Nous sommes à New York, il semble donc naturel que le film soit titré « The son » et non « Le Fils » comme l’était la pièce française écrite par Florian Zeller.
C’est donc lui-même qui a réalisé pour l’écran la pièce dont il est l’auteur et qu’il suit scrupuleusement, comme il l’avait fait pour « Le Père » (sur la maladie d’Alzheimer), magistralement interprété par Anthony Hopkins.
Toutes ses pièces sur les rôles familiaux sont des variations sans lien romanesque entre elles.
Ici, « Le fils » a 17 ans, un âge généralement difficile où parents et enfants s’affrontent. Mais c’est encore plus dur pour Nicolas, totalement farouche et inadapté à la société dans laquelle on lui impose de vivre. A commencer par son lycée.
En premier lieu, Nicolas semble tout à fait normal avec sa chambre d’ado où trône le portrait de Rimbaud. Il est peut-être un peu plus délicat et résigné dans ses rébellions que la plupart des garçons de son âge. Mais surtout, c’est trop conflictuel avec sa mère, aussi veut-il vivre chez son père qui a « refait sa vie » avec une jeune femme avec laquelle il a un autre fils, encore bébé.
Le père trimballe sa culpabilité d’avoir quitté le domicile familial pour une autre femme, si Thomas va mal ce serait sa faute et donc à lui de réparer !... Et c’est là qu’il devient réellement coupable.
L’amour qu’on peut éprouver pour son enfant ne suffit pas toujours.. Quoique son désir soit sincère, ce père tente en vain de la sauver son fils totalement insaisissable, et il reste impuissant. Incapable de se remettre en question, il veut pouvoir tout maîtriser et pour cela il s’aveugle. En fait, sa nouvelle compagne (excellente Vanessa Kirby) voit mieux que lui ce qu’il en est de la déconnection avec le réel de Thomas.
Pour ses parents, Nicolas est un mystère. Il reste un étranger quoique vivant chez eux. Ni l’un ni l’autre n’acceptent de voir la réalité de la situation et mèneront-ils leur fils à sa perte.
Florian Zeller aime montrer combien la vérité peut être fluctuante, ainsi ici offre-t-il une « fausse fin » qui laisse un temps d’étonnement aux spectateurs, avant de comprendre qu’il s’agit de l’illusion d’une situation rêvée par ce père aimant et tout autant démuni que la mère.
Pour se dégager de la pièce, le film cherche des extérieurs, tels des trajets en voiture où les échanges entre partenaires se poursuivent.
Ou encore le flash-back d’un souvenir de vacances à la mer où le père a lancé son fils à l’eau pour qu’il nage seul pour la première fois.
Tous les interprètes sont parfaits, même Hugh Jackman, crédible quoiqu’il ait tendance à garder toujours la même expression. Le nouveau venu Zen McGrath s’en sort dans le rôle ingrat de ce jeune inadapté à la vie qu’on lui propose. Une scène particulièrement réussie et joyeuse les montre tous deux en train de danser sur une musique de Tom Jones.
Florian Zeller s’est déjà distingué avec plusieurs pièces à succès lorsqu’il écrit « Le Fils » et il avait connu la consécration avec « Le Père » qui a tenu l’affiche plus de 3 ans dans l’interprétation mémorable de Robert Hirsch.
Caroline Boudet-Lefort