Le spectateur aime qu’on lui raconte des histoires et plus elles sont à dormir debout, mieux c’est ! Et bien, l’histoire de « Dormez, je le veux ! » est à dormir debout, puisque le valet, ayant découvert les pouvoirs de l’hypnose, se complait à endormir son patron tout en lui donnant des ordres pour lui déléguer ses corvées à effectuer, tandis que lui, le domestique, prend sa place de bourgeois suffisant, fumant le cigare. D’une formidable cruauté inconsciente, il va semer une délirante pagaïe chez son bourgeois de maître, dont l’infernale soeur va encore accentuer la situation.
Heureusement que le père de sa fiancée, lui-même féru d’occultisme, découvre le pot aux roses, sans surprise évidemment pour le spectateur qui s’y attendait dès la présentation du personnage. Au final, le serviteur devra demander pardon.
Le spectacle trouve mieux son rythme dans « Mais n’te promène donc pas toute nue ! » et les comédiens franchissent en beauté les derniers mètres de la représentation. Dès le début, le jeu s’engage entre le mari et la femme qui ergotent, se houspillent, s’engueulent. Un couple, quoi ! D’une drôlerie irrésistible avec de croustillants dialogues, les couples calamiteux sont la source du théâtre de Feydeau, toujours d’une grinçante cruauté frivole.
Cet univers caustique montre le machisme insolent d’un notable dans son domicile conjugal. Il s’énerve et s’agite autour de sa femme qui, par une journée caniculaire, se balade chez elle en petite tenue. Au fil de mille imbroglios et quiproquos infernaux, Feydeau orchestre la venue de toutes sortes d’hommes qui devront se pencher sur son arrière-train (oui, oui, son postérieur !) pour y enlever le dard d’une piqûre de guêpe. Cela va du parlementaire, rival de son mari, au valet en passant par un journaliste (du Figaro !). Tandis qu’elle est prête à toutes les naïvetés plus ou moins calculées pour prendre une place – sa place – qu’on ne lui accorde pas.
Quoique différentes, les deux pièces se complètent par la remise en question des rôles dans la hiérarchie sociale, que ce soient les domestiques qui prennent le pouvoir et asservissent les patrons, ou la femme qui s’autorise à dire le fond de sa pensée en se fichant allégrement de la position supérieure de l’homme - ou du moins encore dans ce début des années 60 où Gilles Bouillon a situé les deux pièces. La volonté de dépoussiérer cette farce se situe surtout au niveau des jolis costumes et des joyeux décors pop aux couleurs vives, rouge, vert orange, jaune, signés par Nathalie Holt
La sauvagerie de ce monde est épinglée avec une férocité absurde et une ironie délirante.
La mise en scène de Gilles Bouillon oscille à juste titre entre jeu de théâtre et farce. Et ses comédiens, bien assortis, le suivent : l’exercice doit beaucoup à leur interprétation. Avec un sens maniaque du temps et riches en situations absurdes, les deux pièces de Feydeau permettent aux comédiens de s’en donner à coeur joie !
Tous sont magnifiques de drôlerie et de précision avec leur excellente diction.
Caroline Boudet-Lefort
durée 1h40 salle Pierre Vaneck
jeudi 12 décembre 2019 | 20h30
vendredi 13 décembre 2019 | 21h00
samedi 14 décembre 2019 | 16h00EN PLUS
samedi 14 décembre 2019 | 21h00EN PLUS
dimanche 15 décembre 2019 | 16:00EN PLUS
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