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Fin de cet événement Septembre 2022 - Date du 3 juillet 2022 au 30 septembre 2022

Exposition « ExodeS », ville de Saint Raphaël

La Ville de Saint Raphaël propose jusqu’au 30 septembre une exposition événement qui se déploie en plusieurs lieux : Bord de mer, Salle Raphaël, Villa Les Asphodèles, Musée Archéologique, Villa Les Myrtes, La Réserve. Découverte !

Le mot exode (ex : en dehors, hodos : route) pourrait être traduit comme « en dehors de la route », ce qui est paradoxal car l’exode, c’est ce qui met sur les routes. En fait, ce mot a pris plutôt le sens de « hors de soi », hors de son pays. Au delà de l’arrachement à sa terre natale et des souffrances de la route, l’exode implique la perte de repères, de modes de vie, de senteurs, de couleurs, de goûts.

Après le nomadisme des chasseurs-cueilleurs, c’est à l’époque des premières cités néolithiques hiérarchisées et regroupant un grand nombre de personnes que sont probablement nés la xénophobie et le rejet de populations.

Le livre de L’Exode est le deuxième livre de la Bible, il raconte la fuite dans le désert de tribus juives persécutées et esclavagisées ayant choisi un dieu différent que celui imposé en Égypte. C’est le récit de leur errance sous la conduite de Moïse, porteur du message de Dieu, qui doit les mener dans un pays « débordant de lait et de miel ».
Du livre de L’Exode se détachent trois grands thèmes : l’oppression incitant au départ, la route et ses dangers et l’arrivée dans de nouvelles terres, souvent hostiles, où il faudra s’adapter ou qu’il faudra conquérir.

Pourson exposition d’été, la ville de Saint Raphaël a choisi d’illustrer ce thème à travers les œuvres de 85 artistes de tous âges, de toutes origines, dans huit lieux choisis à travers la ville.

Simone Dibo-Cohen, la commissaire, a dû rassembler un très grand nombre de peintures, sculptures, photographies, installations, etc., en provenance d’artistes, de collectionneurs et de galeries.

Parmi les exposants, il y a naturellement de nombreux créateurs issus d’exodes suite à des guerres, celle de 1940, de la Shoah, mais aussi d’exodes récents, essentiellement d’Afrique vers les pays du Nord.

Si l’exode puise ses origines à l’aube des temps humains, il est toujours dans l’actualité et risque de l’être de plus en plus avec la montée des eaux due au réchauffement climatique.

Si l’image dominante de l’exode est actuellement celle de la traversée de la Méditerranée (très présente dans l’actualité), la plupart des déplacements de population ont eu lieu plutôt à pied, lors de marches interminables, alourdies de bagages, de charrettes, objets qui symbolisent le déplacement.
Dans ses photographies, Vincent Descotils (série Migre) évoque la marche au milieu des forêts, de flaques d’eau et de boue où la peur, le froid et la faim sont très présentes.

Les photographies de Vincent Descotils fixent dans l’éternité le mouvement des migrants ©A.A

Sont remarquables également les « Étranges Voyageurs » blancs portant leurs valises de Carme Albaiges ou les foules en marche aux corps agglutinés pour n’en faire qu’un de Jean-Marie Fondacaro. Ou encore celles, compactes, d’une seule coulée d’encre d’Adelin Donnay.

Autres approches de la marche avec Nù Barreto « Exodus », qui montre les traces de centaines de pas (où sont précisés les noms des personnes et des lieux) et les pieds en marbre de Marc Gaillet.
Une sculpture filiforme de Marc Perez évoque l’exode du peuple juif portant une immense Bible sur la tête et Nicolas Rubinstein le passage (rouge) de la Mer Rouge.

Quant aux bateaux de fortune utilisés par les migrants, Adel Bentounsi avec son œuvre « Barques Désemballer » insiste sur la fragilité de ces embarcations, ses barques fabriquées en cartons d’emballage dégageant une grande émotion.

Adel Bentounsi utilise du carton pour souligner la fragilité des embarcations A.A

Celle de Barthélémy Toguo chargée de ballots de linges colorés montre également la précarité de la condition des exilés qui fait contraste avec l’exubérance des couleurs des tissus.

Barthélémy Toguo présente une métaphore textile d’une épopée humaine ©A.A

Mounir Gouri a réalisé sur place sur un mur de la villa une grande fresque noir d’un bateau chargé d’hommes se dirigeant vers un grand trou noir (qui risque de les avaler) sur lequel un écran présente une vidéo de traversée.
Kianoush dessine à la manière d’une bande dessinée des personnages proches du petit prince de Saint Exupéry voguant sur des barques en forme de passeports.

Autre symbole de l’errance : les tentes, celles de Cédric Tanguy sont en toile de Jouy portant des dessins de marches sans fin, de terres ravagées par la guerre. Le caractère précieux et champêtre de la toile de Jouy a été détourné et ramené à des scènes de déréliction.

Les sculptures de Franta donnent à voir la souffrance des corps en migration ©A.A

Dans les migrations, les corps souffrent, sont maltraités, déformés comme dans les superbes sculptures et peintures de Franta « Huitième Jour et Impression Torse Capazza » ou de Marc Petit, « L’Exode et La Quarantaine », qui présente des corps amaigris et douloureux regardant vers un ailleurs inquiétant.
Anne Bothuon a créé un matériau original fait d’ouate et de tarlatane grâce auquel elle crée des personnages (à taille réelle) hagards et aux regards perdus
Les sculptures très chargées émotionnellement de Sabrina Gruss (Pitchipoï, Le Juste, La Prière, L’Etoile, Il n’y a que toi et les oiseaux) sont réalisées à partir de matériaux de récupération qui mêlent mâchoire, dents, os, pierres, coquillages. Ses personnages tiennent d’un cirque macabre, ils font penser aux figures d’effroi remplies de monstres qui hantent certaines enfances.

Inquiétante aussi la série « Otages », les bustes bâillonnés par des chambres à air de Paolo Bosi, faits de bois et d’argile, matériaux de base pour construire des abris.

Différents exodes historiques sont traités : celui des indiens d’Amérique d’Eric Liot avec « Grand Chef et Sioux », celui plus récent des rapatriés d’Algérie, des Juifs de Tunisie où du Maroc abandonnant leurs terres ancestrales où ils vivaient depuis des siècles.

Dans une grande installation plongée dans la pénombre, Gérard Taride expose les visages d’enfants perdus en chemin lors de la fuite des parisiens devant l’envahisseur allemand.
Dans une installation mêlant vidéo et dessins aux fusains, Raoul Hébréard nous questionne sur la mémoire des camps de concentration dont les noms s’affichent sur l’écran avant de disparaître les uns après les autres.

Des oeuvres de Paolo Bosi ©A.A

Marie Donneve, avec « Luce and Whispers », nous pose la question des lieux abandonnés : gardent-ils la mémoire de ceux qui sont partis ? Ces lieux vite envahis par la nature que Jonk (Everybody Left 1 et 2) a photographiés.

Fabrice Violante (Vidéo et Screenshots Sténopés) pose le problème de l’érosion des identités qui se dissolvent dans un ailleurs improbable. Comment se transmet-elle aux générations suivantes ?
Une dissolution de l’identité qui se retrouve dans les Panacée sans tête et les visages sans corps (en savon) de Frédérique Nalbandian.

Yves Hayat (« 1956, Chronique d’un départ annoncé ») a choisi d’agrandir des pellicules de films de la décennie de son départ d’Egypte avec sa famille en mêlant les photographies familiales et celle de chars et de soldats dans les rues.

De très nombreuses autres œuvres (parfois à la limite du thème choisi) sont à découvrir lors d’une belle balade à travers les lieux et le travail des artistes que nous avons pu faire grâce à Clara Quillevere, une médiatrice culturelle passionnée, qui nous fait partager sa culture et son enthousiasme pour l’art et particulièrement pour cette exposition dans sa ville.

Photo de Une : L’oeuvre de Mounir Gouri qui représente un bateau chargé d’hommes se dirigeant vers un grand trou noir ©A.A

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