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Fin de cet événement Décembre 2022 - Date du 7 décembre 2022 au 31 décembre 2022

« Nos frangins », de Rachid Bouchareb

On peut voir, au numéro 20 de la rue Monsieur le Prince à Paris, une plaque sur laquelle est inscrit : «  A la mémoire de Malik Oussekine, étudiant. Agé de 22 ans. Frappé à mort lors de manifestations le 6 décembre 1986 », sans préciser que ce sont deux agents de police qui l’ont matraqué sans raison. Rachid Bouchareb revient sur ce tragique événement dans son intense film « Nos frangins ».

Ce studieux étudiant, d’origine algérienne, ne manifestait pas, il marchait dans la rue en sortant d’un concert de Jazz... La brigade des voltigeurs à moto le massacrèrent alors que, affolé, il s’était réfugié dans le hall d’un immeuble. Un autre assassinat a été commis le même soir à Pantin par un policier aviné, le film le rappelle. Tous deux, Malik et Abdel, n’ont rien fait, sinon porter les noms et l’histoire de leurs origines qui les a exposés à leur sort de victimes.
La mort de Malik Oussekine a laissé des blessures béantes et Rachid Bouchareb en montre les conséquences intimes suite à cette nuit du 5 au 6 décembre 1986, avec la famille brisée par la brutalité de cette mort, par les mensonges du gouvernement, par le racisme ambiant de la société française et par une justice faillible.

Pendant plusieurs jours, la mort d’Abdel à Pantin, a été dissimulé : deux morts la même nuit, c’est trop !

Le film dit clairement des choses qui n’ont pas été faites correctement à l’époque. Malik se convertissait au christianisme et le Ministre Robert Pandraud a tenté de faire passer cette conversion en terrorisme lié à la mouvance libanaise... De victime, il devenait ainsi responsable de son agression !
Dans « Nos frangins », on voit sa mère, ses frères et soeurs, effondrés par l’assassinat dans ses circonstances du plus jeune de la fratrie d’une famille exemplaire quant à son « intégration », comme on disait alors, et par la négation qui a suivi.

Les interprètes sont excellents 

Raphaël Personnaz, Reda Katheb, Samir Gesmi, Lyna Khondri et Adam Amara dans le rôle de Malik.
Quelle que soit l’inévitable subjectivité, le film tend cependant à être le plus objectif possible. D’ailleurs, Rachid Bouchareb a utilisé beaucoup d’images d’archives liées aux manifestations estudiantines contre la loi Devaquet voulant une sélection d’entrée à l’Université. Dans sa mise en scène, il a évité de montrer le matraquage laissant le spectateur l’imaginer.

Le titre du film vient de la chanson « Petite » où Renaud chante « ...nos frangins qui tombent... »

Ce nouveau film est aussi attachant que les films précédents du réalisateur qui a déjà signé « Indigènes » en 2006 (Prix d’interprétation masculine collectif à 5 acteurs du film à Cannes) et « Hors-la-loi  » en 2010.

Présenté dans la sélection Cannes Première en mai dernier, « Nos frangins » a été très applaudi par les festivaliers. Comme si chacun avait pensé que cette politique de soustraire la vérité qu’a pratiqué alors le gouvernement Chirac était encore d’actualité aujourd’hui.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : ©Guy Ferrandis
Sortie en salles : 7 décembre 2022 / 1h 32min / Biopic, Drame

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