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Les Ballets Jazz de Montréal : splendeur d’un monde immémorial hanté par la voix de Leonard Cohen

Le grand Auditorium du Palais des Festivals de Cannes a accueilli, pour une seule soirée, les Ballets Jazz de Montréal dans une nouvelle création intitulée « Dance Me ». Afin d’explorer l’univers musical de Leonard Cohen, Louis Robitaille, directeur artistique, a réuni trois chorégraphes de grand talent et de renommée internationale : Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa et Ihsan Rustem, permettant ainsi une grande variété parmi les diverses chansons de ce poète à l’envoûtante voix grave.

(c) Hélène GUILLARD

Ces trois personnalités, fort différentes parmi les figures montantes de la danse contemporaine, se sont associées pour un moment unique à travers l’alliance de tous les styles de danse du plus haut niveau pour rendre hommage au célèbre chanteur montréalais, au talent célébré dans le monde entier.

Poète, romancier, compositeur, Leonard Cohen a interprété ses textes intimistes dans la ligne d’un folksong mélancolique et parfois contestataire, pour parler de la solitude ou de l’amour passion.

Dans ce spectacle artistique, sexy, explosif, original et remarquable par l’excellence de son exécution, la danse n’illustre pas les chansons de Leonard Cohen, elle en parle autrement, comme une danse qui serait décalée de l’écoute. Chaque ballet est splendide, mais la chorégraphie ne semble pas correspondre à l’univers du poète. Quand débute une chanson de Leonard Cohen, les danseurs ont déjà eu le temps d’assurer leur dialogue dans des figures géométriques à même le sol ou en des mouvements larges faits de voltes et de mains tendues ou ramenées vers soi.

(c) Hélène GUILLARD

Est-ce cette distance entre danse et musique qui a écarté toute émotion ? Sinon, parfois fugitivement, une émotion perce lors de « Suzanne », peut-être liée à l’air tellement connu. Ou encore lors d’« Alléluia » uniquement chanté par une merveilleuse voix féminine.

Ce spectacle de ballets contemporains, basés sur la technique, la rigueur et l’esthétique de la danse classique, offre un moment exceptionnel à travers l’alliance de tous les styles de danse du plus haut niveau. Ce qui compte ce n’est pas la référence revendiquée, mais la dérive, la splendeur d’un monde immémorial hanté par la voix de Leonard Cohen.

Les morceaux connus se déroulent en cinq saisons comme autant de cycles de l’existence.

Même si, censée illustrer les chansons, la danse en semble quelque peu éloignée, et même si le lien semble très obscur entre les mouvements dansés et les chansons de Leonard Cohen, la technique n’en est pas moins impeccable et l’énergie époustouflante.

Quinze danseurs et danseuses élastiques virevoltent tour à tour pour tenter d’évoquer les interrogations sur le sens de vie et la quête de spiritualité qui préoccupaient Leonard Cohen, mort il y a déjà près de deux ans.

Lorsque les danseurs défilent en ombres chinoises avec un chapeau melon, comme celui que portait Leonard Cohen, la chorégraphie, très diversifiée, offre des visions de personnages souvent peints par Magritte.
Véritables ambassadeurs de la danse, les Ballets Jazz de Montréal prouvent la vitalité artistique québécoise en sublimant ainsi la mémoire de Leonard Cohen. Comme si la danse était le réceptacle autant de l’absence que de la mémoire.

Ce spectacle unique laisse un souvenir de plaisir et merveilleuse beauté visuelle, grâce à ses créations fortes, expressives et exigeantes.

Caroline Boudet-Lefort

(c) Hélène GUILLARD

Photo de Une : (c) Hélène GUILLARD

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