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CHAPITRE 13 (Part II) : Chronique d’un galeriste

Suite de la chronique proposée par Alexandre De La Salle cette semaine...

Plaisir de l’œil et de l’esprit

Entre 1987 et 1999, année de mon exposition au CIAC « Paradoxe d’Alexandre », voulue par Frédéric Altmann, fondateur du CIAC et son directeur à l’époque, Horacio Garcia Rossi a toujours été présent dans ma galerie et dans les expositions d’art géométrique que j’ai pu organiser avec des galeries étrangères.
Dans l’énorme catalogue « Paradoxe d’Alexandre », j’écrivis donc :
« Après l’aventure du Cinétisme et de l’Art Optique, Horacio Garcia Rossi décide de transmuter l’expérience de ses boîtes-lumière sur le plan, toile ou papier. A ce travail il a donné le nom générique de Couleur-lumière : la couleur intervenant inévitablement comme couleur, mais aussi comme lumière. L’effet est saisissant, tant le plan support semble traversé par le frémissement d’une vraie lumière, comme si, cachée par derrière, une source lumineuse réelle venait au secours de la couleur, ce qui lui permet de créer ainsi des espaces de confusion visuelle où le spectateur est littéralement médusé. Il est sans doute le seul artiste du GRAV à avoir aussi magistralement réussi cette radicale conversion de l’objet technologique à son dépassement vers la peinture. Son œuvre est comme l’homme, forte, impressionnante, mais cousue d’incroyables subtilités. Plaisir de l’œil, et de l’esprit, comme si l’Espace s’était de lui-même architecturé. (Alexandre de la Salle)

Alberte Garibbo, Alexandre de la Salle, Horacio Garcia Rossi au Salon d’Art Jonction 1989
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Abstraction géométrique à la galerie de la Salle

Comme j’ai eu la joie, dans les années 1970, de relancer la carrière de Carmelo Arden Quin en même temps bien sûr que celle du Mouvement MADI, dans ma galerie cette forme spécifique de travail sur le plan, la polygonalité, a croisé les recherches d’artistes géométriques qui n’appartiendraient pas à MADI mais subiraient l’émulation de MADI. Ma galerie fut un lieu d’échanges sur les problématiques qu’engendre une certaine vision du monde soutenue par l’idée de Structure, par l’idée d’éloignement de l’image, d’éloignement du réalisme.
Et c’est ainsi qu’en juillet 1988, après avoir présenté chez moi « Couleur-Lumière » dans une exposition accompagnée d’un texte de Jean-Louis Pradel, en septembre-octobre de la même année Horacio a pris place dans un cycle d’Abstraction géométrique qui débuta avec Arden Quin, Bolivar, Chubac, Decq, Garibbo, Leppien, Nemours…et lui.
Et du 5 au 9 juillet 1989 je le présentai à la Foire d’Art Jonction International, à Nice, au Palais des expositions, avec Arden Quin, Leppien, Nemours, belleudy, Chubac, Decq, Garibbo…
Et du 13 octobre au 20 novembre 1990, au Salon Ambivalences à Paris, avec Alocco, Arden Quin, Belleudy, Bolivar, Chubac, Chacallis, Le Cousin, Presta, Rossel, Leppien, Nemours.
Et en 1992 (14-23 février) pour un one man show « Couleur Lumière » au Salon Découvertes (Grand Palais, Paris).
Et en 1992 (14 août-15 octobre) à la Galerie, pour une exposition « Abstraction géométrique » avec Arden Quin, Belleudy, Blaszko, Bolivar, Caral, Caporicci, Chubac, De Spirt, Decq, Demarco (un membre du G.R.A.V), Desserprit, Faucon, Garibbo, Mélé, Girodon, Jonquières, Le Cousin, Lapeyrère, Leppien, Nemours, Piemonti, Presta, Roitman, Sobrino, Poirot-Matsuda, Le Parc (un autre membre du G.R.A.V.).

Catalogue de l’exposition Abstraction géométrique 1992
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Dans le catalogue de cette exposition, j’ai écrit : « Voyeurs passionnés du ciel, de ses sphères, de ses orbites et de ses équilibres, ou ascètes qui veulent en termes mesurés dire le monde, ils ont, à partir du surgissement de la géométrie apporté par le cubisme, fait l’art abstrait.
Art abstrait ou art construit, qu’il soit le fait de ceux qui veulent délimiter des espaces silencieux et parfaits ; de ceux qui décidèrent de briser les cadres séculaires du tableau rectangle, surface plane pour passer aux plans connexes ou articulés, mobiles ou évidés, et d’emblée faire de ces formes initiales un élément dynamique de l’œuvre, comme les artites Madi ; ou de ceux qui quittèrent le peindre pour retrouver couleur, lumière et mouvement par des procédés directement lumineux, comme les cinétiques et les membres du G.R.A.V., l’art abstrait est donc bien cosa mentale, volonté de dégager les éléments constitutifs d’un espace plastique nouveau.
Lignes et points, cercles et carrés, couleurs et nombre d’or... agencement précis du Territoire.

« Couleur Lumière Couleur » (1991)
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Statisme et dynamisme, larges aplats ou reliefs, monochromes ou sériels, surfaces uniques ou multiples, mouvements suggérés ou réels, procédés picturaux ou électriques, ainsi naît un monde nouveau, « supérieur » parce que construit et libre. Un ordre du Beau qui ne renvoie à rien d’autre qu’à lui même.
Fasciné par cette attitude rigoureuse, et par ses résultats magiques, j’ai de plus en plus orienté les activités de ma galerie vers cette forme que je crois essentielle des arts plastiques
Cette exposition est la troisième de la série Abstraction Géométrique que je réalise, cette fois appuyé par des collègues nommés dans le présent catalogue, et auxquels je dis tous mes remerciements ; je continuerai de la présenter tous les ans, renouvelée et dynamique ». (Alexandre de la Salle Saint Paul, Juillet 1992)

Les collègues en question étaient Anna Canali, directrice de « Arte Structura » (Milan), Franka Berndt (Paris), la Galerie G de besançon, Miklos Von Bartha (Bâle) et Claude Dorval (Galerie St Charles de Rose, Paris).

Invitation exposition Abstraction géométrique 1988
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Le catalogue du one man show d’Horacio dans mon stand au Salon « Découvertes » (Grand Palais, Paris), donnait un beau résumé de ses recherches :
1959-1961  : Recherches à deux dimensions sur les problèmes de l’anonymat et de la multiplication de la forme, du mouvement virtuel, de la programmation et de la systématisation en blanc, noir et gris ; problèmes de la vibration et de la juxtaposition des couleurs.
1962-1963  : Recherches sur le mouvement réel avec des boîtes à lumière (première expérience de formes géométriques sur écran, 1962). Recherches sur le mouvement réel dans des œuvres qui peuvent être manipulées par les spectateurs, premières expériences sur l’instabilité.
1964-1966  : Recherche continuelle sur le problème de l’instabilité avec la lumière et le mouvement ; boîtes à lumière instable avec des couleurs et des motifs à manipuler par le spectateur. Structure lumière à couleurs changeantes. Première expérience sur le mot et l’identification à sa forme et à sa signification ; œuvre « mouvement ».
1967-1968 : Suite des recherches précédentes avec des œuvres telles que : signature de l’artiste, « abécédaire en mouvement », « nombres », dans cette période : « portrait ambigu des membres du Grav ».
1968  : Dissolution du Grav.
1969-1971 : Recherches sur des volumes en mou¬vement réel et commencement d’un alphabet ambigu en essayant de donner à chaque lettre le mouvement que sa forme et sa signification ont en tant que lettre.
1972-1974 : Retour aux problèmes plastiques à deux dimensions. Période de réflexion et d’analyse ; recherche d’une structure simple par des moyens analytiques. Etude approfondie de la couleur et de ses possibilités.
1974-1978  : Pendant cette période recherches sur le problème de la linguistique en tant que sujet de l’œuvre.
1978-1991 : Recherches sur le problème de la couleur lumière.

Stand d’Alexandre de la Salle Art Jonction 1989
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Horacio Garcia Rossi : pour une démarche syncrétique

Pour notre catalogue de « Découvertes 92 », j’avais écrit :
« Couleur Lumière. Lumière à tel point que, médusé et incrédule, le spectateur croit voir surgir de l’ombre du tableau, au sein même des couleurs, comme un flash : celui d’un néon invisible et pourtant allumé. L’effet est troublant, saisissant, nombre de gens cherchant à découvrir si le dos de l’œuvre ne dissimulerait pas un néon véritable !
Dans la tessiture même du peindre, grâce à une maîtrise parfaite des proximités colorées, Garcia Rossi parvient ainsi à obtenir des effets saisissants de lumière colorée. Il est je crois le seul à réussir cette fusion parfaite des deux éléments la couleur et la lumière.
Ce jeu, cette fusion, ne sont pas gratuits, qui lui permettent de structurer l’espace d’une manière tout à fait personnelle, en partant, non de formes à priori, mais de ses structures lumière couleur. Il s’agit donc d’une démarche syncrétique où chaque élément, indissolublement lié aux autres, tend vers l’ensemble qui se constitue.
Par sa rigueur, le travail de Garcia Rossi s’inscrit donc parfaitement dans la démarche abstraction-géométrie que je défends. (Alexandre de la Salle, Saint-Paul, le 3-1-1992).

A suivre...

Pour accéder à la première partie de cette chronique, cliquez ici : http://www.artcotedazur.fr/artcotet...

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