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La diabolique collection du Docteur Fauchon

François Fauchon se définit comme « Collectionneur cambrioleur ».
C’est le nom d’une exposition au « Suquet des artistes » à Cannes qui dévoilait au printemps cent peintures choisies dans sa collection. Mais qui est le Docteur Fauchon, cancérologue émérite ? Et qui est Hyde, ce dévoreur de talents hors-norme ?

François Fauchon ©Jean-Charles Dusanter

Cette exposition qui s’est déployée en mai à Cannes aurait pu s’appeler « Morgue pleine  » comme le célèbre roman noir de Manchette car ce centre d’art occupe les anciens locaux de médecine légale de la ville et tant les toiles déployées dans l’espace immaculé de 300 m2 invitaient à une véritable descente aux enfers dans l’âme humaine.

«  Je connaissais bien le commissaire Numa Hambursin, nommé directeur du PAMoCC* et qui vient de prendre ses fonctions à la tête du MO.CO à Montpellier. Lorsqu’il m’a proposé cette expo, je lui ai donné carte blanche  !  » Ainsi, aux cimaises cent peintures figuratives à dominante française : «  Dans cette exposition la chair quitte les os  ! Alors oui, la mort est présente mais la vie lui donne une réplique cinglante ! Le combat est âpre, torturé et magnifique car le désir d’élévation est omniprésent  ! » explique François, l’œil noir et vif.
Ce combat est à l’image de celui que mène l’oncologue niçois depuis qu’il a choisi cette pathologie difficile au sortir d’un cursus à la Pitié-Salpêtrière.

C’est avec deux congénères qu’il contracte à Paris le virus des beaux arts. Mais enfant, sa mère l’emmenait dans les châteaux, les musées. «  Cela m’a marqué. Comme la médecine que j’ai choisie, d’une autre manière j’ai compris que l’art sauve ! » Sa vocation professionnelle, il la doit plus sûrement à un père directeur financier d’un laboratoire pharmaceutique ou aux récits de la médecine coloniale qu’il découvrit, gamin.

Mais c’est en s’installant à Nice, à Cimiez où il réside depuis 30 ans, que le cancérologue en radiothérapie devint le collectionneur hyperactif que l’on connait.

Pour son métier, il voyage et achète ses premières œuvres à des créateurs aux-quels il est resté fidèle et proche  : «  Pat Andréa un peintre hollandais, Flèchemuller, un français vivant au USA, le britannique Alun Williams, Marcella Barceló, Manuel Ocampo, Garouste réputé peu commode mais qui est devenu un ami  ». Sans oublier Ronan Barrot dont il détient de quoi créer une rétrospective, selon l’artiste lui même souligne François : « J’ai acheté sept toiles dès ses débuts puis beaucoup d’autres avec des œuvres de Pencréac’h aux héritiers de Jean-Michel Marchais. Ce galeriste compta beaucoup pour moi, comme Bernard Ceysson qui fait un travail de défrichage admirable  ».

La collection Fauchon se lit comme un bestiaire de l’humain, une monstrueuse parade où l’expressionnisme se décline à tous les modes.

GILLES MIQUELIS Sans titre, 2015 Huile sur toile 160 x 160 cm © Olivier Calvel

Et si le docteur dérobe l’âme des artistes c’est que leurs œuvres tourmentées, « leur probable pathologie psychiatrique   » servent d’exécutoire à ses propres démons, que leurs palettes sulfureuses s’avèrent souvent rédemptrices. «  Ma collection inclut aussi des œuvres plus formelles, abstraites tels les sculptures de Tatania Volska ou Folkert de Jong. Elle convoque tous les thèmes du vivant  : cette tunique d’évêque remixée avec la robe rituelle du KKK est une œuvre du polonais Rychardsky qui défend la cause LGBT   ». D’autres interrogent la position de la femme dans la société ou parle d’identité d’ethnie telle cette statuette Dogon de Flèchemuller (I will there before  ) ou encore rebattent les cartes de l’histoire de l’art quand Joyce Pensato vitriole Disney et le Pop art à la sauce punk trashy !

Mais il n’y a pas que de l’art figuratif dans ce fond de sept cents pièces : « J’ai connu Louis Cane, Viallat, Dolla, Pagés et acquis une centaine d’œuvres de support-surface. Je garde des liens étroits avec Denis Castellas qui vit entre Nice et New York  ».
La nouvelle génération des créateurs niçois est aussi bien représentée. L’un de ses premiers coups de foudre fut pour le travail d’Axel Pahlavi d’autres suivirent  : Forstner, Miquelis, Panighi, Verna, Jacqueline Gainon et plus récemment Frank Saïssi. «  Les soirs de vernissage, j’ai du mal à revenir bredouille …  » avoue François qui regrette toutefois qu’il y ait trop peu de galeries ici pour défendre les artistes.

Il s’est d’ailleurs investi à la tête des Amis du MAMAC pour faire rayonner ce panorama créatif.

C’est dans ce but qu’il soutient aujourd’hui une nouvelle galerie niçoise 21Contemporary dont la première monstration fut dédiée à Ronan Barrot  : «  J’ai accepté d’être son conseiller artistique, car Philippe Murris ambitionne de faire quelque chose de haut niveau avec sa galerie. Daniel Clarke, dont je défends le travail est exposé actuellement dans sa galerie du boulevard Dubouchage. »
En attendant pour ceux qui voudraient découvrir ou revoir l’exposition « Collectionneur Cambrioleur », François Fauchon a initiéune appli téléchargeable gratuitement qui permet de visiter cet accrochage qui n’a de diabolique que l’amour fou que ce collectionneur audacieux voue aux artistes de son temps.

DANIEL CLARKE What he saw at the revolution, 2005 Huile sur toile 122 x 168 cm © Olivier Calvel

*** PAMoCC : POLE ART MODERNE ET CONTEMPORAIN DE CANNES qui regroupe le Centre d’art la Malmaison, la Villa Domergue et le Suquet des Artistes.


Vous pouvez dorénavant retrouver cet article mis en sons en podcast !

Visuel de une : François Fauchon © Jean-Charles Dusanter

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