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Anca Sonia : de Bucarest à la Côte d’Azur, le surprenant itinéraire d’une artiste inspirée

Échappée du régime Ceauscescu, la jeune femme qui a débarqué un beau jour à Grasse a depuis creusé un sillon puissant dans l’enseignement et la création artistique. Talent !

Sa mère l’aurait bien vue pianiste. Son père aurait préféré qu’elle embrassât la carrière de chorégraphe, comme lui. Mais Anca Sonia, au physique d’héroïne de cinéma, est devenue peintre. Née à Bucarest, elle a bénéficié d’un système éducatif à l’époque élevé, en tous cas pour cette classe sociale.

Et la jeune fille en bénéficia largement : équitation, danse, piano. Elle apprend la scénographie, le stylisme, le dessin et la peinture dans les règles de l’académisme le plus strict. Mais son père, devenu entre-temps journaliste, a indisposé Ceaucescu. L’auto-proclamé "Génie des Carpates" met à la porte toute la famille, qui se retrouve sur le pavé. La vie d’Anca Sonia bascule alors dans le romanesque, mais un romanesque vrai, vécu dans la difficulté du quotidien. Pour une bouchée de pain, elle loue un atelier dans un quartier difficile de Bucarest. Elle tente de vendre ses dessins pour mettre du beurre dans les épinards. Un jour, armée de tout son courage, d’une petite valise et de quelques toiles, elle débarque à Grasse où elle fonde une école qui devient rapidement une Académie des Beaux Arts homologuée par l’éducation Nationale. Outre ses talents d’artiste, Anca Sonia est reconnue comme une grande
pédagogue.

Des taureaux, des chevaux "mythologiques"

Pendant des années, ses élèves suivront une formation artistique complète sur la base d’une pédagogie qu’elle avait inventée pour elle-même lorsqu’elle était adolescente. Ils en sortaient après avoir reçu un apprentissage basé sur les mêmes règles exigeantes qu’elle avait apprises : primauté du dessin, étude de l’anatomie, des grands maîtres. Sous leurs yeux, les toiles grand format de leur professeur, dont les dimensions et les qualités plastiques ont formé leur regard. Dans cette école, une atmosphère toute particulière faite d’un mélange de joie, d’étude, de bienveillance. Les travaux des élèves sont étonnamment justes. Un grand nombre d’entre-eux ont trouvé une place dans l’enseignement supérieur.

La fermeture de cette école laissa bien des regrets à Grasse où elle était installée. Anca Sonia n’a pas fait fortune dans cette entreprise. Mais autour d’elle s’est construit une sorte de mystère : son art est sa légende. Son travail séduit ceux qui voient ses toiles magistrales, qui parlent d’humanité, au travers de représentations animales qui sont comme figées dans un vortex de matière. Une peinture puissante.

Trouvant son inspiration dans l’art préhistorique revu et corrigé à la lumière de notre siècle, dans les contes et légendes qui l’ont construite, elle s’entoure d’un petit peuple de faunes et d’animaux mythologiques, de taureaux et de chevaux gigantesques. Ses taureaux peints dans un chromatisme sobre, terre et ocre, se retrouvent aussi sous la forme de puissantes sculptures et de dessins au tracé fulgurant, exécutant une danse élégante et sauvage. Des reproductions agrandies sur dibon-aluminum sont exposées dans l’entrée du parking du Cours à Grasse. On retrouve ce tracé nerveux et juste dans les hachures qui modèlent les corps des précieux chevaux blancs grandeur nature, par-dessus la pâte dont ils sont façonnés.

Des expos dans les musées, galeries, ou lieux improbables : Anca Sonia n’aime rien tant que de surprendre !

Photo de Une et de l’article DR JMC

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