Ses œuvres
Patrick Rosiu dans son atelierArtiste, critique d’art, enseignant, conseiller pédagogique, Patrick Rosiu a une approche multiple de l’art, et notamment de l’art contemporain. Il écrit également pour des catalogues et des revues et offre des préfaces à d’autres artistes. Une pensée transversale sur l’art en émerge, alliant pratique et théorie, présentation et partage, production personnelle et sensibilisation de publics très divers.
Du simple travail au trait noir qu’il nomme « dessins » et parfois « gribouillages » (!), aux œuvres sur surface libre de coton, les productions du plasticien s’articulent autour d’une pensée dans laquelle le hasard et sa dimension du rêve, comme celles du désir et de la poésie, se fonde dans une origine de la rencontre. « Rencontre entre des gestes qui installent l’acte pictural dans un ubris, lequel engendre la forme même, et l’acte de voir qui devient le lieu de la peinture. Ce lieu investi apparaît alors comme le moment de tous les possibles » comme il les commente lors de l’exposition TransArtcafé de 2007.
- Patrick Rosiu, 12 Dessin 2011 - Peinture, 100x130 cm
- Patrick Rosiu, 2 Dessin 2011 - Peinture, 100x130 cm
« C’est une peinture libérée de la matière que Patrick Rosiu fait couler sur la toile sans châssis, à même le sol. Une toile qui se réserve parfois timidement pour ne pas s’oublier complètement dans le pli et dépli que lui inflige l’artiste. Un jeu de symétrie, harmonie et chaos justifie le peintre, réponse d’où émerge le corps sur des profils qui apparaissent et disparaissent dans le clair-obscur de la couleur pliée et dépliée,
écorchée vive. »
Patricia Dao, 2011
Sa recherche est plus affective qu’esthétique, elle est toute centrée sur la « recherche de soi », d’où ses liens incessants avec la poésie d’une part, la psychanalyse de l’autre.
Difficile cependant de repérer ses influences ou ses marques de fabriques, le plasticien cite volontiers Françis Bacon et Balthus ou encore affirme à mi-mots sa proximité avec Braque ou Matisse. Sûrement ce qui caractérise le plus ses approches trouvent être ses interrogations permanentes sur la « Peinture » et son impuissance à la maîtriser qu’il tente d’esquisser dans des approches successives.
« Comment me présenter ? Ces derniers temps, je me suis consacré au dessin. Du fusain. Revenir souvent à l’expression du trait, son enivrement, sa légèreté.
Juste s’accrocher à la trace du fusain, son noir savoureur. Le tracé est tendre et vif en même temps. Ne jamais revenir dessus. Le trait, le point, le signe doivent investir toute la surface au fur à mesure que celle-ci disparaît. Rien que cela.
A partir d’un geste toujours en mouvement pour imposer au dessin un espace de soulagement.
Ne pas s’attarder dans le tracé. Partir du blanc de la feuille puis amener des blancs dans la surface. Sensation de rythme, d’avoir jeté sur le papier des centaines de particules infimes de noir. Cela procure un immense plaisir. J’ai le sentiment de traverser une terre inconnue. Peut-être que je suis du côté de l’assèchement du Zeedersee.
Qu’est-ce qui monte à la surface ? Le dessin et rien d’autre que son battement qui fait vibrer le fond de l’œil.
Voir c’est s’attaquer à la ligne, au tracé, à la trace que la main suit pour le défaire. »
Patrick Rosiu, TransArtcafé, Février 2007.
Dans son journal de bord du 30 janvier 1992, Patrick Rosiu écrivait : « De la peinture il ne reste que quelques traces, touches de couleur, ombre-lumière, foule, ciel, espace habité reviennent là, sont là présents sous le pinceau du peintre, dans l’entrelacs de la couleur et de la touche, que reste-t-il alors de la présence de la peinture, corps incertain, tache de lumière, blanc-brun où le distinct se donne dans l’imperceptible de la matière même qui revient baigner l’œil de son désir de voir ? »
Et à la suite, sur la même page : « Se débarrasser du dessin, d’un tracé qui vient contenir la couleur, juste pour la retenir dans la surface. »
Comme s’il fallait se dépouiller de tout, à chaque fois, pour que l’essentiel, réduit, puisse persévérer…
En 2013, à l’opposé, la couleur dans ses œuvres est privilégiée, presque aveuglante et les noirs sont devenus bruns. Ce qui fait dire à la critique d’art niçoise France Deville : « soit l’inévitable retour « atomique » de la matière, ses photons irréductibles, mais après le passage obligé par le noir. Question de miroir noir, et du lavage de l’œil ? Ou tout au moins pour pouvoir saisir le poids des choses, leur répartition, leur intensité propre, leur mesure. Une sorte de travail préparatoire. »
Pour lire l’interview de Patrick Rosiu, par France Delville et Alexandre de la salle cliquez ici
Actuellement sa recherche, toujours en cours, se centre dans une production épistémologiquement très hermétique sur l’harmonie, harmonie des formes, de l’espace et des couleurs qui se déploie sur d’immenses toiles libres appelées Nénuphar par référence aux impressionnistes et à Claude Monet avec sa série des Nymphéas [1].
- Claude Monet, Nympheas (extrait)
- Patrick Rosiu, Nénuphars3, 2013 (extrait)
« Ces toiles appartiennent à une série que j’ai appelé nénuphars en pensant à Claude Monet. Ce que j’ai voulu faire c’est reprendre une réflexion dans la peinture du reflet. Mais aussi de la transparence comme celle du motif. Qu’est ce pour un peintre aujourd’hui dans sa pratique de s’attaquer à ce qui a fait le fond de la peinture, pas que pour les impressionnistes bien sûr. Mais aussi la dimension de fluidité et le bouleversement du sens comme haut et bas. Rejoindre le ciel et la terre… voir ce que cela implique dans le regard.
En fait cette série (..) toujours en cours de construction m’a permis de déboucher sur une pratique plus ample de mon travail, de trouver de nouveaux gestes, de déplacer mon regard dans l’acte de peindre, ne pas rester figé uniquement dans une conception de la peinture.
Désir d’impliquer un dynamisme, un mouvement. Désir de se confrontrer à l’Autre pour le mettre du côté de Lacan. Désir amoureux aussi dans l’acte de peindre et de voir etc... Et que sais je encore. »
Patrick Rosiu, mail, 2014
« Actuellement, je travaille sur toiles souples afin de favoriser certains gestes, et avoir une plus grande liberté avec la toile. Je pars toujours d’un tissu de coton non préparé que j’imbibe de couleur puis par un jeu de pliage j’entrouvre la possibilité des entrelacs, des formes à venir. C’est dans cette action-là que je place la part de motifs ajustant traces et surfaces. Les points viennent dans une sorte d’échos à ce qui est potentiellement présent dans le cosmos du geste et de la couleur. Ainsi se définit une énergie, une tension nécessaire à toute œuvre qui pour ma part s’active dans le mouvement et le rythme de la peinture, à la fois pour elle même et à la fois pour le regard manifeste des placements sensibles de l’acte de voir ».
Patrick Rosiu, exposition Chapelle des pénitents blancs, Vence 2013
A Suivre !
Suite et fin de cette chronique mercredi 18/12/2014 !