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Fin de cet événement Février 2018 - Date du 2 février 2018 au 4 février 2018

Les Noces de Figaro, de Mozart dans une mise en scène de Daniel Benoin

Daniel Benoin propose une mise en scène inédite pour l’étourdissant opéra de Mozart « Les Noces de Figaro ». A plus de 70 ans, Chérubin revient dans le château, en partie en ruine, où s’est déroulée « la folle journée » qu’il évoque. On s’attache donc à la mémoire, peut-être défaillante, de cet homme âgé pour découvrir une journée menée tambour battant, riche en surprises et en chassés-croisés.

Tout commence dans le clair-obscur du château en ruine où le soleil passe entre les interstices de volets. A un sublime décor blanc signé Jean-Pierre Laporte, s’ajoute d’ingénieuses vidéos de Paulo Corréia, efficaces pour accentuer l’aspect décadent et fantomatique du lieu. Durant la musique d’ouverture, le vieux Chérubin s’installe au piano posé dans un angle de la scène et il se souvient...

Dans ce château, microcosme de la société et de ses hiérarchies, Figaro, valet du comte Almaviva, et Susanna, servante de la comtesse, préparent leur mariage. Mais le comte, « coureur de jupons », tente de séduire Suzanne et Figaro n’est pas disposé à le laisser agir... Ils sont entourés d’autres personnages qui compliquent l’intrigue. Surtout Chérubin, amoureux de toutes les femmes et particulièrement de la comtesse. Surpris dans sa chambre par la venue du comte, il se cache sous un drap – variation du traditionnel fauteuil – tandis qu’un autre se faufile sous le lit.

L’insolite mise en scène de Daniel Benoin colle parfaitement à l’intrigue faite de rebondissements.

Elle rend particulièrement lisibles toutes les péripéties de cette véritable partie de cache-cache (ils sont nombreux à se cacher sous le lit), mais l’élan vertigineux de l’histoire dissimule aussi un jeu de cache-cache psychologique. Les participants de ce jeu se reconnaissent et se méconnaissent les uns les autres, se trompant eux-mêmes dans le même temps.
Daniel Benoin, directeur d’Anthéa-théâtre d’Antibes, a d’abord été comédien, puis metteur en scène. Il ajoute donc une dimension théâtrale à l’opéra.

(Photo : Dominique Jaussein)

La musique est toujours à la fête dans une partition de Mozart, mais elle l’est encore davantage dans cet opéra composé avec une euphorie créatrice. La complicité fructueuse qui liait Mozart au librettiste Lorenzo Da Ponte a permis la plus haute précision dans l’horlogerie théâtrale de cette « Folle journée » - sous titre de la pièce de Beaumarchais aménagée en livret d’opéra « Les Noces de Figaro » - offrant ainsi une merveilleuse mécanique où les personnages se courent les uns après les autres sans se heurter. Si l’un saute par la fenêtre, c’est pour mieux rentrer par la porte.

(photo : Dominique Jaussein)

La pièce de Beaumarchais, « Le Mariage de Figaro », avait fait l’effet d’une bombe politique : elle est interdite à l’époque et l’auteur mis en prison, ce qui n’a nullement empêché les représentations de l’opéra beaucoup moins engagé en apparence.

« Ce qu’il n’est pas permis de dire à notre époque, on le chante », est une des réactions d’alors.

Si les références politiques sont gommées par rapport à la pièce, tous les personnages semblent cependant mis au même niveau dans une recherche d’égalité sociale. L’abus de pouvoir du comte et son affirmation despotique se manifestent comme les derniers soubresauts de la noblesse. Ceux d’une période déjà lointaine, précédant de peu la Révolution.

L’opéra de Mozart fut créé à Vienne en 1786, d’abord sans grand succès pour une intrigue sentimentale où mariage et mirage, rêve et désillusion, se font douloureusement écho. Mais, montrant un comte dévergondé et un valet prérévolutionnaire, il obtient vite une renommée considérable dans toute l’Europe. Les intrigues parallèles qui se télescopent à l’infini sont bien à l’unisson des lignes mélodiques en apesanteur de Mozart. Une incroyable richesse musicale se déploie, surtout dans les finales grandioses du deuxième et du quatrième acte et dans le moment magique de l’air de la comtesse au troisième acte.

L’amour est le thème majeur de Mozart, avec cette fois la sensualité. Le lit conjugal est sur scène. Qui pourra utiliser cet objet symbolique le premier, et avec qui ? D’autre part une histoire d’épingle perdue prend des proportions démesurées, ou bien s’agit-il d’autre chose ? D’une métaphore symbolique ? A chacun de donner son interprétation.

Pour ce mariage conclu de haute lutte, c’est le clan féminin qui mène l’affaire, et particulièrement Susanna. Son personnage témoigne de sagesse et de clairvoyance dans le tourbillon frénétique de cette « folle journée ». Parmi les péripéties surgies de partout, elle seule garde le cap et la tête sur les épaules. Son air principal, une sérénade amoureuse, qui anticipe le bonheur et la volupté d’une nuit de noces, arrive au dernier acte comme un accomplissement désiré.

Les souvenirs de Chérubin s’accumulent, tandis qu’au début du troisième acte les personnages reviennent enveloppés de voiles vaporeux comme des apparitions.

Les visions fantomatiques des souvenirs qui encombrent la mémoire du vieux Chérubin sont accentuées par les costumes créés par Nathalie Bérard-Benoin.

(Photo Dominique Jaussein)

Ils sont de couleurs claires, tout en blanc ou beige, en harmonie avec le lumineux décor. L’ensemble évoque l’irréalité d’une situation confuse où le passé reste toujours présent, là sous nos yeux.
Figaro est plus impliqué politiquement que le Comte dans leur rivalité. Mais c’est pourtant Chérubin qui brouille les cartes, en tant qu’agent de ces chassés-croisés. Adolescent, à la fois innocent et légèrement pervers, il butine, amoureux de toutes les femmes et objet de leur désir. C’est toujours une cantatrice qui joue et chante ce « rôle de travesti » (terme de jargon d’opéra).

De haute tenue, la distribution vocale est dominée par les rôles féminins 

Veronica Granatiero est une comtesse altière, tandis que Valérie Condoluci interprète Susanne. Dans le rôle de Chérubin, la puissance et l’aisance vocales de la mezzo Svetlina Stoyanova a provoqué un tonnerre d’applaudissements. Pour les hommes, Luigi De Donato est un parfait Figaro et Jean-Luc Ballestra un magnifique comte Almaviva. Dans la fosse, le récent directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Nice, György G. Rath mène magistralement cette nouvelle production. Le vieux (Anthony Ballantyne) et le jeune Chérubin saluent ensemble, seul et même personnage.
Après bien des péripéties, chacun retrouve sa chacune et cela se termine dans la joie. Mais combien de temps leur fidélité durera-t-elle ?
Caroline Boudet-Lefort

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Photo de Une (détail) dr Dominique Jaussein

PROCHAINES REPRESENTATIONS
ANTHEA - salle Jacques Audiberti
vendredi 2 février 2018 | 20h00
dimanche 4 février 2018 | 15h30

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