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Chapitre 55 (part II) : Dernières nouvelles du Mouvement MADI

Suite de la chronique de France Delville...

A la poursuite du Noir et blanc

Si nous poursuivons l’exploration des occurrences « Noir et blanc » du Mouvement MADI, nous arrivons, en 2010 (mars à mai), à l’exposition « Noir et blanc MADI » à la GALLERIA MAReLIA (Bergamo) en même temps qu’au Spazio Arte Hangar Audi (Bergamo) et à l’Hôtel Mercure Palazzo Dolci (Bergamo).
Le catalogue de l’exposition publie deux « télégrammes » de Bolivar et Catherine Topall :

Bolivar :

« Le blanc et le noir, ce sont les deux éléments nécessaires à la construction d’une surface aux plus grands contrastes plastiques ou graphiques, et, par là même, ils sont à la limite entre le contraire et le complémentaire.
Le noir et le blanc sont ainsi à l’origine de toute graphie. Le noir s’inscrit sur un fond blanc et vice versa.
Quand nous parlons du noir et blanc, ce n’est pas comme si nous parlions de haut et de bas, de jours et de nuits, de jeux de dames. Ils sont irréconciliables dans les jeux d’échecs.
Le noir et le blanc font partie du vieux couple de l’ombre et de la lumière qui fait vivre la forme ». (Bolivar, Secrétaire général du Mouvement MADI International)

Couverture du catalogue de l’exposition « Noir et blanc MADI » à la Galleria MAReLIA
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Catherine Topall :

« Janvier 2008 Paris Maison de l’Amérique Latine Exposition Madi International Une salle « Noir et Blanc ». De nombreux visiteurs, par les commentaires que je recueillais, reconnaissaient la vitalité constante du mouvement Madi.
Je décidai de conserver l’intégralité des œuvres pour les présenter à un collectionneur singulier capable d’assurer la pérennité de l’ensemble.
Entre temps, Paola Ubiali découvre la caisse dans laquelle les œuvres attendaient.
Et les voilà à Bergame ». (Catherine Topall, Directrice du Centre d’Art Géométrique Orion, Paris)

Le catalogue contient également un texte de Paola Silvia Ubiali, directrice de la Galleria MAreLIA :
« Les œuvres présentées dans cette exposition ont été faites sur la base d’une idée du fondateur du Mouvement international Madi, CARMELO ARDEN QUIN qui, chaque année, offre aux artistes du groupe un thème spécifique à travailler dans le but de stimuler la recherche personnelle. Chaque artiste reste libre d’adhérer ou pas à la question posée eu égard à sa sensibilité. Cette initiative permet de garantir l’innovation permanente sur le principe de laquelle est fondé le Mouvement, et en même temps de détourner du maniérisme. Parmi les propositions récentes : « Mobile, Amovible, Coplanal, Articulable, Variable ». « Triangle Madi », « Constellations », « Point Cardinaux », « Noir et Blanc », « Monochrome », « Bichrome ». Cette exposition réunit d’intéressants avatars de la recherche sur l’alliance de deux « non-couleurs », dans la lignée de la philosophie et des choix esthétiques du Mouvement ».

Arden Quin « Sans titre » (2004)
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Et Matteo Galbiati, critique d’art italien, de développer que la proposition du thème Noir et Blanc Madi fut l’occasion d’interroger le rapport de ces deux couleurs de base de l’art, couleurs qui, associées, peuvent produire une exceptionnelle combinaison dont la valeur expressive, déjà forte dans l’œuvre individuelle, est renforcée du fait de la confrontation d’œuvres multiples et diverses… Que cette proposition du Noir et Blanc Madi ayant abouti à une exposition collective, au-delà de la contrainte apparente a pu offrir, à l’inverse, aux artistes, la suspension de l’obligation de décision … Et qu’en un sens, les choix de Carmelo Arden Quin, sommés d’être mis à l’épreuve des hypothèses et principes de base de MADI, ont été l’opportunité de provoquer des ruptures bénéfiques. Le traitement d’un sujet qui n’était peut-être pas à priori dans la visée de l’individu nécessite de sa part un surcroît d’attention, lui faisant trouver de nouvelles solutions. Car, ici, la question du Noir et Blanc Madi se double de la question de la sortie du cadre Les deux couleurs alors deviennent les contrepoints - synthèse et antithèse - des éléments structuraux du travail de chacun. Et la disparité des résultats ne laisse pas de conserver la rigueur d’une recherche Madi qui se propose de méditer sur l’infinité des expressions d’un absolu esthétique libéré du naturalisme. Par cette mise à jour permanente, MADI ne cesse d’être contemporain.

János Fajó « Ellipse » (2007)
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- En 2011 (5 mars- 30 avril), ce fut l’exposition « Noir et Blanc Madi » à la galleria d’Arte Contemporanea de Brescia, avec les mêmes : Carmelo Arden Quin (U) Roger Bensasson (F) Angelo Giuseppe Bertolio (I) Joël Besse (F) Dominique Binet (F) Bolivar (U) Gaël Bourmaud (F) Jean Branchet (F) Sandrina Caruso (F) Carlos Castro (RA) Jean Charasse (F) Elizabetta Cornolo (I) Franco Cortese (I) Carlos Di Leone (RA) Lorena Faccio (RA) Janos Fajo (H) Mirella Forlivesi (I) Reale Franco Frangi (I) Joël Froment (F) Aldo Fulchignoni (I) João Carlos Galvão (BR) Michel Jouët (F) Yumiko Kimura (J) Antonia Lambelé (B) Alberto Lombardi (I) Gino Luggi (I) Jaildo Marinho (BR) Vincenzo Mascia (I) Renato Milo (I) Giuseppe Minoretti (I) Mitsouko Mori (J) Eugenio Emilio Monferran (RA) Judith Nem’s (H) Gianfranco Nicolato (I) Claude Pasquer (F) Alain Péclard (CH ) Antonio Perrottelli (I) Marta Pilone (I) Gaetano Pinna (I) Isabelle Prade (F) Mariano Prestach (RA) Armando Ramaglia (RA) Torsten Ridell (S) Renée Rohr (B) Giuseppe Rosa (I) Albert Rubens (B ) Saint-Cricq (F) Carolina San Martín (RA) Sato Satoru (J) Janos Szasz Saxon (H) Inès Silva (YV) Gloria Stafforini (RA) Thierry Thomen (F) Enrique Tommaseo (RA) Philippe Vacher (F) Helen Vergouwen (NL) Piergiorgio Zangara (I)

Fulchignoni : « Réticule noir-Blanc » (2003)
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Peindre en trois dimensions

Aux Rencontres d’Art de 2003, le Musée Ingres de Montauban, pour l’exposition « Peindre en trois dimensions » avait invité Carmelo Arden Quin, Jean-Claude Faucon, Bolivar, en dehors de Jean Arp, Yaacov Agam, Carlos Cruz-Diez, César Domela, Lucio Fontana, Jesus Rafael Soto, Frank Stella et beaucoup d’autres.

Et dans le catalogue, sous le titre « Peindre en trois dimensions », à la suite de cette phrase de Léonard de Vinci : « Mets devant le premier arbre un morceau de verre bien assujetti et que ton œil s’y pose : trace un arbre sur le verre en suivant les contours de l’arbre véritable. Ensuite écarte le verre de telle sorte que l’arbre naturel semble presque toucher celui que tu as dessiné. Colore ensuite ton dessin pour que tous deux soient identiques de forme et de couleur », Eric Vidal avait écrit ceci :
« Le conseil donné par Léonard de Vinci met en évidence l’essence de la peinture lorsqu’elle a pour but de copier le réel. L’illusionnisme atteint ici la perfection quand le support matériel (toile et matière picturale) cesse d’être perçu pour lui même et disparaît dans le spectacle qu’il suscite. Cette réduction (au sens propre comme au sens figuré) du tridimensionnel du réel au bidimensionnel permet de comprendre le recours constant aux métaphores de la fenêtre et surtout du miroir, instrument, modèle idéal pour la peinture classique. Cette théorie imprégnée d’idéalisme platonicien ordonne au peintre (qui sait qu’un tableau est souvent constitué de plusieurs couches de peinture) ainsi qu’au spectateur (qui ne saurait l’ignorer longtemps) de sublimer, d’oublier la matière afin de passer de la réalité brute du matériau à la pensée pure. Le christianisme et son refus de la chair, mais aussi la philosophie de Kant et de Hegel ont fait de l’incarnation dans la matière picturale un tremplin pour l’âme, un mur de peinture à traverser.

Exposition « Noir et blanc »
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La définition que propose en 1890 le peintre et théoricien Maurice Denis : Se rappeler qu’un tableau avant d’être un cheval clé bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre agencées semble mettre fin à la notion de transparence et prépare les théories des fondateurs de l’art abstrait, Kandinsky et Mondrian qui, influencés par la théosophie ne mentionnent pas non plus la texture de la matière picturale qu’ils souhaitent la plus allégée possible et comme spiritualisée, immatérielle. Une façon de fuir la singularité de l’organique pour aller vers le spirituel et l’universel. Un édifice théorique achevé par le critique d’art américain Clément Greenberg qui, dans les années 1950 1960 propose, à travers l’élimination des éléments impurs dans le tableau (le figuratif et l’épaisseur de la matière picturale) la planéité comme l’essence même d’une peinture moderne tendant vers le monochrome. Une histoire de l’art grandiose et tragique, trop lisse pour satisfaire certains artistes au sein même de l’art abstrait… »

(à suivre : les propos d’Eric Vidal sur l’influence déterminante de Carmelo Arden Quin et de MADI)

Pour relire la première partie de cette chronique.

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