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Pour ne pas faire le voyage au bout de l’ennui…

L’actualité est sinistre. Les mauvaises nouvelles tournent en boucle sur toutes les radios et télévisions. Nous voilà reclus pendant une durée indéterminée. Prendre la température du monde sur des réseaux sociaux, qui résonnent de propos haineux, est une autre manière de faire monter la fièvre. Alors que nous n’avons plus grand chose à faire, on peut paradoxalement éprouver une incroyable difficulté à sortir de son lit. Il faut donc faire attention de ne pas se laisser transformer en insecte, comme dans la nouvelle de Franz Kafka.

À défaut d’arpenter son appartement en tout sens, ou de compter les carreaux de la salle de bain, mieux vaut convertir les menus faits de la vie ordinaire en aventure.

Il est de multiples façons de saisir cette nouvelle dimension d’espace du temps : je sais coudre, tricoter, cuisiner. Je peux aussi apprendre à dessiner, à bricoler... sauf que les magasins de bricolages sont fermés, c’est bien embêtant. Il faudra attendre pour repeindre le couloir et s’autoriser le repos.

À moins d’être le nouveau Jean Genet, il n’est point besoin d’être emprisonné pour s’évader en écrivant des chefs-d’œuvre, ni même pour en lire. N’ayant pas tous la possibilité de se rendre au jardin pour observer l’arrivée du printemps, pour écouter le chant des rouges-gorges comme le faisait la poétesse Emily Dickinson, autre grande recluse volontaire, il nous reste la littérature.

Les livres oubliés sur nos étagères, ceux qu’on a mis au rebut à la cave et même ceux que l’on peut télécharger gratuitement sur nos smartphones.

Voilà de quoi redonner une certaine joie de se sentir vivant et de cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain, comme le conseillait Horace à son entourage.

En observant l’absence quasi totale d’avions dans le ciel de Nice, je me suis souvenue d’un autre reclus qui a introduit une nouvelle manière de voyager dans le monde. Mais c’est à ses dépens qu’il fit l’expérience de la réclusion. Après s’être trouvé mêlé à une affaire de duel, l’intrépide Xavier de Maîstre a été consigné dans sa chambre pendant 42 jours. Il a alors 27 ans, nous sommes en 1794, et il fait le récit de son « Voyage autour de ma chambre  ». Ce voyage fructueux ne lui a rien coûté : « Après mon fauteuil en marchant vers le nord, on découvre mon lit, qui est placé au fond de ma chambre et qui offre la plus agréable perspective  ». Et il nous conseille : « Suivez-moi, ceux qu’une mortification de l’amour, une négligence de l’amitié retiennent dans un appartement loin de la petitesse et de la perfidie des gens » !

Dans ces circonstances de guerre où tout un chacun doit suivre une règle sévère, la même pour tous, les témoignages de Xavier de Maîstre ou d’Emily Dickinson pour qui aime la poésie et la belle langue sont précieux et se lisent avec plaisir.

Donc, séance bouquin-canapé, et après je reprends le ménage… :)

Et pour info la Fnac met à disposition GRATUITEMENT des centaines d’ebooks c’est PAR ICI !

Photo de Une DR Annick Chevalier (home made !!)

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