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Le Procès de Viviane Amsalem

De Ronit et Shlomi Elkabetz
Sortie en salles le 25 juin 2014

Après « Prendre femme » (2005) et « Sept jours » (2008), Ronit et Shlomi Elkabetz, soeur et frère dans la vie, prolongent leur association en tant que réalisateurs avec « Le Procès de Viviane Amsalem » qui donne un portrait stupéfiant de leur pays où le mariage est régi par le droit religieux. En Israël, un couple désuni et divers témoins sont donc convoqués devant un tribunal de Rabbins, pour une procédure de divorce où le tragique le dispute à l’absurde...
Viviane Amsalem (Ronit Elkabetz elle-même) veut divorcer pour avoir une liberté totale, tandis que son mari (magnifique Simon Abkarian au jeu mielleux et fourbe), n’est pas disposé à octroyer son accord (le Gett) et tient à maintenir les chaînes bien attachées. Viviane a pourtant déjà quitté le foyer commun depuis trois ans et, quoique habitant chez son frère, elle continue à préparer les repas pour son mari et son fils. Trois Rabbins, juges tout puissants, ont le pouvoir de prononcer le divorce, mais l’accord du mari est indispensable et celui-ci refuse obstinément.
Le film s’en tient aux débats et délibérations avec défilé de témoins, famille et voisins. Le rôle des avocats est, bien sûr, important dans ce huis clos entre salle d’attente et tribunal où le suspense reste permanent. Deux heures entre quatre murs sinistres, sans autre action que les débats entre les parties et les juges, mais pas une minute de lassitude dans ce procès qui nous tient en haleine alors que les années s’écoulent et que chacun reste sur sa position dans ce film qui parfois tourne au comique par le rôle ambigu des juges et la bassesse morale de témoins pourtant inspirés de la réalité.
Dans le rôle principal, Ronit Elkabetz, à la beauté fatiguée mais altière et impérieuse, est toute en dignité et détermination, tandis que son mari reste buté. Juif orthodoxe, il refuse de céder à sa demande par conviction religieuse et pour avoir le dernier mot en dominant ainsi sa femme. La femme est encore lieu de pouvoir des hommes.
Chacun dans leur registre, les comédiens exhalent à merveille la polyphonie des dialogues et des situations. Leurs échanges, leurs silences, leurs entêtements, leurs agacements sont des petits morceaux de l’histoire de leur couple et de son fonctionnement durant leur vie commune. Qu’est-ce qui a pu faire lien entre eux ? Leurs aspirations divergent : émancipation et modernité pour elle, respect des traditions et de la religion pour lui. La puissance de la tragédie et les dialogues intenses rendent le film haletant, travaillé par le doute et l’obscur. Il faut rester attentif à ce qui se dit, se murmure ou ne se dit pas et être sensible aux voix, aux mots, aux vibrations, aux regards expressifs.
Présenté à Cannes cette année, sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs, « Le Procès de Viviane Amsalem » airait pu être en compétition officielle cannoise pour son étonnante maîtrise du récit, des émotions et des déchirements dans ce huis clos. Un parti pris artistique et narratif radical qui resserre et cadre ce drame de manière saisissante.

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