La dernière exposition de Quentin Spohn « Entre Fiel et Terre » montrait une fresque incroyable de mille sept cent figurines en terre, chacune très expressive, représentant une foule haineuse et effrayante animée par la pulsion et les passions négatives. Une masse unie d’individus unis par la haine de l’autre qui n’a pas trouvé d’autres issues à leurs frustrations, à leur mal-être, que la détestation, la rancune, l’animosité.
On retrouve à la Galerie Espace à Vendre l’artiste dans une toute autre histoire, nettement plus tendre, plus apaisée (quoique…) : un travail issu d’une résidence de deux mois et demi à Saïgon où ses grands-parents ont vécu et où sa mère est née.
Entre carnet de voyage, recherche de racines et découverte d’une ville qui l’a charmé, une centaine de dessins y sont nés où l’on retrouve son style fourmillant et dense, son trait élégant et fin, ses centaines de personnages peuplant des paysages ou des rues.
Au départ, une image, un petit paysage qu’il a toujours vu chez sa grand-mère : des petites maisons en pisé au bord de l’eau entourées de quelques barques. Il l’a bien sûr redessiné et à partir de là, déployé son talent de dessinateur, sa sensibilité et son exploration bienveillante d’un monde très différent de Nice.
Dans la grande salle de la galerie, cette multitude de tableaux tous encadrés d’une fine baguette de bois est environnée de fines feuilles d’arbres toutes dessinées, comme si un vent avait soufflé sur l’exposition et les avait collées au mur. Quand on s’approche des dessins, on voit que certaines de ces feuilles portent des petits textes racontant un amour lui aussi envolé : « Si tu avais été là… on se serait promenés dans ces quartiers mystérieux où on est saisi par la beauté d’une place… »
Chaque dessin cache un mystère, certains sont descriptifs, d’autres métaphoriques, d’autres abstraits, tous en tous cas poétiques.
Leurs pâleur grise émeut, charme, on peut passer des minutes à détailler chacun, à s’y retrouver, à découvrir des univers.
Heureusement, deux livres qu’on peut acheter contiennent tous ces dessins qu’on pourra à loisir découvrir chez soi tranquillement pour faire son propre voyage dans celui de Quentin.
« From Saïgon with love, exposition (jusqu’au 4 mars) et roman graphique.
À l’entrée de la Galerie, une sélection d’œuvres de « Super Issue », un collectif d’artistes dont fait partie Quentin et publiées par la revue B.A.T.
Sont présentés les œuvres (peintures, dessins, sculptures) de Loïc Alsina, Cécile Bicler, Yannick Cosso, Makiko Furuichi, Jérémy Griffaud, Julien Griffaud, Céline Marin, Maxime Parodi, Tom de Pekin, Guillaume Pinard, Jean-Philippe Racca Vammerisse, Claude Valenti.
Créée en 2018, cette très originale micro maison d’édition a publié de nombreux petits livres peu chers, des disques et objets en édition limitée, dont « From Saïgon with love ».
Très soigné et mis en page avec finesse, chaque ouvrage présente des œuvres d’artistes sélectionnés pour leur originalité et l’univers singulier qu’ils proposent. Certains regroupent plusieurs artistes sur un thème, d’autres sont monographiques, présentant des travaux particuliers. Toutes les techniques sont présentes : photos, dessins, peintures, etc., mêlant iconographie populaire, fantastique, grotesque, dessins raffinés, autant de regards particuliers et de réflexions sur l’image.
Les choix sont subtils, exigeants et la ligne éditoriale avisée et inspirée.
À découvrir à la Galerie ou sur leur site.
