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Bienvenue au Moya Land

Dans le cadre de « l’art contemporain et la Côte d’Azur », la Malmaison confie
l’intégralité de ses espaces à Patrick Moya. 85 mètres de fresques qui retracent le
parcours d’un artiste hors norme.

Patrick Moya, né en 1955, a intégré la Villa Arson en 1974. Il y
fut élève et modèle, celui qui observe et qui est observé. Cette
position singulière, Moya semble n’avoir jamais cessé de
l’occuper au sein de la création, se mettant en scène dans ses propres
oeuvres jusqu’à créer en 2007 son propre clone dans le monde
virtuel de « second life » Frédéric Ballester, Directeur du Centre d’Art
la Malmaison, qui voue une passion pour les artistes évoluant sur
le fil de l’histoire de l’art comme Armand Avril ou Antonio Saint Sylvestre
a été séduit par cette trajectoire « Dés la genèse de l’événement,
j’avais prévu de consacrer une grande exposition à Moya, que
j’avais déjà exposé et que j’apprécie depuis les années 70. Il occupe
dans « l’après Ecole de Nice », une place unique. Alors que beaucoup
d’artistes de sa génération sont restés figés dans la peinture,
Moya lui a toujours été dans un processus de renouvellement. Et si
l’on peut voir dans son oeuvre des filiations avec la figuration libre,
Combas, Di rosa ou Speedy graphito, Moya est quelqu’un qui ne
s’est pas laissé enfermé dans un courant. Son engagement pictural
l’a toujours mis à l’écart de tout référencement. »

Défenseur de l’oeuvre de Moya depuis ses débuts, Frédéric Ballester a donné carte
blanche à l’artiste niçois pour réaliser une fresque monumentale à la Malmaison © Isabelle Chanal

Carte blanche sur fond noir

C’est ce que vous pourrez découvrir grâce à cette exposition où
Moya trace son autoportrait via une fresque réalisée in situ (85m
de murs linéaires sur 4 m de haut). Les grands travaux, ça le
connaît, lui qui dès ses débuts, avait peint sur kraft une fresque
de 40 m en hommage à la Télé, lui qui créa en 2003 une crèche
occupant la vitrine de la Galerie Ferrero (qui le représente à Nice),
lui qui restaura à sa manière la Chapelle de Clans en 2007, lui
qui a peint de gigantesques toiles pour le Festival du Cirque de
Monaco et recouvrit de son « bestiaire éclopée » la maison de
la Croix-Rouge monégasque. Mais cette fois, le défi est encore
différent. Moya a eu une carte blanche pour se raconter de M à
A, quatre lettres qui s’insinuent dans ses toiles. Frédéric Ballester
explique « j’ai dit à Patrick, la maison est à toi ! Au final nous
découvrirons la Malmaison comme on ne l’a jamais vue ! » En
moins de deux mois, voilà les quelques 350 m2 et 4 salles sur 5
du centre d’art transformées en grottes de Lascaux ou en salles
obscures car c’est sur de gigantesques toiles noires préparées
spécialement pour l’occasion que l’artiste à mis en scène sa civilisation
« Cézanne peignait sur un fond brun antique, Moya a
voulu ce fond noir qui révèle son talent de coloriste. Ce qui est
intéressant c’est que même en s’ouvrant à d’autres médiums,
Moya a gardé le cap avec la peinture, devenant ainsi une véritable
encyclopédie vivante »

La Malmaison © Isabelle Chanal

Moya fait son festival

Depuis des années ce monde étrange nous nargue, par épisodes. A la
Malmaison, Moya, dont le catalogue raisonné (4000 oeuvres recensées)
sortira en même temps que s’ouvrira l’exposition, offre le final cut d’un
étrange biopic. Au fil des salles, l’artiste metteur en scène convoque
ses premiers rôles, l’alter ego Moya/Pinocchio, le mouton-mascotte
des Dolly Party, le singe,
l’ours fauve, la Drag queen
(aux faux airs de Moya). Et
la petite histoire s’invite
dans la grande. Car cette
épopée qui commence
avec la création du monde
et se clôt (ou pas) sur « 
Second Life » s’articule en
5 étapes. Au début était le
verbe, et les dinosaures.
Le commencement évoque le paradis et la chute, la créature chassée
de l’image après avoir croqué la pomme. Puis viennent les « Totems
et tabous » ou les arts premiers revisités par Moya. Dans la salle 2
c’est l’enfance de l’art : Pinocchio, le pantin se libère de ses ficelles.
Une séquence qui renvoi à l’étonnante vision que l’artiste a de son
travail. Dès ses débuts Moya prit fait et cause pour Bugs Bunny, Tintin,
Batman et les autres, clamant « l’art du futur verra le remplacement du
créateur par sa créature ». Mais, nous voici déjà dans l’atelier de l‘artiste
et sous les feux de la société du Spectacle dont Cannes et son festival
pourrait bien être le mètre-étalon. C’est logiquement que le « Moya
Land » envahit les murs de la salle 4 où l’oeuvre récente, sa nouvelle
Babylone renvoyant au surréalisme irrévérencieux d’un Clovis Trouille
donne toute sa mesure. Enfin dans la dernière alcôve, la seule à avoir
conservé sa blancheur immaculée, Moya nous invite à rentrer dans le
virtuel « A visiter via un écran géant et trois claviers, son musée et son
île située en face des îles Duchamp, Calder, Magritte, Klee ». Un retour
à l’origine pour celui qui, dès les années 80 avait monté son propre
studio de TV et ne voyait d’avenir que dans l’électronique.
La civilisation Moya, revisite l’histoire, celle d’un monde rêvé par l’artiste.
La scénographie impliquera également une occupation de l’espace
intelligente avec des objets créés par Moya depuis les années 70,
des pièces en regard avec la fresque. « C’est truffé de références dont
l’artiste a le secret. De Magritte à Hitchcock via Moby Dick, de la bible
à la divine comédie. C’est important parce que c’est la première fois
que Moya livre un travail générique sur l’ensemble de sa création » Un
monde onirique, fait de chimères, d’animaux aux regards humains
sauvés du déluge ? Une arche de Noé devrait être installée sur le parvis
de la Malmaison « Une coque de bateau renversée et peinte elle aussi
en noir, d’où l’artiste fera débarquer grâce à son pinceau, son bestiaire
face à la méditerranée. La civilisation Moya agit comme un miroir »
souligne Frédéric Ballester qui a prévu un catalogue hors gabarit afin
de rendre compte de cette immense parade « Freaks » et du travail
tridimensionnel de l’artiste « Pour moi c’est la première grande installation
où l’artiste prend véritablement possession des lieux. Combas
c’était un accrochage. Et pour que cette exposition performance ne
soit pas éphémère, et puisse s’exporter, les toiles seront découpées
et montées sur châssis ». Heureux qui comme Moya a fait un long
voyage et n’est pas encore arrivé à destination !

« La traversée des médias ». Moya / Narcisse joue la mise en abîme de
son alter égo inspiré de Pinocchio © Isabelle Chanal
© Isabelle Chanal

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