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Journées Européennes du patrimoine

Le patrimoine pâtit parfois d’une image figée qui en dissimule les aspects les plus complexes : le poids des siècles et celui des pierres, la permanence sur un sol chargé d’histoire, le hiératisme de sites mémoriels majeurs. Alors qu’il déplace les foules, il est toujours pensé comme immobile, situé, transmis, propriété d’une personne, d’une communauté, d’une nation.
A l’inverse, le voyage évoque l’ailleurs, la frontière, l’horizon, le dépaysement. Il fait émerger des figures mythiques (le découvreur, l’aventurier, l’explorateur) et naître des rêves de vitesse, de liberté et de partage.

A l’occasion de cette 28e édition des Journées européennes du patrimoine, le thème du "voyage du patrimoine » a pour objectif de révéler une dimension souvent mésestimée : l’extraordinaire vitalité d’un patrimoine national qui s’est toujours constitué grâce aux circulations des œuvres et des artistes, aux contacts entre des courants et des cultures esthétiques différentes, aux influences qui ont permis de faire se croiser les regards et d’inventer de nouvelles formes.

Reflet de mutations, de métissages et d’emprunts successifs, support de création, le patrimoine a toujours été "en mouvement ». Parler du voyage du patrimoine, c’est aussi faire état de sa modernité en (dé)montrant qu’il est en perpétuelle actualisation, dans un mouvement continu d’ouverture et d’échange.

Le "voyage du patrimoine » est une invitation à un périple dans le temps comme dans l’espace. Au moment même de sa construction, un édifice religieux, militaire, industriel ou culturel est le fruit d’une composition éclectique entre les influences de son architecte, les modes ou les techniques d’une époque, les savoir-faire hérités des régions voisines ou des pays frontaliers. Depuis l’Antiquité, l’art de bâtir s’inspire et se nourrit d’influences diverses à échelle européenne ou mondiale, traversé par de multiples courants artistiques qui ont façonné nos paysages actuels.

L’architecture religieuse gothique, par exemple, présente une apparente homogénéité stylistique, mais résulte d’expérimentations développées en Île-de-France et en Picardie, mais aussi en Angleterre, en Espagne, dans le Saint-Empire romain germanique. La basilique-cathédrale de Saint-Denis, les cathédrales de Saint-Etienne de Sens, de Chartres ou de Rouen se sont ainsi constituées sur un modèle européen, grâce à un mouvement de circulation des idées qui a permis l’invention de formes nouvelles, avec des appropriations spécifiques selon les pays.
Le style Renaissance, lui, fait un voyage qui part de l’Italie pour trouver un terrain d’expression privilégié en France, comme en attestent les châteaux de la Loire, le château d’Ecouen, la Cour du Louvre mais aussi de nombreuses riches habitations ou fontaines sur l’ensemble du territoire français.

Le voyage du patrimoine est aussi celui de l’histoire des régions françaises, qui ont chacune développé des savoir-faire propres. Certains éléments patrimoniaux ont trouvé des expressions originales selon les lieux où elles s’implantaient (choix des matériaux, traditions architecturales, contextes religieux ou politiques, proximité culturelle comme l’illustre le cas du patrimoine monumental alsacien).

La technique du colombage, par exemple, répond aux mêmes plans, mais a connu des spécificités champenoises, alsaciennes ou encore bretonnes. De la même manière, coïncidant avec le développement de l’industrialisation au XIXe siècle, la structure métallique fait son apparition, inspirée par les créations anglaises et belges, et marque encore aujourd’hui de nombreux bâtiments dans le Nord-Est de la France, comme à Paris, Roubaix ou Nancy. Chaque courant artistique et architectural voyage en France et trouve des interprétations différentes, de l’influence du baroque italien à Nice à l’Art nouveau présent dans le patrimoine balnéaire français.

Comment ne pas également penser à la circulation de principes architecturaux "officiels » qui, entre enjeux politiques, nécessités pratiques et effets de mode, ont trouvé leur place dans chaque ville française et ont diffusé une certaine image du pouvoir : les places royales du XVIIe siècle (Paris, Dijon, Lyon, Montpellier), les citadelles et places fortes construites sur le modèle conçu par Vauban (Besançon, Saint-Martin de Ré, Lille, Mont-Louis, Villefranche-de-Conflent) ou encore les immeubles de style haussmannien.

L’évolution chronologique et esthétique du patrimoine national, chacun peut l’apprécier en levant le regard, au gré d’une promenade, sur les façades des immeubles, des églises, des théâtres, des châteaux. L’un des objectifs de cette édition 2011 des Journées européennes du patrimoine est aussi d’apprendre à regarder autrement notre patrimoine quotidien pour y déceler et y comprendre les influences de l’"ailleurs » ou les signes d’un dialogue permanent au sein et au-delà des frontières françaises.

A cette occasion, l’intérêt et la cohérence du patrimoine européen pourraient être réaffirmés et valorisés, à travers notamment le "Label du patrimoine européen » ou l’encouragement d’initiatives transfrontalières pour les régions concernées.

Les réseaux patrimoniaux (CAUE, Villes et Pays d’art et d’histoire), ainsi que les associations dont la connaissance de l’histoire locale et de ses bâtisseurs est précieuse, détiennent les clés d’une interprétation pédagogique et stimulante du thème, à travers des parcours didactiques qui chercheront à introduire des notions essentielles d’histoire de l’art auprès du jeune public ou à approfondir la connaissance des amateurs sur le jeu des influences et des circulations qui innerve le patrimoine national.

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