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Quentin Spohn, à la pointe du crayon

En postulant pour une résidence d’artiste de six mois au Vietnam, Quentin Spohn retourne à ses origines. Il explore son intériorité en la dédramatisant. Il « vit » Saïgon et réalise à cette occasion une sorte de carnet de voyage sentimental, devenu un peu plus tard un roman graphique. Un espace saturé de quatre-vingt-dix dessins : « From Saïgon with Love » est édité par le collectif azuréen Super Issue, spécialisé dans une élégante microédition d’art. On peut voir les originaux jusqu’au 1er avril dans la partie dite « Le Château » de la galerie Espace à Vendre.

Quentin Spohn projette d’exposer dans un an et demi de grands formats au crayon graphite sur toile.

Comme ceux qu’il avait montrés en 2013, ses rouleaux de dessins- une frise de 35 mètres de long inspirée de natures mortes des peintres hollandais du XVIIIe Pieter Aertsen et Joachim Bueckelaer - avaient produit une forte impression. Un dessinateur virtuose à surveiller de près !

"Art modeste"

Cette figure connue à Nice a semble-t-il élu domicile dans la galerie de la rue Assalit. Ce n’est pas surprenant, puisque Bertrand Baraudou y défend avec une inaltérable vigueur l’art modeste du dessin dans toutes ses formes : mine de plomb, encre, aquarelle ou gouache. Les créations de près de deux cents artistes de toutes nations depuis près de vingt ans, dont Karine Rougier, Thierry Lagalla, Emmanuel Régent, Eglé Vismante,

Lors de notre entretien, Quentin, allure rive gauche avec casquette et veste bien ajustée, faussement désinvolte et prolixe, évoque « la question du beau » et laisse tomber les noms d’Umberto Eco, Alex Beaupain, Françoise Hardy et Friedrich Nietzsche. Quittant la classique station assise, il finira curieusement son commentaire à genoux.

Son univers questionne l’ordinaire, le trivial et la laideur : « la notion du beau est difficile à appréhender, il existe une esthétique de la laideur, on peut la rendre belle ». Dans l’héritage de Jérôme Bosch, Brueghel l’Ancien, Otto Dix, du réalisme magique, du surréalisme et du post-surréalisme, le beau passe par l’étrange. Ce ne sont certes pas les figures de Mark Rothko, Cy Twombly ou Soulages qu’il admire énormément qui nous viennent à l’esprit en regardant ses œuvres. Son art se situe aux antipodes : « c’est plus rassurant pour moi, de voir comment les accidents de la matière stimulent mon imaginaire ».

Bravoure

De l’exposition 2013 il raconte : « j’étais intrigué par ces natures mortes chaotiques, où l’on ne trouve aucun point de focalisation, où il n’existe pas de hiérarchie entre les différents plans, ce qui provoque une sorte d’hyper
stimulation sensorielle
 ». Donnant ainsi un éclairage sur cet aspect de son travail : des compositions saturées de détails exposant des scènes populaires et oniriques jusqu’aux bords de la feuille.
S’il y a, à notre avis, une sorte de bravoure dans cette importante entreprise de dessin au moyen d’un instrument aussi économe qu’une mine sèche, d’autres circonstances comme l’expérience d’une rupture ajoutée à un retour aux sources le poussent pour une fois vers une autre expérience pour lui intimidante : l’écriture. «  Cela me semblait impossible de me passer de mots même si je ne suis pas bien à l’aise dans ce domaine ».
Le roman se tient en deux parties, la deuxième étant consacrée à des lettres personnelles : il constitue un hommage à sa famille. `

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