Morco Bellochio produit un film d’une parfaite maîtrise, notamment concernant la mise en scène, le scénario mais aussi sur le fait de coller à cette partie de l’histoire de la Mafia italienne, plus connue sous le nom de "Cosa Nostra".
Le "Traître" explore principalement la vie de Tommaso Buscetta plutot que de faire un sujet sur la "Cosa Nostra".
A l’inverse de beaucoup de films sur la mafia, il n’y a pas ici d’apologie ou de célébration malsaine de la mafia, c’est brut et sans compromission.
Le film nous décrit Tommaso Buscetta comme un être intelligent, plutôt habile et charismatique, un personnage idéal pour endosser le rôle du "Capo".
Mais ce dernier est complexe, léger dans ses relations amoureuses, et jouit d’une nature autoritaire qui lui permet de dicter ses volontés à ses proches.
C’est un mafieux qui a des "principes", et des "valeurs" acquisent par ses paires, il est dans la digne lignée des anciens de Cosa Nostra, en outre, il n’a peur ni de l’autorité du clan, ni de la mort, et refuse toute prise de pouvoir, alors que plusieurs retrouvent en lui un chef.
Lors de la réunification des familles, il deviendra "Le Boss des deux mondes"
Toto Riina est un "capo", le chef sulfureux et impitoyable du Clan Corléone. Au début des années 1980, la puissance des Corléone n’a de cesse d’augmenter en employant d’atroces méthodes, détruisant des familles rivales entières par des intimidations habiles et des assassinats en nombre, la guerre est devenue impitoyable et Toto Riina bafoue les valeurs fondamentales de Cosa Nostra : Le clan Corléone se permet de tuer femmes, enfants et élimine tout ce qui peut empêcher l’ascension de son clan et le contrôle total de la pègre italienne.
Tommaso Buscetta ne se reconnait plus dans cette guerre, et il décide de quitter la mafia et de partir s’installer au brésil avec ses enfants et sa femme
Cependant on ne quitte pas la mafia, et l’organisation le traque sans cesse, Tommaso ne vivra jamais serein.
Sur des motifs qui semblent construits de toute pièce la police brésilienne l’arrête et le fait extrader vers l’Italie.
C’est alors que Buscetta se décide de collaborer avec la justice italienne, sous accord d’être protégé avec sa famille.
Il rencontrera à plusieurs reprises le Juge Falcone, homme charismatique, tenace et inflexible, c’est lors de ces nombreux échanges avec le juge qu’un climat propice aux confessions s’instaure.
Dès lors les confessions s’enchaînent et l’on descend inexorablement dans les bas-fonds de la vie du mafieux sicilien, faits de meurtres, de guets-apens, de fusillades ; personne ne comprendra vraiment ce qui pousse Buscetta à collaborer, si ce n’est la vengeance des meurtres de ses fils , assassinés par ses anciens amis qui pourtant les avaient vus grandir et qui en avaient la charge lors de l’exil de Buscetta ; ou par la volonté de détruire un groupe criminel qui n’a plus dans ces rangs d’hommes d’honneurs qui respectent les valeurs ancestrales.
En ce sens Buscetta ne se considère pas comme un traitre, et c’est assez bien interprété pour croire au dessein de cet homme, qui se revendiquera différent des autres mafieux dans un des plus grands procès de l’histoire du crime.
Le "Grand procès" ( plus de 470 prévenus) et les confrontations notamment entre Buscetta et Toto Riina, qui est le vrai traite de l’histoire, celui par qui tout a capoté en ne respectant plus les codes d’honneurs est particulièrement bien retranscrit.
Au dela de l’histoire et du rythme parfaitement établi par le réalisateur, ce film pousse à la réflexion, l’homme est-il foncièrement mauvais et peut-il changer ?
Buscetta s’est-il racheté une conscience en se repentant ? Ou se fait-il justice lui-même ?
Lorsque l’on est allé aussi loin dans le mal, la corruption, et le meurtre, peut-on redevenir un homme normal, avoir droit à la rédemption, et pouvoir vivre et mourir comme le commun des mortels ?
Nous vous laissons tout loisir de répondre à ces questions après avoir vu ce film.
L’on découvre une vraie révélation à l’écran, Pierfrancesco Favino interprète magistralement Tommaso Buscetta, à notre gout cela mérite certainement quelques prix, notamment interprétation et de mise en scène.
