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Film Coup de Coeur : Blind Loves : Visiblement du grand cinéma - - En DVD -

Cannes 2008, un drôle d’ovni plane sur la Croisette. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Slepe Lasky (traduit en anglais Blind Loves), du réalisateur slovaque Jura Lehotsky a fait figure d’outsider. Une poignée d’irréductibles petits cinéphiles assistent à la projection et en ressortent surpris et émus. Le film vient de sortir en DVD, l’occasion de reparler de lui !

« Blind Loves » met en scène une communauté d’aveugles, un film sur les relations affectives et amoureuses des non-voyants. « L’amour peut être doux, l’amour peut être bête, l’amour peut aussi être aveugle »… Un synopsis concis, assez minimaliste, qui résume parfaitement l’intention de l’équipe du film. Sans prétention, Jura Lehostky, épaulé par Marek Lescak, présentent une fable sur l’amour, une ode à la sensibilité et à la sensualité.

20 000 lieues sous les mers revisité
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L’année dernière, La Quinzaine des Réalisateurs, était particulièrement fière d’accueillir un long métrage slovaque, pour la première fois depuis 37 ans. Le producteur, Marko Skop précise : « Chaque année, entre deux et cinq films sortent sur les écrans de la République Slovaque ». Sans l’aide de la télévision, l’équipe a pu travailler avec beaucoup plus de liberté. Cette indépendance a pourtant un prix : réalisateurs, cadreurs et monteurs se sont tous impliqués dans le financement du film.

Amour aveugle
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Quand la cécité devient un atout

Comment peut-on aimer une personne sans jamais l’avoir vue ? Sans connaître les traits de son visage, la couleur de ses yeux ? L’amour est-il une alchimie requérant une dimension visuelle ? Elever un enfant, lui faire découvrir le monde, un monde que peut-être ses propres parents connaissent différemment. Trouver sa place n’est pas chose facile, mais lorsqu’on est non-voyant, est-ce plus compliqué ? La « vision » des personnes aveugles est souvent plus pure, plus vraie, plus essentielle, pleine d’esprit. Elle fait découvrir de nouvelles dimensions sur le sens du bonheur, sur les sens en général. Juraj Lehotsky s’est interrogé sur la façon dont les histoires d’amour sont vécues, comment ces personnes interagissent les unes avec les autres. Un personnage établit les performances des champions de saut à ski rien qu’au nombre de secondes silencieuses (celle où un skieur est suspendu dans les airs), un autre pourrait s’inscrire dans le Guinness Book tellement il traque efficacement les mouches.

Heureux comme...
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La belle idée du réalisateur : nous faire partager leur univers singulier. Une des scènes les plus touchantes du film montre une future maman en train d’apprendre ses gestes de mère sur un poupon en plastique.
Lehotsky, ancien élève de la Higher Art and Crafts School de Bratislava, a su montrer un documentaire qui relève de l’art contemporain. Avec un certain coup pour le décalé, voire le « vieillot » : l’image est jaunie, les réalisateur use de filtres, de longs plans séquence ou encore d’animations désuètes. Mémorable petit délire Burtonien : l’un des personnages se ballade sous l’eau et fricote avec poissons, coquillages et crustacés, avant de se faire embarquer par un poulpe rose géant. Et pendant ce temps, sa belle tricote un pull en laine, à l’abri dans un sous-marin qui n’est pas sans rappeler le Nautilus. Un hommage aux grands auteurs et réalisateurs de ce monde.

Aurélie Mignone

Artiste(s)