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Boris Cyrulnik : interview au Festival du Livre de Nice

Auteur de “Ivres paradis, bonheurs héroïques” chez Odile Jacob, Boris Cyrulnik a répondu aux questions d’Olivier Biscaye, dimanche après-midi à l’opéra de Nice. Voici quelques extraits choisis d’un débat suivi par une foule d’admirateurs qui sont ensuite allés à la rencontre du grand psychiatre.

Le héros ?

Les circonstances m’ont forcé à me pencher sur la question. On voit apparaître des héros maléfiques alors qu’autrefois, nous avions des héros bénéfiques. C’est un livre qui tombe à pic, des phénomènes sociaux sont en train de se passer. Le surhomme est plus fort, plus
intelligent, mais il mène au racisme. Le héros n’est pas un surhomme. Les premiers héros nécessaires sont maman, papa, ma tante, ma grande sœur, mon chien, des héros qui me sécurisent. Plus vieux, on a des héros maléfiques. Quelqu’un dit : vous êtes humiliés et je suis prêt à mourir pour vous.

Le héros est-il une idole ?

Il risque de devenir une idole. Quand on se met à adorer une image, on oublie ce que l’image représente.

Les enfants qui n’ont pas de héros ?

Cela arrive aux orphelins sans substitut affectif. Pour eux, pas d’image, pas de rêve, pas de projet.

Les parents ne savent pas qu’ils sont des héros ?

Il faut proposer aux enfants une littérature héroïque. Ils gardent ainsi l’affection parentale mais apprennent à aimer autrement.

Les héros de votre enfance ?

La littérature de la résilience est apparue au XIXe siècle avec les personnages de Victor Hugo, David Copperfield, Jules Vallès, le héros moderne. Après avoir admiré Tarzan, humanisé par Jane, Zorro me faisait figure de rédempteur. Sauver les pauvres, les riches
étaient méchants, ce qui n’est pas forcément vrai, mais, aux enfants, il faut des catégories claires. Je me suis aussi identifié à Rémi Sans Famille, ma famille ayant disparu à Auschwitz.

Aviez-vous conscience de ce qui vous arrivait à 6, 7 ou 8 ans ?

Oui. Quand j’ai été arrêté, le chef de la Gestapo disait : « Il faut le tuer car un jour il deviendra un ennemi d’Hitler », ce qui n’était pas si faux que ça.

Héros négatifs

Hitller a été élu, comme tous les dictateurs. Ils étaient les sauveurs du peuple. Les résistants sont l’armée de l’ombre, les terroristes cherchent la lumière.

Les gogos de l’Islam

Ils se présentent en sauveurs, se disent humiliés. Mohamed Mehra a tout raté dans sa vie, il est devenu un héros en tuant des enfants. Des gosses se sont identifiés à Mehra.

Comment éduquer les enfants ?

Par la rencontre entre enfants de sexes, couleurs et cultures différents. Le fait de parler deux langues déjà est une ouverture d’esprit.

Qui sont les héros aujourd’hui ?

En temps de paix, on peut citer Zidane, des chanteurs ou Sœur Emmanuelle.

Victimes devenues héros ?

Autrefois, les victimes de la guerre avaient honte. Une femme a provoqué le virage, Joan Baez. Mais maintenant, c’est l’excès contraire : les victimes sont héroïsées.

Macron est-il un héros de l’échiquier politique ?

Macron : je suis impressionné par son esprit de décision. Il n’est pas un héros, mais un chef.

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