| Retour

ANTHEA - "Palmyre, les bourreaux" Texte et mise en scène de Ramzi Choukair

Est-ce un spectacle ? Est-ce un témoignage ? Est-ce l’histoire d’un cri venu de Syrie ? C’est tout cela puisque d’anciens prisonniers du régime syrien sont les comédiens qui viennent rapporter, sur la scène d’Anthéa, les tortures qu’ils ont subies dans les geôles de leur pays, que ce soit sous la dictature de Bachar el-Assad ou après.

Il est important de montrer sur un plateau théâtral ces preuves - ces témoignages – qui touchent les spectateurs au plus profond.

De les interpeller, s’il le faut, sur leur silence, leur indifférence peut-être, face à l’oppression d’un pays qui leur semble lointain.
Aucun éclat, aucun mélo dans la voix, tout est dit avec un naturel confondant, sans fulgurances, comme s’il s’agissait d’une routine, d’habitudes banalisées dans le quotidien de ce pays qui conserve une troublante dimension de rituels brutaux et archaïques. Eternels ? Espérons que non !
Humiliation et violence semblent être inscrites dans le pays depuis la nuit des temps. Et pourtant les ruines de Palmyre prouvaient une civilisation puissante et artistique. Pourquoi a-t-il fallu que tous ces vestiges soient détruits par les djihadistes de l’Etat islamiste ?

Outre ses ruines antiques, Palmyre est également célèbre pour sa prison réputée être une des plus dure du pays. C’est là qu’a été incarcérée durant plusieurs années Fadwa Mahmoud, avec une mise à l’isolement de 14 mois dans une cellule à proximité du bureau de son frère, responsable de son arrestation, car il n’approuve pas ses idées, les siennes étant totalement opposées.

Il y a aussi Saleh Katbeh qui, d’une voix extrêmement touchante, témoigne de ses années d’humiliation et d’enfermement arbitraire dans cette même prison. Dans cette Syrie, sans cesse secouée de répétitifs soubresauts d’une révolution ou de coups d’Etat à répétition qui entraînent interrogatoires et arbitraires mises en prison. Pas besoin de réel prétexte pour enfermer un homme ou une femme et l’oublier au fond de son trou. Ou le torturer alors qu’il n’y a rien à avouer ...

Sans emphase, sans ton tragique, toujours avec une grande simplicité, une grande authenticité, chacun raconte les tortures subies, les condamnations arbitraires, sans aucune compromission, sans aucune preuve de culpabilité. Mais, il est aussi question du pardon qui peut être accordé, d’autant que, dans le désordre de ce pays, les bourreaux peuvent être aussi incarcérés à leur tour.

Les femmes ont tenu un rôle très important dans la politique syrienne, a souligné Ramzi Choukair qui signe ce spectacle pour la mise en scène et le choix de ces témoignages dont il a fait un texte. Le troisième d’une trilogie où chaque pièce était sur le même modèle. Et l’on croit volontiers que cela pourrait être sans fin...

Ce qui est certain c’est qu’un tel spectacle est passionnant, émouvant, troublant de vérité. Et totalement surprenant ! Du jamais vu...

Caroline Boudet-Lefort

Artiste(s)