Allongé sur un lit médical au centre de la scène, Paul souffre, geint, gémit, supplie d’absorber des calmants que, sadique, elle lui refuse sous divers prétextes.
Il est à sa merci et elle abuse de façon perverse de cette situation, l’obligeant à brûler son nouveau livre qu’elle n’aime pas et à revenir à sa saga qu’il était ravi d’avoir close sur Misery, personnage dont elle s’est entichée. Dans un monde dont il ne connaît pas les codes, il supporte cette domination, et cherche à truquer pour parvenir à s’en sortir. Comment pourrait-il s’échapper ? Tout spectateur a vite compris qu’Annie était « folle », vivant retirée de la société qui s’empresserait de l’interner si elle pointait le bout de son nez – mais nous ne sommes pas dans le vraisemblable !
Le scénographe, Jean-Pierre Laporte, a magnifiquement déployé dans un espace géant ce huis-clos intimiste. D’un soin astucieux, le décor est complété d’écrans vidéo qui permettent de voir Paul dès qu’il réussit à sortir de la pièce où il est prisonnier. Parfois la scène devient noire – peut-être trop souvent – avec une musique fracassante. Des images vidéo de Paulo Correia montrent l’accident de Paul ou le visage d’Annie grimaçante de folie.
On se souvient du film de Bob Reiner, et, si on oublie James Caan dans le rôle de Paul, il est impossible d’effacer de notre mémoire Kathy Bates, troublante d’ambiguïté entre bienveillance et perversion rageuse.
Du théâtre sous les auspices de la littérature et du cinéma, c’est ce qu’aime Daniel Benoin, il l’a déjà prouvé en adaptant « Festen » de Thomas Vinterberg, « Faces » de John Cassavetes, « Whatever Works » de Woody Allen.
Ici, il fait encore éprouver ce que peut être la différence entre théâtre et cinéma, incarnation vivante et image enregistrée. Il y a une quinzaine d’années, il avait déjà mis en scène « Misery » du temps où il dirigeait le TNN. Il interprétait alors lui-même le rôle de Paul et Myriam Boyer jouait déjà son bourreau. Dans notre souvenir, la pièce avait davantage de « chair », aujourd’hui elle semble plus dépouillée.
Ils sont donc deux en scène. Deux acteurs épatants qui ont troublé et fasciné le public. Francis Lombrail est excellent dans ses gémissements et ses plaintes – on souffre pour lui – et Myriam Boyer mérite tous les superlatifs, elle s’est encore améliorée avec le temps (« comme le bon vin », dit-elle). Vibrante de violences contradictoires, elle domine, triomphante, mais écorchée, ce jeu pervers tout en conservant un fond d’humanité.
Le suspense est entretenu jusqu’à une fin prévisible pour certains et inattendue pour d’autres, ce qu’on peut considérer comme une « pirouette » de la part de l’auteur.
Tout écrivain est-il tenu de répondre au désir du lecteur ? Car, qu’est-ce qu’un « fan » ? N’est-ce pas grâce à la tyrannie de cette « supporter », le contraignant à écrire la suite de « Misery » et qui devient ainsi créatrice, que l’auteur obtient succès et récompenses ?
Caroline Boudet-Lefort
Représentations
mardi 2 mai 2017 | 20h00
mercredi 3 mai 2017 | 20h30
jeudi 4 mai 2017 | 20h00
vendredi 5 mai 2017 | 20h30
mardi 9 mai 2017 | 20h00
mercredi 10 mai 2017 | 20h30
jeudi 11 mai 2017 | 20h00
vendredi 12 mai 2017 | 20h30
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dimanche 14 mai 2017 | 15h30
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