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Anthéa - Le tartuffe ou l’hypocrite (Mise en scène d’Ivo van Hove) : Une pièce virulente, transgressive et insolente

De l’audace, beaucoup d’audace, encore de l’audace !
La scène est d’abord vide, mais vite tous arrivent pour installer le décor dans une agitation bien orchestrée sur une musique tragique et assourdissante. Tout est dans l’excès, au maximum de l’excès, et c’est tant mieux !

D’emblée les spectateurs sont projetés dans un spectacle qui ne peut laisser indifférent, rien n’y est tranquille, ni poussif !
Orgon (Denis Podalydès), le maître de maison, arrive et découvre, sous un tissu crasseux, un homme tout aussi sale. Avec sa mère, Mme Pernelle (Claude Mathieu), il s’empresse de le laver dans un bain fumant en l’y plongeant à poil – déjà de l’audace !– De ce SDF qui est donc Tartuffe, il veut faire un bourgeois présentable.

Dès la deuxième représentation, Louis XIV s’empressa d’interdire, pour raisons religieuses, cette version de « Tartuffe » qui est la pièce voulue par Molière. Quelques années plus tard, celui-ci reprit la trame, ajoutant 2 actes et « Tartuffe, l’hypocrite » devint « Tartuffe, l’imposteur », la pièce enseignée dans les lycées et représentée habituellement sur scène.

C’est Georges Forestier, professeur à la Sorbonne et spécialiste du Grand Siècle, qui a restitué cette version voulue par Molière, afin de la montrer au public.

©Anthéa

Ivo van Hove s’est empressé de la mettre en scène de manière audacieuse et même provocatrice, accentuant la névrose de chacun dans cette famille. Grâce à une formidable bande d’acteurs de la Comédie Française, il donne à redécouvrir la force de cette attaque en règle contre l’hypocrisie.

C’est donc un « Tartuffe » plus court, plus provocateur, plus cruel et plus violent que celui qui est présenté habituellement

Ce « Tartuffe »-là observe tout un clan mis en péril, avec ses déchirements, ses non-dits, sans limiter les effets dramatiques provoqués par cet intrus. La moindre situation est exacerbée dans un dispositif qui va mettre en valeur le texte si bien interprété (et articulé) par les artistes de la Comédie Française.
Installé en fond de scène, un écran vidéo sur lequel se succèdent des phrases insolites telles : « Qui piège qui ? », «  Amour ou soumission ?  », « Madame a-t-elle raison ?  » «  Amour et soumission  », «  Geste radical », formules souvent interrogatives.
La famille est chamboulée par ce perturbateur insolent. Tartuffe séduit dangereusement Elmire (Marina Hands), l’épouse d’Orgon. Pour Ivo van Hove, ils seraient même tombés amoureux l’un de l’autre. Pourtant Elmire met en place un plan afin que son mari, aveuglé d’estime pour Tartuffe, découvre l’hypocrisie de celui-ci. L’ambigu et suave Orgon, caché sous une table, pourra voir les audacieux ébats de Tartuffe et Elmire qui semble y prendre plaisir !

De la provocation, de l’outrance ! Ah ! ça ne ronronne pas avec Ivo van Hove !

Le décor (signé Jan Versweyveld) s’est vite assagi entre rangées de lustres et gros bouquets de fleurs. Quant aux costumes d’An D’Huys, ils sont d’aujourd’hui, ce qui montre que la fourberie et l’hypocrisie sont bien toujours d’actualité.

Tous les comédiens sont excellents !

Il faudrait citer toute la distribution de Dominique Blanc à Marina Hands, en passant par Denis Podalydès, Guillaume Gallienne et Christophe Mortenez, un Tartuffe très « couillu », dit-il !

Une pièce de Molière virulente, transgressive et insolente qu’interprète à la perfection la troupe nationale sous la direction du metteur en scène Ivo van Hove !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une DR ANTHEA

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