| Retour

CINEMA : Diaz, un crime d’état

Sortie en salles le 5 juin 2013

A l’occasion du sommet du G8 de Gênes rassemblant les dirigeants des huit pays les plus puissants du monde, 300 000 personnes, venues de toute la planète, avaient organisé un contre-sommet sous le mot d’ordre « un autre monde est possible ». Dans une fiction militante, Daniele Vicari met en scène des acteurs incarnant un moment particulier de ce sommet. Dans la nuit du 21 juillet 2001, plus de 300 policiers italiens prennent d’assaut l’école Diaz qui abrite des activistes, des journalistes ou de simples citoyens en quête d’un endroit où dormir. Un déchaînement de violence policière gratuite s’ensuit contre les manifestants qui sont matraqués, arrêtés, emprisonnés, torturés... Alors que les occupants de l’école lèvent les mains en signe de reddition, les carabiniers se livrent à des exactions d’une violence inouïe, frappant indifféremment jeunes et vieux, hommes et femmes.

Reconstitution minutieuse des violences
Crédits photo : Alfredo Falvo, Le Pacte

Tout serait parti d’une bouteille lancée sur le passage d’une voiture de police – cette scène fondatrice et absurde revient plusieurs fois au ralenti - ce qui ne peut en rien justifier le véritable massacre qui atteint son paroxysme à l’intérieur de l’école. Après la mort du jeune manifestant altermondialiste Carlo Giuliani, tué la veille par une balle tiré depuis une fourgonnette de police, tous étaient à cran, mais cela ne peut en rien excuser ce raid vengeur d’une incroyable brutalité de la part des forces de l’ordre. Amnesty International a qualifié cette violence de « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale ». Il y eut de nombreuses arrestations, et 93 personnes furent en plus transférées, sans nulle explication, dans la caserne de Bolzaneto, pour y être matraquées et torturées durant trois jours.

Une scène du film "Diaz, un crime d’état" de Daniele Vicari
Crédit photo : Alfred Flavo, Le Pacte

Filmée parfois avec trop de complaisance, la pulsion sadique des policiers aurait été incitée et couverte par le sommet de l’Etat. D’ailleurs, après les procès, il n’y eut aucune condamnation : il fut décrété que la balle qui a tué Carlo Giuliani aurait été tirée en l’air et, ricochant malencontreusement contre un obstacle, l’aurait atteint. Peu de sanctions pour les policiers malgré de nombreux témoignages et les images des militants et des journalistes : l’école Diaz accueillait le centre de Presse du Forum Social, les preuves ne manquent donc pas. Quoique quelque peu manichéen, le film s’avère pourtant utile, indispensable même, pour rappeler des faits trop vite occultés qui laissent cependant une tache indélébile sur la démocratie italienne.
Alternant scènes de fiction et images d’archives avec des allers-retours constants sur les événements et diversifiant les niveaux de la narration qui insiste sur le parcours personnel de chacun afin de démontrer leur innocence, ce film violent et éprouvant, mais très efficace, montre une page controversée de l’Histoire italienne récente. Pour rendre hommage aux victimes, il est nécessaire de la regarder.

Artiste(s)