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Santa Klown à L’Orange Bleue »

« Santa Klown » manquait dans le paysage artistique. Louis Dollé qui déteste Santa Klaus « pour sa vulgarité rouge et obèse, au rire gras quand il salue les petits enfants » a voulu réunir des amis artistes autour de cette idée originale d’un nouveau Saint clownesque.

L’étymologie de clown n’est pas évidente.

Il semblerait que ce mot anglais soit dérivé du latin colonus, devenu coloun en occitan, donné aux anciens légionnaires romains à qui on a attribué des terres, des « colons » moqués par les paysans pour leur allure dépenaillé. En espagnol ou en italien, le clown est désigné sous le nom de paillasse qu’on retrouve en niçois dans paillassou, l’homme de paille inarticulé qu’on « berne » en le projetant en l’air avec une couverture. Une manière également de relier le ciel et la terre.

Une oeuvre de Maurice Maubert ©Photo AA

Ce personnage de clown a fait partie des troupes carnavalières, de la comédiateur dell’arte, puis des cirques où il s’est dédoublé en clown blanc et auguste, deux figures raillées pour leurs outrances : l’un dans son côté homme de la ville, autoritaire et parlant « pointu », comme on dit à Nice, l’autre, un paysan maladroit au langage et aux manières grossières, le contraste des deux, faits pour déclencher les rires. Ils se sont imposés à partir du dix-huitième siècle en Angleterre dans les cirques où leur duo s’est affiné autant dans leurs allures : le clown blanc orgueilleux et ridicule, tout de blanc vêtu et maquillé, avec un unique sourcil noir démesuré sur le front et une mouche sur la joue (pour copier les marquises), l’autre, l’Auguste, aux chaussures immenses et habillé de couleurs voyantes avec un gros nez rouge (en cuir avant d’être en mousse) burlesque et maladroit.
Tous deux un peu acrobates, parodiques, et magiciens du verbe ont gagné la faveur des enfants en caricaturant les adultes.

Au vingtième siècle, le clown devient dépressif, colérique, amoureux, il s’est fait punk, hospitalier (pour les enfants), voire triste et maléfique. Il a pris récemment une allure très inquiétante avec le film « Le Joker » qui l’a imposé comme assassin.

Ces figures renvoient en fait aux facettes multiples de la complexité humaine…

Et à des différents regards d’artistes réunis à L’Orange Bleue, un lieu accueillant que Louis Dollé fait vivre depuis des années : atelier, école d’art, espace musical, théâtral, où se croisent artistes, amis et amateurs d’art. C’est vivant, hyperactif : ça scie, ça tape, ça peint, ça discute et Louis déambule, donne des conseils, fait des croquis.

Pour cette exposition, il a réuni des amis artistes à commencer par un couple Florence Obrecht et Axel Pahlavi qui mêlent leurs couleurs sur une même toile à tel point qu’on ne distingue pas qui a peint telle ou telle partie. Une fusion artistique en même temps que charnelle exprimée dans le tableau « Les Élans du Cœur » où le couple déguisé en clowns, s’embrasse en mêlant leurs souffles et leurs langues. Une belle métaphore - un peu décalée - de l’amour, le fond noir les isolant du monde.
Maurice Maubert qui ne sait pas s’il aime ou non les clowns, reconnaît leur liberté et leur aisance à briser les codes sans avoir peur du ridicule. Sa belle sculpture d’un bonhomme bleu nu accompagné d’un singe, tous deux affublés d’un nez rouge, renvoient à notre commune animalité présentée sous le rond d’un projecteur de lumière (appelé « poursuite »)…
Tobias Harrison présente : « Dévoilement, Unveiling  », une petite toile admirablement peinte d’une femme au bonnet multicolore et pointu. Elle est nue sur une plage et soulève un drap à l’aide d’une canne. Ce joli paysage de bord de mer va vite se rendre effrayant quand on découvre ce qui dépasse du drap…

Une oeuvre de Tobias Harrison ©Photo A.A
Yannick Colin et le public

Nathalie Broyelle  : «  Je fais mon cirque, mais à l’intérieur, je pleure » une écriture en lettres de sang sur une toile déstructurée qui la présente, cheveux blonds ébouriffés et nez rouge. Une toile sombre à double lecture.

La sculpture en faïence d’un homme assis dans une posture de modèle de Elena di Giovanni serait classique si elle n’était couverte de motifs de tatouage réalisés par le tatoueur Dré Sirio. Son « Déviant » au nez rouge a l’air d’attendre quelque chose qui n’arrive pas.
Les photos de Marine Foissey nous offre un détournement clownesque de Ken et Barbie nus aux visages maquillés de blanc et aux nez rouges.

Le maître des lieux, Louis Dollé, a pour l’occasion sculpté sur bois un « mémento mori » au nez rouge de même qu’il a rajouté des nez de clowns à plusieurs de ses sculptures peuplant l’atelier. Il s’est aussi remis à la gravure pour une série de crânes dont les nez ont été revisités (papier brillants, écritures, etc.)
À l’extérieur, en public, à côté du visage géant d’Otom, Yannick Colin peint tranquillement un artiste avec pinceaux et règles dépassant de son sac à dos.

L’exposition ouverte de jeudi à dimanche de 15 h à 21 h jusqu’au 23 décembre, est accompagnée de soirées musicales et théâtrales (voir programme sur le site)

Vue d’ensemble avec crâne et sculptures de Dollé ©A.A
Elena di Giovanni ©Photo A.A

Photo de Une : Oeuvre de Florence Obrecht et Axel Pahlavi ©Florence Obrecht et Axel Pahlavi

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