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Logique mytho - Narcisse, Méduse, Icare, Sisyphe, le peintre aveugle et autres mythes - Dessins et peintures de Marcel Bataillard

Voyage en mythologie méditerranéenne : dialogue entre des oeuvres contemporaines et des citations issues d’ouvrages des fonds patrimoniaux

D’emblée la pratique artistique de Marcel Bataillard s’inscrit sous le signe de la littérature. Ses expositions, sont souvent parsemées de citations à même le mur. Logique puisque le statement qui fonde l’existence du peintre aveugle est un détournement/prolongement de la première phrase du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus (cf. ci-après).

Narcisse - (c) Marcel Bataillard

La BMVR est le lieu idéal pour prolonger ce dialogue entre son travail de plasticien et les œuvres littéraires, notamment la mythologie méditerranéenne. L’idée est de dresser des parallèles entre art et vie, un pont entre théorie et pratique et de mettre en regard des dessins et peintures avec des ouvrages issus du fonds de l’Alcazar. Il s’agit avant tout d’une exposition qui s’articule autour de citations venant éclairer les œuvres présentées (certaines produites spécialement pour l’occasion). Figurent donc en bonne place dans cette exposition, aux côtés d’auteurs de toutes les époques, Sisyphe, Icare, Narcisse, Méduse et... le peintre aveugle.

Autour de l’exposition


En liaison avec le service Lire Autrement : parcours spécifique de l’exposition à l’attention des non-voyants et rencontre avec l’artiste
Vendredi 4 février à 17h : Mythes et légendes antiques dans l’histoire de la musique par Frédérik Brandi (directeur du Centre international d’art contemporain de Carros)
Sisyphe, Icare, Méduse, Narcisse... Mythes ? par Frère Benoît Pekle o.p.

Marcel Bataillard


Né en 1967, vit et travaille entre Nice, Calvi et Arles.
Autodidacte, s’expose depuis 1991 en France et à l’étranger. En 1993, sur la base des concepts d’immortalité et d’identité, il devient le peintre aveugle. "Il n’y a qu’un problème artistique vraiment sérieux, c’est l’immortalité. Voilà la vérité. Et la vérité crève les yeux... Le bon peintre est le peintre aveugle." Il développe alors une pratique artistique centrée sur un aveuglement simulé, donnant naissance à des œuvre où l’aléatoire, l’absurde, le jeu, la virtuosité et l’expérimentation ont toute leur place. Initié en 1993, le corpus des dessins à l’aveugle, présentés pour la première fois en 1997, s’est depuis enrichi de peintures à l’aveugle et aussi de différents objets, installations ou photographies autour de thèmes souvent archétypaux : l’autoportrait, la tauromachie, la pornographie, l’identité (corse notamment), la mythologie, la figure de saint Thomas...

Alcazar BMVR - 58 Cours Belsunce, 13001 Marseille
Adresse postale : 23 rue de la Providence - Place René Sarvil - 13231 Marseille Cedex 1

http://www.bmvr.marseille.fr
http://www.marcelbataillard.com

Virtuose ou vertueux ?

Ce qui est extraordinaire en matière d’art c’est l’abondance : nouvelles technologies, installations, performances, art vivant, postures et surtout discours…

Comme si le langage (l’ouïe) était interchangeable avec le geste, l’image ou le dessin (un bon dessin vaut mieux qu’un long discours). Je ne sais, d’autres plus compétents se sont interrogés sur le statut de l’image et leur réflexion est souvent passionnante sauf qu’elle nous écarte de l’objet, elle nous écarte de l’œuvre qui devient prétexte à texte, à discours et commence alors l’épuisant dialogue entre l’illustration et le commentaire qui n’ont selon moi guère d’intérêt.

Marcel Bataillard est intéressant parce qu’il sort de ce dialogue, il s’en éclipse sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger ceux qui croient qu’il est encore un temps pour le commentaire ou pour l’illustration. Pour peindre à l’aveugle comme on dirait de mémoire, parce que le geste, le travail de la main est justement ce qui, depuis l’origine identifie le travail de l’artisan ou de l’artiste. Travail de virtuose ou de vertueux, peu importe l’étymologie est la même et signifie depuis l’époque médiévale ce long exercice qui permet d’exécuter facilement et de manière naturelle ce qui n’est ni naturel ni facile. Les yeux bandés la main devient le prolongement même de la mémoire et doit pour cela explorer la conscience pour se souvenir de l’instant, du geste, du regard qu’il faut encore transcrire en écrivant .
Aux confins de l’écriture, du dessin et de la calligraphie Bataillard nous emmène en voyage dans le temps auprès de Thomas - l’apôtre - qui bien qu’il ne croie que ce qu’il voit doit cependant toucher. Après Marie Madeleine qui doit, elle, obéir à l’ordre contraire ne me touche pas. Pour aller d’une manière ascétique revisiter des choses connues comme par exemple des mythes qui ont durant des siècles inspiré écrivains et artistes.

C’est à ce carrefour que très modestement va s’installer Bataillard, observant les rencontres improbables de Narcisse et de Méduse, de Sisyphe et d’Icare, se nourrissant de ce que d’autres ont écrit ou bien peint et s’autorisant à refaire de l’art à leur suite. Sans prétention mais aussi sans complexe parce que, depuis les premières manifestations connues d’images, ce sont les mêmes questions qui se posent devant le seul objet qui soit contemporain et qui est celui qui est en face de moi. En face du spectateur, dans la confrontation à l’œuvre qui devient par la même contemporaine, quelque soit le siècle où elle fut réalisée. Parce que je crois qu’en matière de création ce sont d’abord nos sens qui sont convoqués à la rencontre.
Pourquoi le voyant doit il toucher ? Si ce n’est pour prendre conscience de l’indicible…

Ce que je ne peux pas dire je dois le montrer dans la mémoire inlassable du geste, l’habitus ou la maniera, peu importe, car l’art n’est peut être rien d’autre que l’éternelle confrontation de l’homme et de la matière.

- Frère Benoît Pekle o.p., 2010

Aumônier des artistes, historien de l’Art et commissaire d’exposition.
Chargé de cours à l’université de Nice.

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