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CRITIQUE CINEMA : HABEMUS PAPAM - Le "cave" du Vatican - Par Robert Ceresola pour Art Côte d’Azur

Nanni Moretti Sélection officielle Cannes 2011

Dix ans après sa Palme d’Or pour "La chambre du fils", Nanni Moretti est revenu présenter son dernier film en compétition sur la Croisette.

"Habemus Papam" formule latine magique par laquelle le cardinal camerlingue annonce au monde entier la nomination d’un nouveau pape prend pour argument de départ la défaillance d’un cardinal français dépressif (le cardinal Melville incarné par Michel Piccoli) fraîchement nommé Chef de l’Eglise, poste curieusement peu convoité et très redouté par ses pairs.

La scène d’ouverture et la première demi-heure du film sont totalement jubilatoires de férocité satirique et d’humour distancié.

On ne peut s’empêcher de sourire à la description caustique mais tellement lucide de ces âmes humaines prisonnières des contraintes du pouvoir et pas seulement au Vatican.

C’est en cela que le film de Nanni Moretti, injustement mis en cause par certains intégristes avant même sa sortie, et par les représentants du Vatican et la presse catholique après sa projection cannoise a fait l’objet d’un énorme malentendu.

"Habemus Papam" n’est pas un pamphlet contre l’Eglise en général et ces récents errements où le Vatican en particulier.

C’est un film qui dénonce principalement le poids du pouvoir et la peur de son exercice en général et qui, de manière anecdotique, a pris pour cadre le Vatican et son Chef Suprême au sujet duquel on a du mal à croire qu’il puisse être en proie à un doute existentiel alors qu’il devrait logiquement être transcendé par ses fonctions divines.

S’il est néanmoins exact que Moretti, dernier des Mohicans, atypique et iconoclaste de la comédie satirique italienne adore dauber sur les institutions religieuses et vaticanes (ce qui est un sport national à Rome, et au pays de Mr Berlusconi), il n’épargne pas pour autant les autres dogmes comme ici la psychanalyse (le contre pouvoir laïque ?) en incarnant lui même un thérapeute athée, omniscient et autocentré mais totalement impuissant à juguler la dépression papale.

Le comique de situation provient ainsi du décalage entre le hiératisme des protagonistes (gardes suisses, cardinaux, psychanalyste, etc...) et le ridicule de la situation (pape fugueur, amateur de théâtre, rêvant de divertissements et de légèreté, cardinaux triviaux peu investis dans leurs fonctions et préférant jouer aux cartes ou au volley ball).

Notre grandissime Piccoli (déjà primé pour "Le saut dans le vide" en 1980) délivre comme à son habitude une interprétation magistrale, "fortissime" de ce pape imaginaire, peureux, lâche, timide et inconstant, nous projetant la vision d’un Vatican de marbre aux mains d’un homme fragile et friable...
Un Vatican vacant et vacillant.

Certes le film ne tient pas ses promesses alléchantes jusqu’au bout, les quelques baisses de rythme en seconde partie ainsi que les délires logorrhéiques de Moretti (le Lucchini italien) ayant sûrement contribué à écarter ce film du palmarès.

Il est toujours difficile et risqué de faire rire à Cannes.

"Habemus Papam" n’en demeure pas moins une excellente comédie dramatique que tous les amoureux nostalgiques des grandes comédies italiennes ne manqueront pas d’aller voir dès sa sortie.

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