| Retour

Nice-arts 2000+ : Jean-Charles Blais ou la peinture en figuration… (1/3) - SON PARCOURS

Jean-Charles Blais est un artiste qui cherche à susciter en permanence l’interrogation que ce soit sur ses œuvres ou sur sa propre vie. Difficile de connaître son parcours quand on n’est pas dans son cercle immédiat ! Pas de site… pas de déclaration intempestive à l’égal d’autres artistes. Tout au plus sait-on qu’il est né à Nantes en 1956, qu’il fit ses études aux Beaux-Arts de Rennes et qu’il vit et travaille à Arcueil et à Vence. Heureusement, il tient bien à jour son carnet d’expositions, ce qui permet de suivre l’évolution de ses productions, du moins celles qu’il souhaite montrer...

Jean-Charles Blais, photographie années 80

Sa vie artistique commence pour lui à 25 ans, au tout début des années 80. Jean Charles Blais s’installe alors à Paris en 1982 et une première exposition personnelle lui est proposée la même année à la galerie Yvon Lambert qui a toujours su s’ouvrir aux jeunes talents. Et en seulement quatre ans, il ne tarde pas à imposer ses œuvres en France et à l’étranger.
A cette époque, un groupe très médiatisé s’est constitué autour de figures marquantes comme Robert Combas, Hervé Di Rosa, Richard Di Rosa, Rémi Blanchard, François Boisrond et Louis Jammes Combas. Leur production et leur nom de bataille rencontrent immédiatement l’adhésion des collectionneurs : la « figuration libre » . Ce mouvement se veut défendre un art « sérieux », bien que minimaliste et conceptuel, en réaction à l’esthétique formaliste et abstraite des années 70 que ces jeunes ont étudié dans leur école d’art respective…
Il regroupe de jeunes artistes qui se décrivent comme « généreux », « enthousiastes » et « désinvoltes », et qui se disent ouverts à toutes les formes d’expression marginale. Son promoteur est Hervé Perdriolle qui avec Bernard Lamarche-Vadel a produit une exposition qui leur fit d’entrée une énorme renommée ; elle s’intitulait Finir en beauté.

« Je rencontrais Bernard Lamarche-Vadel lorsque nous habitions, Catherine Viollet et moi-même, à Quimper. Nous avions fui la torpeur Niçoise, où nous avions habité de 1974 à 1976, pour affronter les embruns de la Bretagne, espérant y trouver là tout le contraire de ce que nous laissions.
Sans connaître la ville, sans aucun contact ni ami sur place, nous avions arbitrairement choisi Quimper, uniquement parce qu’il s’agissait là d’un des points les plus éloignés sur la carte de France. Nous entassions tout ce que nous pouvions mettre dans notre 2CV violette, laissant sur le trottoir ce qui n’y rentrait pas. Prenant notre temps, nous traversions la France à la découverte d’une nouvelle vie, d’une nouvelle ville. Les premiers jours, nous dormions dans la 2CV en centre ville, sur les quais de l’Odet. Je trouvais rapidement l’un des rares poste de graphiste de la région, à l’imprimerie Cornouaillaise, et un appartement, rue Elie Fréron, près de la Cathédrale, derrière le Musée des Beaux-Arts.
(…) Il fallait « finir en beauté » cette époque pour commencer une autre sous les meilleurs auspices. Cette exposition allait symboliquement être l’adieu à ce premier loft, lieu de vie et de rencontre, et l’invitation à la découverte de jeunes artistes, en guise d’obligeance au nouveau dictat, tous peintres.

Jean-Michel Alberolla, Jean-Charles Blais, Rémi Blanchard, François Boisrond, Robert Combas, Hervé Di Rosa, Jean-François Maurige et Catherine Viollet, huit peintres, de l’abstraction à la figuration. Huit individus avec une amitié forte déjà existante entre Boisrond, Combas et Di Rosa. L’amitié qui unissait Viollet et Blanchard remontait à l’école des beaux-arts de Quimper où ils étaient tout deux étudiants. Entre Alberolla, Blais et Maurige, peu de point commun amical ou culturel, avant comme après l’exposition, plus tôt une préfiguration d’une nouvelle donne artistique où les personnalités commençaient à pouvoir exister, s’affirmer et être reconnues en dehors d’un mouvement, d’une avant-garde, estampillé.
L’exposition est fantastique, euphorisante, débordante d’énergie. Le loft est rapidement saturé d’œuvres. L’un des rares points communs à tous ces jeunes artistes est la dimension de leurs œuvres. Tous ont optés pour les grands formats donnant libre cours à leur imagination et à leur énergie, libérant les mouvements. Je me souviens que ces années là ont été notre découverte (s’agissait-il là d’une redécouverte, ou bien la France, par ostracisme, avait-elle déjà un tel retard culturel ?) des grands espaces américains, de la démesure de ces ateliers et de ces œuvres autour desquelles dansent les artistes et se noient le public de cet autre côté de l’Atlantique.
A ce besoin physique et intellectuel de grands espaces, les artistes de Finir en beauté ont aussi en commun un profond besoin de liberté picturale. L’ampleur alors retrouvée du geste affirme sa liberté intrinsèque en affichant ostensiblement toutes traces de peintures, il faut que ça gicle, que ça coule. Pour finir en beauté, pas une avant-garde de plus mais l’éloge du mouvement, un feu d’artifice pictural, une ferveur nouvelle !
(…) Fin 1981, Otto Hahn me demande deux textes, l’un sur Blanchard, l’autre sur Combas, pour le catalogue de l’exposition Staments One organisée par l’AFAA à New York dont il assure le commissariat. Il s’agit de l’organisation de plusieurs expositions simultanées, début 1982, d’artistes français dans de nombreuses galeries américaines parmi les plus prestigieuses. Blanchard et Combas exposent chez Holly Solomon. Ces deux textes sont extrêmement courts. L’un et l’autre s’intitulent Figuration Libre affichant ainsi ma volonté de revendiquer ce terme crée par Ben pour définir plus précisément la démarche de quatre artistes dans le vent, Blanchard, Boisrond, Combas et Di Rosa.
(…) D’exposition en exposition, de texte en texte le terme de Figuration Libre s’imposait pour définir un mouvement représenté par effectivement ces quatre mousquetaires, selon Dumas, ces Fantastic Four, selon Marvel.


(…) La Figuration Libre, comme tout mouvement, vécue le temps de la fulgurance, de l’envie commune d’en découdre, de ripailler, le temps des conquêtes et du partage. »

Hervé Perdriolle, janvier 2008

Finir en beauté, rue Fondary, Paris, juin 1981, accrochage, peintures de Combas et Di Rosa
© Hervé Perdriolle

C’est à ce mouvement que Jean-Charles Blais a toujours voulu s’associer. A ces débuts, l’artiste utilisait pour ses œuvres des matériaux découverts dans les rues ; notamment à la manière Jacques Villeglé et Raymond Hains, il affectionnait les affiches déchirées.

Jean-Charles Blais, Cireurs de Parquet, 1981

Son succès fut plutôt rapide dans les milieux de l’art ; Caroline Smulders qui dirigeait le Département d’Art contemporain de Christie’s considérait sa toile intitulée Marin au deux coeurs (1982) comme « une des pièces emblématiques de la figuration libre ».

Jean-Charles Blais, Marin au deux coeurs (1982)

Fort de cette réussite, sa production sera ensuite extrêmement diversifiée, dans un genre très pictural, tout en se voulant toujours très intuitive. Il en résulte un :
« processus cre ?atif fait davantage de glissements que de ruptures, d’improvisations que de programmes (…), dans la superposition ou au contraire l’e ?videment, convoquant, pour toujours mieux l’e ?luder, la question de la figuration ou de la narration et celle aussi, de ?ja ? et imme ?diatement, de la de ?mate ?rialisation, avec l’utilisation des affiches arrache ?es qui allaient, quelques anne ?es plus tard, se transformer en tableaux de ?pece ?s. »

Jean-Charles Blais, Bleu (par dessus)
Jean-Charles Blais, Sans titre

Partant de l’urbain, Jean-Charles Blais a souvent souhaité installer son art en retour dans l’espace de la ville, d’une manière moins sauvage qu’Ernest Pignon Ernest. En 1990, il fut engagé pour « illustrer » une station du métro à Paris. Celle qui fut choisie fut l’Assemblée Nationale où il installe un « dispositif » révélant une gigantesque frise de posters imprimés et renouvelés périodiquement. Ces images composent une suite de grandes têtes noires sur fond coloré. Une nouvelle version a été initiée plus récemment en 2004 et cette nouvelle production se poursuivra jusqu’en 2014 .

Jean-Charles Blais, La station de métro Assemble Nationale, Paris 2013

http://www.youtube.com/watch?v=qI3r...

En 1996, le Musée d’Art Moderne de New York fait appel à lui pour un autre projet public, The Telephone Booths. Dans ce contexte, Jean-Charles Blais produit des posters, affichés ensuite dans les espaces publicitaires des cabines téléphoniques de la ville.
Enfin, en février 2010, il collabore avec Jean Nouvel et intervient dans les appartements d’un immeuble conçu par cet architecte français ainsi que sous la forme d’une installation lors de la présentation du 100 Eleventh avenue.

Jean-Charles Blais, The Telephone Booths , MoMA outdoor project New York 1996
Jean-Charles Blais et Jean Nouvel, 100 Eleventh avenue appartment, 2010
© DR

http://www.youtube.com/watch?v=_q44...

L’artiste sut aussi s’ouvrir à d’autres univers, notamment à celui de la mode. Il collabora avec le couturier Jean-Charles de Castelbajac, signant notamment pour lui une "Robe-Tableau" de mariée, intitulée L’habit du dimanche.

Jean-Charles Blais, L’Habit du dimanche, Robe Tableau, 1982
© JC de Castelbajac

L’arrivée du nume ?rique permit a ? Jean Charles Blais de poursuivre sa recherche autrement sur l’apparition des formes. Il a conçu des « œuvres » qui n’existent de façon éphémère que pendant leur consultation.

Jean-Charles Blais, Exposition, 2010

« J’aime l’idée de produire des images qui n’ont pas de consistance matérielle [...] et cette manière nouvelle d’introduire une sorte de suspens dans quelque chose de pictural ».
Jean-Charles Blais, 2005

En 2007, une commande pour l’Opéra de Genève lui fait reprendre ses pinceaux pour porter un nouveau regard sur la notion de mode ?le, a ? travers le re ?pertoire singulier de l’ope ?ra.
 ?

Jean-Charles Blais, Affiche, Opéra de Genève, saison 2008-09, 2008
Jean-Charles Blais, Affiche, Opéra de Genève, saison 2008-09, 2008

La suite dans la newsletter du 24 avril prochain...

pour accéder à "Nice Arts 2000+ : mode d’emploi", cliquez ici

Artiste(s)