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Dominique Angel 2/3

André Giordan et André Biancheri poursuivent leurs écrits sur la création artistique actuelle à Nice et dans sa région, au travers de portraits d’artistes et d’études approfondies de leur art. Ce mois-ci focus sur l’artiste Dominique Angel. Cette semaine, ses oeuvres.

Ses œuvres

L’œuvre de Dominique Angel est tout à la fois multiforme et prodigue, caricaturale et sérieuse. Elle constitue désormais un tout qui entremêle approches artistiques classiques et objets du quotidien au travers d’une production à l’allure baroque. S’emparant des codes de chaque art, le plasticien les bouleverse : le pérenne et l’éphémère trouvent place in situ dans son travail.

Bien que se revendiquant « sculpteur », l’artiste ne privilégie aucun support pour favoriser l’interaction : son travail échappe ainsi aux classifications habituelles.
Ses œuvres anciennes et nouvelles « dialoguent dans une atmosphère de chaos maîtrisé » pour développer un projet théorique que compose une multitude de « Pièces supplémentaires », mises en scène en fonction de l’espace et du contexte lors de ses multiples expositions-performance successives.

Mon ambition artistique

" La recherche d’un hypothétique bonheur fonde la conscience artistique de nos sociétés. De la distraction à l’activité purement utilitaire, de la soumission au libre arbitre, du bon sauvage à la barbarie humanitaire, de l’art pour chacun au tout est
art, de la figuration à l’abstraction, de Dieu pour tous à chacun pour soi, de l’homme à la femme, de l’individu à la société, de la vie à la mort, du temps passé au temps présent, je mets dans mon oeuvre autant de grandes causes que de petits plaisirs. Ils stabilisent mon ego et font pencher en ma faveur le fléau de la justice aveugle. Mon ambition artistique est de ne rien laisser au hasard. Mais je m’y prends souvent
comme un manche : l’entreprise est aussi malaisée que de vouloir peindre un pet.

Mon projet artistique

Les divers aspects de mon activité artistique sont les fragments d’une oeuvre unique à laquelle je travaille dorénavant. Le titre, Pièces supplémentaires, déborde le projet qu’il annonce. J’utilise divers moyens d’expressions. La nature de l’art contemporain commande de faire ainsi. Je n’y peux rien.

Mon projet se décompose en cinq parties :

1-Des sculptures de grandes dimensions, conçues comme une sorte de déménagement en catastrophe au cours duquel on s’exercerait à quelques arrangements esthétiques pour laisser croire que tout va bien. Une vidéo une photographie et une installation évoquant les limites de ce principe complètent généralement le dispositif. ( Je ne peux pas croire que mes oeuvres puissent retourner au chaos dès que j’ai le dos tourné !).

2- Une installation que je considère être une composition d’atelier, un témoignage, un camp retranché que je recompose chaque fois qu’il est nécessaire avec des apports de sculptures nouvelles et anciennes, des objets, des plantes et toutes sortes de déballages ainsi qu’avec des interventions sonores et vidéographiques. Mon atelier pour l’instant est à l’image du monde. C’est une fabrique d’accessoires gérée par l’esthétique rigoureuse du bazar. Je suis un artiste de mon temps :
la nature morte devient l’unique sujet de l’art.

3- Un travail photographique. Il y a là des images de sculptures que je n’oserais
jamais faire. Ce sont des sculptures qui n’existent pas. Quelle différence cela fait-il avec la grande majorité des oeuvres d’art dont chacun de nous n’aura, au bout du compte, jamais vu que la reproduction photographique ?

4- Une pièce de théâtre, une suite de textes sur l’art, de poèmes, de nouvelles et de romans, dont trois ont été déjà publiés à l’occasion de certaines de mes expositions : La beauté moderne, éd. vidéochroniques/Musée d’art contemporain de Nice, Petites
farces de la vie quotidienne, éd. Actes Sud, La brosse à cheveux et le mexicain, éd. Musée de Belfort, Le 19, C.R.A.C. et le C.A.P. de Montbéliard accompagneront l’ensemble de mes recherches.

5- Ma production vidéo avec laquelle je me suis évertué jusqu’à présent à prouver que : a) Le vent de l’Histoire est composé surtout de courants d’air, b) qu’il poussera des poils aux statues le jour où les poules auront des dents, c) et qu’enfin la tâche de l’artiste contemporain consiste à devoir absolument réussir quelque chose dans un monde raté, a pour objectif maintenant d’affirmer le contraire de ce qu’elle a montré
jusqu’à présent.

Mon projet consiste donc à rassembler ces divers éléments en une oeuvre unique. On comprendra mieux mon entêtement à vouloir nommer chacun d’eux Pièce Supplémentaire, sans autre distinction que leur qualité respective.
En ce qui concerne la théorie de cette entreprise, elle s’organise comme partie constituante de mon travail plastique, autour d’un ouvrage littéraire qui s’intitule Conditions relatives à la réalisation de quelques unes de mes oeuvres.
J’y décris minutieusement avant qu’elles ne soient réalisées chacune des séries de pièces qui participent des diverses orientations de mon travail. Puis je montre, photos, anecdotes, et autres informations à l’appui qu’avec un même concept, un même système de représentation on peut élaborer des oeuvres diamétralement opposées.
J’envisage d’utiliser l’ordinateur et la technique de ramification de l’hyper-texte pour trouver le développement nécessaire au rapport mot / titre / texte/ image etc., puis de rassembler cette étape de mon travail sur un CD-ROM qui trouvera sa place dans une installation finale ou sera confronté la réalité des pièces avec la fiction que représentera cette synthèse."

Dominique Angel, 2011

Longtemps professeur à la Villa Arson, Dominique Angel construit son travail artistique autour de « la transmission d’une pratique, d’une expérience, d’une histoire, d’une pensée critique, d’un rapport au monde, d’un savoir et d’une tradition qui débouche sur la réalité. L’art s’apprend en en faisant. » Actuellement nombre d’étudiants et même d’élèves participent à son travail.

Dominique Angel, Pièce supplémentaire, photographie, Installation de Caen, 2003


Dominique Angel, Chers étudiants, 2005
[Lire ici Chers étudiants>http://www.gilles-arnaud-sphere.com...]

Dominique Angel, Musée Magnelli, Musée de la Céramique, 2008

Écoutez en cliquant ici le récit d’une performance de l’artiste. Réalisée à une date et dans un lieu inconnus dans le cadre du projet "Une histoire de la performance sur la Côte d’Azur de 1951 à nos jours" de la Villa Arson.

Cliquez et voir une autre performance de Dominique Angel : "Bonjour Monsieur Courbet" : Dominique Angel vêtu d’un costume cravate, debout sur une estrade, lit un texte. Il y raconte qu’à l’âge de 11 ans, à Vallauris, son père l’a amené serrer la main de Picasso, alors véritable attraction locale.

En permanence, il s’expose plus qu’il n’expose pour montrer ce qu’il fait, comment il le fait, en privilégiant le « in situ et la disparition des oeuvres à la fin de l’exposition ». Par dessus tout, le plasticien documente, il n’a de cesse d’argumenter son propos dans une multitude de conférences-performance, de vidéos et d’écrits.

Dominique Angel, Le grand dérangement, 2008

" Lorsque je vois passer une personne dans la rue, je me demande rarement d’ou ? elle vient et ou ? elle va. Elle passe, c’est tout. Me le demanderais-je que je n’en saurais gue ?re plus. A ? moins d’inventer.
Je fais cette remarque banale pour insister simplement sur des the ?mes qui me sont chers. Des the ?mes touchant à la cre ?ation artistique, au moment pre ?sent, c’est-a ?-dire a ? la conscience d’être absent du passe ? et de l’avenir. C’est une manie ?re complique ?e de dire le bonheur d’être la ? ou ? je suis.
Même si ce bonheur est teinte ? d’inquie ?tude. L’esthe ?tique du fragment de ?termine la totalite ? de l’art contemporain. Elle exprime la conscience du chantier permanent fait de l’accumulation d’images et d’e ?ve ?nements he ?te ?roclites que repre ?sente l’actualite ?.
L’ide ?e du « Grand de ?rangement » e ?voque a ? mes yeux une sorte de de ?me ?nagement et d’exil plutôt qu’un e ?tat de de ?mence sociale. Mais je vois bien que ces deux formes d’agitation proce ?dent du me ?me mouvement des choses, au point ou ? nous en sommes de l’exploitation anarchique et barbare des ressources de l’humanite ?. La socie ?te ? capitaliste n’a plus ni raison ni morale.
« Le Grand de ?rangement » comme titre est emprunte ?, ainsi nomme ?, a ? la de ?portation des Acadiens par les Anglais en 1755. Des Acadiens se sont retrouve ?s exile ?s dans le Poitou ou ? j’ai se ?journe ? pour e ?crire ce livre.

Dominique Angel, Pre ?face du livre Le grand de ?rangement,
e ?dition D’une certaine manie ?re, 2008

Dominique Angel, Pièce supplémentaire, 2009


Dominique Angel, Petites farces de la vie quotidienne, 1998

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Artiste(s)

Dominique ANGEL

Dominique Angel est né en 1942 à Briançon dans les Hautes-Alpes. Sa formation débute à l’École Nationale des Arts Décoratifs de Nice, ville où il a également enseigné à la Villa Arson. Aujourd’hui, il vit et travaille à Marseille. La sculpture est son premier moyen d’expression, mais l’installation, la (...)

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