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CHRONIQUE LITTERAIRE : Phares et balises - Par Daniel Schwall - Librairie Quartier Latin Nice

Jacques Attali est donneur de leçons, et prolixe, et bavard et énervant. Il pond au moins un, mais de préférences deux ou trois livres par an, dont un en général passablement indigeste mais très intelligent, un autre gentiment iconoclaste mais très intelligent, un troisième de fiction, parfois étonnant. Il était le plus intime des collaborateurs de Mitterrand, se fit faire banquier international pour la reconstruction de l’Europe de l’Est, quitta ces fonctions sous l’opprobre générale et dans un parfum de scandale financier, mais retomba prestement sur ses pattes et finit par pondre un rapport sur comment faire que tout aille mieux pour notre roi-président Sarkozy, rapport qu’il estime assez incontournable pour en remettre une couche ces jours-ci. Il aime déclarer sur des plateaux de télévision qu’il passe à peine deux jours par mois en France, tellement ses devoirs de conférencier l’occupent aux quatre coins du monde : c’est à croire qu’il ne revient en France que pour passer à la télévision, à la radio ou participer à quelque Conseil d’Administration bien rémunéré ou à un cénacle sélect et très intelligent.

Ainsi introduit, l’énergumène mérite moins d’attention qu’on ne lui en prodigue, mais il peut partager ce privilège avec quelques autres génies auto-proclamés tels notamment l’inénarrable Alain Minc.
Voilà pour l’auteur, qui, vous l’avez compris, m’énerve passablement. Qu’a-t-il commis cette fois-ci ? Avec sa fausse modestie , il proclame qu’il aimerait passer le reste de sa vie à écrire des biographies de grands hommes, mais que comme il est mortel… bref, il nous a fagoté un petit salmigondis de 24 mini-biographies de ce que l’Humanité compte de plus important - à ses yeux !

On peut penser ce qu’on veut du personnage, mais la démarche ici est intéressante à plus d’un titre.

D’abord, aller au-delà de Xikipedia, mettre en lumière et en perspective, et la plume d’Attali et tout sauf désagréable. Mais avant tout le choix ne peut être ni objectif ni innocent. Et si c’était celui de nos programmes d’histoire qu’Attali nous avait resservi, quel intérêt ? Ici il y a les incontournables : Confucius et Aristote, Thomas d’Aquin et Charles Darwin, … mais là s’arrête la liste des prévisibles. Pourquoi Richard Strauss et pas Mozart ? Pourquoi Ho Chi Minh et pas Mao ? Et qui au juste est Amadou Hampaté Ba ?
Donc, piqué par la curiosité, le lecteur va partir à la rencontre de quelques inconnus, ou de quelques noms évocateurs mais n’appelant aucun souvenir précis. Et d’encyclopédique, l’ouvrage reprend des allures d’œuvre personnelle, de proclamation, de vision. Karl Marx, Hitler, Staline, De Gaulle, Napoléon même !, manquent à l’appel. Par contre Thomas Edison côtoie Giordano Bruno. Bref, le choix est révélateur, la lecture est plaisante et ô combien instructive pour qui n’est doté que d’une culture moyenne, et la coupe que représente cette promenade dans un jardin de portraits traverse toutes les strates de l’Histoire connue. Gageons qu’il y a la place pour un tome deux, un tome trois. Mais à son habitude, Attali ne va pas s’attarder, va vibrionner ailleurs, et ce n’est pas un mal non plus. De courtes bibliographies clôturent les 24 chapitres, il y a de quoi nourrir une soif de savoir qui se découvrirait en route. Mais d’avoir donner envie de cette promenade dans l’histoire de la pensée est le principal mérite de l’ouvrage.

À l’heure ou d’autres ressassent pour la nième fois leur vision du sens de la vie et de l’origine des choses, Attali se plaît au jeu de la pensée humaine, se place en général en franc-tireur et c’est ce qui fait lui pardonner beaucoup de choses. Il y a, bien sûr, du dandysme dans ce contre-pied permanent.

Mais sans contradiction, où irait la pensée

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