, amoureux, livreur de pain à vélo, et, le tout de la même matière qui sent bon les vieux couffins de notre enfance. Pavillon vénitien : un délire de verre. Murano se reconvertit dans les formes et des textures renouvelées à l’infini. Une expo " Glasstress ", est aussi consacrée au verre dans le superbe Palais de l’Académie des Sciences et des Arts sur le Grand Canal.
Avant de quitter les Giardini, il faut aller boire un capuccino (mais ne pas manger) au restaurant à la décoration folle de Tobias Rehberger.
Une très grande Biennale par la taille et le nombre d’artistes représentés, probablement la plus grande depuis sa création. A ne pas manquer.

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