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METIER D’ART : Fonderie JLB - Tout feu, tout flamme ! - Par Olivier Marro - reportage photo Hugues Lagarde pour Art Côte d’Azur

Des ateliers de la Fonderie JLB sortent ces sculptures monumentales qui partent couler des jours paisibles dans les galeries et Musées du monde. Jean-Louis Begnis alchimiste de la matière accompagne les créateurs dans l’accouchement de leurs œuvres hors normes. Acier, bronze, aluminium, élastomère, rien ne lui résiste !

Le niçois Jean-Louis Begnis n’a pas emprunté la ligne la plus droite pour devenir « « le sage homme » des artistes plasticiens. Il en a vu du pays avant d’établir sa nurserie tout feu tout flamme au fin fond de la Z.I de Saint-Laurent du Var. Le jeune homme s’est frotté à la déco et à la musique, un univers qui lui colle à la peau et qu’il n’a pas fini d’explorer. « Ado je suis monté à Paris où j’ai travaillé pour CBS et Virgin, puis j’ai fait des bracelets pour la haute couture, des figuratifs de vitrine pour des bijoutiers à Florence, des peintures pour une galerie à Santa Fé ». C’est à Nice qu’il fera ses armes dans la décoration auprès de grands maîtres artisans en travaillant entre autres sur le réaménagement d’établissements de nuit (la Suite, le Café Sud, le Master home). De cette période qu’il qualifie « d’école de l’exigence ! », de ce parcours initiatique, il fera son miel au point de décrocher en 1990 le titre de Meilleur Ouvrier de France en Ferronnerie et d’hériter d’un regard décapant sur son métier. « J’ai voulu apporter du vivant, de l’organique dans le métal, de la modernité à la profession ! Je ne voulais surtout pas m’enfermer dans une spécialité ou dans un artisanat poussiéreux ».

Cap sur l’art contemporain

C’est pour profiter de cette niche que Jean-Louis décide de créer sa propre fonderie en 2000 ! Et que de chemin parcouru depuis qu’il y donna son premier coup de disqueuse ! Après quelques chantiers pour des villas et des ouvrages plus graphiques (logos et trophées), la petite entreprise réalise des commandes pour l’univers du cinéma : « Un extra-terrestre pour la promo d’Independence Day, des « monsters » pour Avoriaz ». Depuis sa participation à la restauration des Nanas de Niki de Saint Phalle offertes au MAMAC, la fonderie JLB s’oriente
vers le marché de l’art
et travaille exclusivement pour des créateurs et galeristes internationaux parmi lesquels Enrico Navarra ou Guy Pieters. Le premier à lui avoir mis le pied à l’étrier fut

Horse Dubaï / Stéphane Cipre

Philippe Perrin. Pour cet artiste, issu de la Villa Arson qui se nourrit exclusivement d’extraordinaire, JLB réalisera plusieurs objets surdimensionnés dont 4 poignards, un revolver Beretta en acier long de 3 mètres et plus récemment une couronne de christ de 3,60 mètres de diamètre exposée en l’église Saint Eustache à Paris. Aujourd’hui c’est un gigantesque chapelet qui est en gestation dans les ateliers : « J’ai tout de suite été fasciné par l’univers décalé de ce plasticien qui eut le culot d’exposer dans la vitrine d’une banque le matériel d’un casse ».

Une expertise tout terrain

Et si bon nombre d’artistes comptent aujourd’hui parmi les fidèles de la fonderie - comme Stéphane Cipre qui y réalisa la plupart de ses œuvres montrées l’an dernier à Art Basel (Miami) et à la galerie Ferrero (Nice), ou Laurence Jenkell accro aux sucreries géantes en aluminium qu’elle expose partout dans le monde-, Jean-Louis préfère rester discret sur les commandes. Des commandes qui continuent d’affluer malgré la crise : « Avec cette ambiance à la récession la demande en nouveauté et originalité a augmenté. Je ne sollicite rien, ni personne il m’arrive de refuser certains travaux pour préserver la qualité et l’écoute qu’il faut avoir avec les artistes. Mon job c’est d’accompagner leurs intentions ». Et pour ce faire JLB s’est entouré de huit artisans et d’un sculpteur maison qui dégrossit la matière brute. Transformation moléculaire ou travail sans feux (quand il s’agit de résine), JLB exerce son talent sur tous les fronts, sur toutes les matières. Aussi ne cherchez pas l’entreprise dans le bottin à la page fonderie car ici tout est fait de A à Z sur mesure et à la carte. « On passe de la menuiserie à la patte de verre, pour le Beretta de Perrin on a aussi réalisé la crosse en bois ». Une manne pour les créateurs qui n’ont plus besoin de faire appel à une armada de sous-traitants, une opportunité que seule l’entreprise JLB offre sur le département. Guère étonnant dès lors que Sacha Sosno ait également fait appel à ce talent protéiforme pour concevoir sa future fondation.

Métal hurlant

Jean-Louis est avant tout un passionné, un amoureux de l’art au point qu’il a cédé lui aussi à la tentation en créant sa propre ligne d’objets XXL en métal et plus récemment une série de toiles inspirées des égéries de la Sci-fi : « C’est plus une thérapie pour moi » tient-il à préciser. Mais son dernier bébé, clin d’œil à ses premières amours, c’est une ligne de guitares dont la coque en aluminium a été pensée avec François Calais, un guitariste qui s’est illustré dans les studios parisiens avant d’évoluer au sein de groupes rock locaux. « Le projet est parti de François qui voulait revisiter l’esprit de la Gibson standard. Après avoir réalisé 5 tirages qui sont déjà entre les mains de Medi (and the medecine show) qui participa à la dernière tournée de Charlie Winston, Pascal Mono ou de Philippe Paradis (le musicien compositeur de Zazie), nous travaillons sur de nouvelles formes et sur la quintessence du son. Une nouvelle série doit voir le jour ce printemps. C’est toute l’histoire de ma vie, mon côté glamour, je suis un fan de rock qui a toujours regretté de ne pas savoir jouer de la guitare ». Et qu’importe aujourd’hui si Jean-Louis ne fait pas parler l’électricité avec un médiator, l’homme a d’autres cordes à son arc (à souder) ! Un savoir-faire qui en fait le complice des artistes, aussi démesurés soient leurs rêves. Si Prométhée déroba le feu du ciel pour créer l’homme, Jean-Louis Begnis l’entretient pour faire chanter la matière. Sa façon à lui d’être rock’n roll !

Photos © H. Lagarde

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