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ANTHEA - « Iphigénie » de Tiago Rodrigues

La nuit règne. La scène reste dans une certaine obscurité. Tous habillés en noir, les personnages sont dispersés, posés comme des santons, chacun à sa place, dans l’excellente mise en scène d’Anne Théron pour « Iphigénie » de Tiago Rodrigues (Mise en scène d’Anne Théron) qui revisite, donc, Euripide (Ve siècle avant notre ère) pour en faire un spectacle plus engagé et féministe. Plus moderne donc !

Même si le sacrifice d’Iphigénie est inévitable, elle n’est plus la proie des Dieux, puisqu’elle prend en mains sa vie et décide par elle-même de sa mort.
La pièce a été présentée, avec un grand succès, au dernier Festival d’Avignon. Festival dont Tiago Rodrigues va dorénavant prendre la direction en succédant à Olivier Py.

Quoiqu’écrite par un homme – et c’est tout à son honneur – le texte donne une place de choix à Iphigénie dès lors qu’elle décide de se sacrifier aux Dieux de son plein gré et non pour répondre aux décisions des autres et de se faire manipuler par les Dieux.

Tout est là, les Dieux existent-ils ?

En cela, la pièce est totalement modernisée et les discussions tenues par Agamemnon, Ménélas, Clytemnestre, et autres, entraînent des polémiques d’aujourd’hui.
Cependant la pièce se garde bien de dater l’affaire et ce monde-là pourrait être d’un autre temps, même si on retrouve Ulysse, Ménélas, Achille, un chœur de femmes toujours en colère, … Ou même d’un autre monde : un enfer où tous se seraient retrouvés pour palabrer sur des faits d’hier, d’aujourd’hui ou de demain ! Quoiqu’il en soit, les négociations vont bon train et s’ajoutent sans cesse les unes aux autres d’autant plus qu’une lettre vient tout perturber.

Ainsi, Iphigénie décide de s’approprier sa propre mort, sans laisser le choix à personne, sans sacrifice aux dieux ou autres. Elle n’est plus un pion entre les mains des autres qui décident pour elle. Elle prend son destin en mains et choisit elle-même de se sacrifier. Et ainsi, elle ressemble donc davantage à une adolescente ou à une femme d’aujourd’hui

Dans ce spectacle tout à fait exceptionnel, la distribution est impeccable, tous les interprètes sont formidables sans aucune fausse note. Interprétant magistralement le personnage de Clytemnestre, la mère, Mireille Herbstmeyer est particulièrement impliquée : de la salle, on voit ses yeux envoyer des éclairs de mère foudroyée de chagrin. La tragédie se montre aussi forte que les sentiments.

Et comme il est dit dans la pièce «  la tragédie finit toujours mal  » !
Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une ©ANTHEA

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