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Portrait : Nicolas Lavarenne

De parents tous deux professeurs de dessin, il n’était pas question pour Nicolas Lavarenne d’être artiste, de se confronter à son père, peintre reconnu, à ce milieu dans lequel il a baigné enfant, à toutes ces œuvres qu’il voyait dans les musées… Et puis sa passion, c’était la moto. Il passe un bac technique fabrication mécanique, construit des motos, apprend de nombreuses techniques qui lui servent encore aujourd’hui.

La sculpture arrive relativement tard dans sa vie

Il répond à des commandes de mannequins de vitrine en polystyrène, puis réalise des statues pour des décors de cinéma pour enfin se concentrer sur des sculptures en bois, mais il se rend compte que le bois le freine, attaque la cire et le plâtre. Il est plus à l’aise avec le plâtre pour ses qualités techniques, la cire ramollit trop, il ne peut faire que de petites pièces. Dans l’effervescence artistique niçoise où les concepts sont de rigueur, il a du mal à trouver sa place. Son ami sculpteur Sacha Sosno, qui habite près de son atelier, voyant ses premières œuvres le conseille : « Tu as la main, les idées, fais du bronze, des multiples ». Sacha m’a toujours donné des mots clefs, des mots utiles qui montrent des directions.

Il sculpte des corps : « ma main travaille en dehors de la conscience, je sculpte de façon réaliste en recherchant l’expression la plus juste des attitudes.  »
Ses corps toujours nus aux musculatures apparentes participent de la statuaire classique, mais ils ne lui suffisent pas, il a besoin d’extension, de sauts de l’ange à l’image de sa jeunesse à la Réserve où avec ses amis, il faisait des concours de plongeons.

Les perches arrivent ensuite

Un souvenir lui revient : « C’était il y a 40 ans, 1982, j’étais sculpteur sur bois et un été j’ai aidé un ami charpentier à construire la charpente d’une grange. Le résultat m’a fasciné. Avec des éléments simples, des segments (poutres) on a constitué un volume fabuleux en plein ciel. Associer charpente et figure m’est venu à l’idée. À l’époque j’étais artisan, sans prétention artistique mais j’ai dû mettre ça dans un coin de ma tête. Plus tard, en 1983, j’ai fait une première sculpture en bois qui m’a inoculé le virus de l’art ; ont suivi quelques pièces cathartiques. Plus tard, en 1988 ma main a dessiné « l’Enragé », un homme tiraillé par chaque angle d’un tétraèdre. J’y ai vu ma condition d’alors, écartelé entre mon gagne pain (que j’aimais), ma famille, l’art que je découvrais et le temps, le temps !… Obsédant ! L’association charpente, géométrie spatiale et figure était là, mais elle exprimait la violence des contraintes. En 1992, juché sur ce tétraèdre est apparu le « Guetteur » et sa symbolique d’à venir, sa géométrie, son architecture, sa singularité de mise en scène et son élévation. Sacha passant par là l’a immédiatement vu. D’autres gestes sont venus, architecturés en tripodes, sortes de propulseurs, lignes de force, lignes à haute tension, l’humain tendu vers une quête, en élévation, détaché de la terre, plus proche du ciel… Enciélé !  ».

C’est ainsi qu’à la recherche d’élévation, d’équilibre idéal, les perches (toujours trois) s’imposent pour donner une assise parfaite à ses sculptures. À plusieurs mètres de hauteur, elles deviennent de fait monumentales. Elles ont quelque chose de tendu vers le ciel. Elles se projettent dans un à-venir immédiat, dans une attente, peut-être inquiète, de ce qui va arriver avec « Le Guetteur », ou de franchissement à l’aide d’échasses (de béquilles plus grandes que soi) avec « Le Passeur », ses deux thèmes de prédilection.

Ses perches sont des propulseurs, des lignes de force à haute tension pour des corps actifs, énergiques, qui se détachent de la terre pour se projeter dans l’espace.

Elles font un contrepoint graphique avec les corps aux chairs contorsionnées et courbés. Ces tiges sont fines, presque inexistantes, on voit surtout des corps qui ne touchent pas terre : funambules, équilibristes, coureurs, danseurs, songeurs quelquefois organisés en couple amoureux ou en groupe de combattants, ses personnages ne cessent de se décliner au fil de ses dessins, de ses idées…

Pour toutes ses œuvres, le dessin est premier : «  savoir s’il tient, le laisser mûrir, ensuite passer à l’acte. Mon regard, mes mains, mes doigts, mes ongles cherchent les formes… jusqu’à l’aboutissement d’une maquette. Si la maquette tient, le besoin de l’agrandir me tenaille. »

Dans son atelier, sur la mezzanine face à l’entrée, une scénographie composée de très nombreux corps tous différents, la plupart en résine, est impressionnante. Le sculpteur se découvre à travers ses œuvres-miroir, il voit ses évolutions, notamment cette femme allongée « relax sur son fil », preuve d’une sérénité qui s’annonce. Depuis quelque temps, des gargouilles apparaissent, une autre voie possible, ses statues peuvent faire des choses réelles ou irréelles.

Nicolas Lavarenne, un sculpteur à suivre… dans l’espace public où dans ses nombreuses expositions.

Toutes photos DR A.A

Artiste(s)

Nicolas LAVARENNE

Né en 1953 Enfant d’un artiste peintre, il commence à travailler la sculpture en autodidacte. Assistant d’Armand au départ, il accumule les prix du public et donc l’attention dans le monde de l’art. Photo de Une : © DR

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