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CRITIQUE CINEMA : "Des filles en noir" - Par Robert Ceresola pour Art Côte d’Azur

Projeté dans le cadre du Marché du Film et donc dans la pénombre des coulisses de la compétition cannoise, "Des filles en noir" est un beau film français aux personnages sensibles et révoltés.

Jean-Paul Civeyrac Marché du film CANNES 2010

Black Swans

Il nous parle de Noémie et Priscilla, deux adolescentes issues de milieu modeste, et qui nourrissent la même violence, la même révolte contre le monde qui les entoure.

Ces deux magnifiques jeunes filles vêtues de noir, d’allure gothique et à l’insolente beauté romantique et délicate, inquiètent fortement leurs proches qui les sentent capables de tout.

L’histoire raconte d’ailleurs la chronique de leurs suicides annoncés de manière provocante, en pleine classe de français, à l’occasion d’un exposé sur la mort de l’écrivain allemand, Heinrich Von Kleist (1777/1811), auteur notamment du "Prince de Hombourg" et de "La Marquise d’o", où elles expliquent comment il mit fin à ses jours et à ceux d’Henriette Vogel, sa bien-aimée, une femme mariée, musicienne et atteinte d’un cancer, à qui il donna rendez-vous à Wannsee, près de Potsdam en 1811 et qu’il tua avant de retourner l’arme contre lui.

Tout au long du film, le spectateur sait qu’elles vont mettre à exécution leur plan macabre, implacable manifestation de leur singularité et de leur sublime impossibilité de vivre une existence privée d’absolu.

Or, ici bas, même le pire n’est jamais sûr.

Et l’horreur n’est pas forcément où on l’attend.

Le film de Jean-Paul Civeyrac, cinéaste français de 47 ans, ancien élève de la FEMIS, n’est cependant pas une série B tendance GORE ou un soporifique documentaire thématique sur les troubles psychiatriques de nos adolescents.

IL vaut beaucoup mieux que cela.

Bien qu’éminemment inspiré de multiples faits divers relatant depuis quelques années un nombre croissant et apparemment inexpliqué de suicides commis par des jeunes gens, "Des filles en noir", servi par la brillante interprétation de deux jeunes comédiennes françaises (Elise Lhomeau et Léa Tissier), véritables "lumières noires" du film, nous parle avec brio et avec une grande finesse psychologique, de la détresse d’une jeunesse éprise d’absolu dans un monde de débâcle morale et institutionnelle.

Telles les oies du Capitole, ces jolies jeunes filles aux belles couleurs de deuil, sont les cygnes noirs qui nous alertent du risque de barbarie et de mort sociale.

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