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Chapitre 70 : Sheila Reid, une place dans le futur (Part III)

Sheila Reid : Art et partage

En dehors de la qualité de son travail, Sheila Reid invite à un débat éthique original, surtout sur la liberté de création. Et la gratuité. Elle va jusqu’à fournir (dans son dernier livre) la liste des musées et galeries qui ont été d’emblée intéressés par son projet d’exposition itinérante en 1986, aux Etats-Unis ! Du jamais vu ! Voir la liste à la fin de cette partie III !

Détail des “Broken Patterns”

Suivent, en 1985, des « Feminine Reflections »

Et là, dans ce chapitre particulier (Feminine reflections), de « Au-delà des pensées », Sheila cite un extrait de mon texte de « L’Atelier du Futur, revue des Universités du XXIe Siècle » (1996) : « Certains travaux de Sheila Reid sont sur le mode de la multiplicité, multiplicité d’éléments ébauchant une exponentialité, comme dans les objets du monde. Parfois éléments répétitifs, sans caractère particulier, dont la beauté vient de l’accumulation structurée, je pense à une œuvre exprimant le féminin, et qui revêt le mur d’une sorte de tissage haut-relief, concept un peu fou de chevelure plastifiée, rapport des éléments au tout, rapport des particules à l’onde vibratoire qui les parcourt ».
Dans l’après-coup, aujourd’hui, mes propres phrases me reviennent comme invitation à revenir sur ce féminin d’une manière plus aiguë, c’est le travail du Temps… souvent sur le métier….


Sheila Reid -
En 1985 j’ai fait une seconde structure intitulée « Feminine Reflections » (330/150 cm). Elle n’était pas tendue sur un châssis mais souple, et pouvait être suspendue. Sur ce panneau étaient accrochées des boucles de papier photo recouvertes au hasard à la brosse de peinture acrylique verte. Cette structure était censée refléter les idées stéréotypées sur les femmes - ambiguïté, rondeur, couleur verte pour la jalousie. C’est un essai sur la fragilité mais la puissance de la structure rend le travail très ironique. Nous l’avons accrochée sous une grande voûte du Musée de L’Université du Mississippi, ça a pris trois jours, avec l’aide de nombreux étudiants patients.

Musée Maier, Interview par Lisa Godley Newcaster pour les Nouvelles du Soir en Virginie (1986, Tour of America)

Architectural Patterns (1985 – 1990)

Sheila Reid - Ma première structure grande, mais vraiment grande (5 mètres), je l’ai construite pour une exposition à Apeldoorn aux Pays-Bas. C’était pour une Galerie d’Entreprise au Centraal Beheer, une Compagnie d’assurances. Les compagnies néerlandaises ont été parmi les premières à collectionner l’art contemporain. Elles aiment à en avoir sur les lieux de travail, spécialement dans les usines. Ainsi presque tout le monde dans le pays grandit en voyant des œuvres originales. C’est vraiment merveilleux de voir combien l’art est important pour les néerlandais. Le concept du building du Centraal Beheer lui-même est vraiment intéressant. Tous les espaces intérieurs sont ouverts, et cependant les bureaux sont conçus de telle façon que les gens ont un peu d’intimité et les activités d’un bureau ne troublent pas celle des autres bureaux. Les espaces publics et les lieux d’exposition sont ouverts sur toute la hauteur de l’immeuble qui est de trois étages. Aussi est-ce là que j’ai exposé la première structure de cinq mètres intitulée « Architectural Patterns ».

Fondation Nexus pour l’Art Contemporain, Philadelphie (1986, Tour of America)

Architectural Patterns

Sheila Reid - Les deuxièmes et troisièmes structures des « Architectural Patterns » sont des agglutinations de motifs que l’on peut trouver dans des immeubles de Hong-Kong, Lisbonne, Paris, Francfort, Madrid, Tokyo, Copenhague et Bangkok. Elles mesurent 490 x 150 x 75 cm, et sont légèrement plus courtes que la première série parce qu’une galerie qui voulait les exposer avait un plafond trop bas, alors je les ai légèrement coupées. Je le regrette. (Sheila Reid)

George Dibble

La combinaison d’innovations artistiques inhabituelles et une présentation habile ont donné lieu à une très belle exposition au Musée des Beaux-Arts de l’Utah. L’une des installations les plus excitantes de Reid est une immense et lumineuse disposition de morceaux de toile séparés qui va du sol au plafond. Une remarquable qualité créative permet au motif d’être varié tout en constituant un ensemble unique. Les couleurs changent avec les changements de lumière tout au long du jour, la vibration des rais qui effleurent la surface inventant de nouvelles nuances.
(George Dibble, « Unusual Art In A Skillful Display” Utah Museum Fine Arts, Salt Lake City 1987)

Musée des Beaux-Arts de l’Utah, « Soft Patterns et Hieroglyphics » (1987, Tour of America)


Sheila Reid
- En 1980, lorsque je déménageai à Beaulieu, sur la Côte d’Azur, pour gagner ma vie je dessinais encore pour les tissus. Avant ces dessins pour les tissus, je n’avais pas utilisé beaucoup de couleur dans mon travail. De dessiner pour des tissus m’a probablement amenée à me questionner sur la couleur. Le dictionnaire dit que c’est « une sensation produite sur l’œil ». En d’autres mots, la couleur n’est pas une constante, une chose réelle, c’est une illusion, une sensation produite par des rayons de lumière. Ce qui signifie que ce que nous voyons à un moment sera différent quand la longueur des rayons lumineux changera, à différentes heures du jour par exemple, ou à différentes saisons. Je commençai par créer mes propres couleurs, faisant des expériences sur des panneaux, utilisant de la peinture acrylique et différents matériaux. Et pour la toute première fois j’utilisai des « patterns » naturels créés par la terre. Puis un jour je « vis » des panneaux taillés dans des carrés. Alors je les réalisai. Je couvris chaque carré d’un léger voile et les suspendis en une installation. L’effet translucide était fascinant. Vous pouviez les regarder à différents moments de la journée et voir quelque chose de complètement nouveau. Ce n’était pas évident de savoir de quelles couleurs ils étaient vraiment.

“History of an Exhibition” (1986)

Tour of America 1986 - 1987
Lisa Dennison

Les œuvres de Sheila Reid (ainsi que celles d’un artiste néerlandais et d’un français) sont innovantes quant à leur technique et leur concept. Elles épousent de nombreuses préoccupations artistiques tout en maintenant de manière saisissante leur individualité. En tant que groupe, leurs œuvres présentent un dialogue de sensations, de couleurs, textures, échelles, rythmes. Les similitudes et différences donnent à l’ensemble une extraordinaire vitalité. (…) Ce fut un privilège pour moi de connaître chaque artiste personnellement, de connaître leur travail abouti, d’un haut niveau.
(Lisa Dennison, Director, Guggenheim Museum, New York City 1986)

Sheila Reid

En 1983, je commençai à penser qu’il était temps pour moi de montrer mes œuvres aux Etats-Unis. Je ne connaissais personne là-bas et n’avais l’aide d’aucune galerie. J’envoyai donc une brochure montrant mon tout dernier travail et une lettre proposant une exposition itinérante qui ferait des étapes de trois à cinq jours. J’indiquais également qu’un artiste néerlandais et un artiste français y participeraient avec moi. Contre toute attente trente-trois musées et galeries m’écrivirent pour me dire qu’ils étaient partants. Mais ils étaient trop nombreux. Même après en avoir éliminé quelques-uns pour des difficultés de programmation, il était encore physiquement impossible de faire de si nombreuses expositions, aussi je fus obligée d’en refuser. Cette acceptation unanime surprit tout le monde. Cette situation était quelque chose dont les autres artistes n’avaient jamais entendu parler. Les gens me demandent toujours quels musées et galeries ont dit oui, aussi en voici la liste. Au début sont ceux que j’ai choisis après avoir réfléchi à l’organisation du voyage :

Utah Museum of Fine Arts, Salt Lake City
Maier Museum, Lynchburg, Virginia
The Art Centre, Spartanburg, S.C.
Museum at the University of Mississippi,
Nexus Foundation for Today’s Art, Philadelphia
Cecelia Coker Bell Gallery, South Carolina
Frances Aronson Gallery, Atlanta, Georgia
Rice University Gallery, Houston, Texas
Wichita Museum & Knightsbridge Gallery, Kansas
Oklahoma art Center, Oklahoma
Institute of Art, Augusta, Georgia
Greenville Museum, Greenville, N.C.
Sande Webster Gallery, Philadelphia
Joy Tash Gallery, Scottsdale, Arizona
Fuller Goldeen Gallery, San Francisco
Paige Gallery, Dallas, Texas
Brigham Young University, Utah
Gallery Michael, Los Angeles
Sheraton Gallery, Dallas, Texas
Crescent Gallery, Dallas, Texas
McAllen International Museum, Texas
Nippon Gallery, New York City
Barbara Gillman Gallery, Miami, Florida
Anakota Arts Ltd., South Dakota
Imprimatur Gallery, Minneapolis
Topeka Public Library Gallery, Kansas
Swearington Gallery, Louisville, Kentucky
SMCG Corporate Offices, Detroit, Michigan
St Catherine University Gallery, Minneapolis
Beaumont Museum, Beaumont, Texas
Virginia Miller Galleries, Miami, Florida
Phillips Gallery, Salt Lake City
Paige Gallery, Dallas, Texas

« Uncensored » dans les collections permanentes du Musée Davis à Boston et du Musée Harrison (Utah)

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