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Fin de cet événement Novembre 2014 - Date du 14 juin 2014 au 30 novembre 2014

Intime conviction

Le château de Villeneuve, actuellement consacré à la création contemporaine, accueille des œuvres de la collection du couple italien Giuliana et Tommaso Setari. Carla Accardi, Marco Bagnoli, Bizhan Bassiri, Sophie Calle, Thierry De Cordier, Bruna Esposito, Luciano Fabro, Günther Förg, Pierre Huyghe, Mimmo Jodice, Jannis Kounellis, Bertrand Lavier, Sol LeWitt, Henri Matisse, Mario Merz, Giulio Paolini, Vettor Pisani, Michelangelo Pistoletto, Michael Rakowitz, Ettore Spalletti, Jana Sterbak, Franz West composent l’exposition d’été du Château de Villeneuve / Fondation E. Hugues. Des oeuvres issues de la collection de Giuliana et Tommaso Setari, grands voyageurs et « collectionneurs d’artistes »... Certaines oeuvres sont mises en regard et dialoguent avec la collection de Vence.

Grands voyageurs, les Setari ont vécu dans différentes parties du globe sans
jamais perdre leur identité italienne. Cela se ressent dans leur collection. L’intime profond est le monde qu’ils habitent. La collection est pour eux un voyage mental, une vision subjective du monde qui s’élabore en explorant sans cesse le terrain de la création. Ils sont exemplaires dans la relation qu’ils ont établi avec les artistes, mais aussi dans leur mode de vie avec les oeuvres.

Dans leur collection, chaque oeuvre est le souvenir d’un temps passé avec l’artiste, d’un repas, d’un séjour, d’une amitié de longue date, comme celle qu’ils partagent avec Michelangelo Pistoletto, qui les décrit comme des « collectionneurs d’artistes ».

La ligne directrice de l’exposition est l’accueil des oeuvres de la collection Setari, accompagnées par certaines oeuvres de la collection de Vence. Il s’agit d’une rencontre et d’un dialogue entre les oeuvres des deux collections.

Elles sont en effet toutes deux riches de créations réalisées par les mêmes artistes (Sol LeWitt, Giulio Paolini, Ettore Spalletti, Mimmo Jodice, Michelangelo Pistoletto).

Certaines oeuvres de la collection de Vence se trouvent d’autre part en résonances thématiques avec celles de la collection Setari à l’exemple de Matisse.

Avec la constitution de la collection d’art moderne et contemporain de Vence, l’idée est née de programmer, outre les expositions monographiques et thématiques, une série d’expositions à partir de collections françaises et européennes. C’est ainsi que les collections de Jean Arp, d’Yvon Lambert, du musée d’art moderne et contemporain de Villeneuve d’Ascq, du musée d’art moderne et contemporain de Saint Étienne, du Vitra Design Museum… ont été tour à tour présentées.

Les collections fascinent souvent ! Qu’elles soient homogènes ou hétérogènes, exhaustives ou lacunaires, elles fascinent. Elles suscitent des interrogations. Quelles sont les intentions et les raisons qui président aux choix des œuvres, pourquoi les acquérir ? À quel niveau se situe la passion des collectionneurs, quels sont les rapports intimes avec l’oeuvre, avec l’artiste ? C’est précisément cette notion singulière et complexe de la démarche qui intéresse et qui interroge, car cette singularité révèle toute l’originalité et la subjectivité des regards, les désirs et les rêves.

La collection de Giuliana et Tommaso Setari est l’invité de l’été 2014 à Vence. Elle n’est pas intégrale dans sa présentation car il s’agit d’un regard particulier porté sur un autre regard particulier. Il s’agit de choix, d’une sélection !

D’ailleurs, les collections ne sont que très rarement vues dans leur totalité.

À ce choix particulier s’ajoute une autre particularité qui consiste à faire accueillir cette collection par certaines oeuvres de la collection de Vence. Celles en premier lieu qui trouvent naturellement des affinités et des correspondances thématiques avec les oeuvres de la collection Setari : en cela, la présentation scénographique de l’exposition parle d’elle-même.

Il y a également des liens de fait, par la présence d’oeuvres de plusieurs artistes dans les deux collections : Sol LeWitt, Giulio Paolini, Michelangelo Pistoletto, Ettore Spalletti, Mimmo Jodice.

Sol LeWitt, Trois Wall Drawings, 2002 - Coll. ville de Vence. Giulio Paolini, Casa di Lucrezio 1981-1984, Coll. Giuliana et Tommaso Setari Photo F. Fernandez

Pour mémoire, Sol LeWitt réalise en 1986 un wall drawing pour les Setari, « Asymmetrical Pyramid ». En 2002, il réalise trois wall drawings à Vence, à l’occasion de l’exposition monographique « L’image de la pensée ». Ce plasticien dont l’oeuvre toute entière est empreinte de rigueur, agit tel un arpenteur de la pensée, un inventeur de structures qui d’ailleurs n’ont d’autres existences que celles de la perception qui les révèle.

Sa démarche chez nos collectionneurs italiens comme à Vence, constitue un défi
absolu qui rappelle que lignes, formes, couleurs et volumes agencés peuvent produire
une infinie variété d’oeuvres d’une grande simplicité ou d’une grande complexité,
génératrices de leurs propres mouvements.

Giulio Paolini, présent également dans les deux collections, offre l’opportunité de saisir la spécificité de son regard et surtout son mode opératoire qui consiste en l’application rigoureuse de la mise en abîme. Ainsi, dans l’exposition de Vence, il recourt à la figuration et à l’usage de divers médiums pour provoquer un jeu de miroirs. Une analyse inlassable du processus labyrinthique, du voir, pour poser des rapports neufs et inattendus entre auteur, spectateur, supports, formes, couleurs.

Autre figure emblématique de la scène internationale qui se signale dans les deux collections : Michelangelo Pistoletto.

Ses oeuvres captent notre regard par la présentation de personnages en dimensions réelles peints sur des surfaces métalliques miroitantes. Figures ôtées de toute expression et de tout mouvement afin d’en refroidir l’intensité dramatique tandis que le spectateur reflété dans le tableau subit un processus de déformation.

Patrizia Spalletti fit don en 2013 d’un tableau d’Ettore Spalletti au Château de Villeneuve/Fondation Émile Hugues. Il est sans doute l’un des artistes les plus représentés dans la collection Setari. Ce qui caractérise son oeuvre, dès le premier regard, c’est la beauté et le silence poétique voire musical qu’elle suscite. Pour autant, la profondeur de la couleur travaillée dans l’extrême limite du possible, la douceur et la légèreté de l’application, n’annihile en rien la démarche radicale du peintre. L’espace recouvert de cette matière délicate s’étend à l’infini prolongeant le regard du spectateur au-delà même des limites du support. Plusieurs oeuvres de cet immense artiste ont été déjà présentées à Vence, dans le cadre de l’exposition « La fabrique d’une collection ».

L’ultime passerelle entre les deux collections est l’oeuvre du photographe Mimmo Jodice. La singularité de son regard tient-t-elle à cet environnement si singulier qu’est Naples ? Il serait réducteur de limiter son oeuvre à cet univers. Pourtant il est indéniable que sa ville a joué et joue encore un rôle considérable dans sa vision métaphysique. Refusant le pittoresque et le brouhaha, il fixe le vide, le silence et la lumière particulière qui englobe les vestiges de cette « Ville-image ».

Un regard plus approfondi sur la collection Setari confirme qu’elle est faite, au sens fort du verbe, d’action et de passion par Giuliana et Tommaso qui n’avaient pas pour dessein d’ailleurs de constituer une collection : thésauriser des oeuvres n’était ni leur but ni leur obsession. La collection s’est donc comme fabriquée d’elle-même, au gré des acquisitions, hors de toute préoccupation de collectionneur, fruit en quelque sorte de la patience et d’abord de la passion. Car c’est bien elle qui a présidé à son rassemblement, la vraie, celle de l’amateur, de celui qui aime, qui a besoin des oeuvres pour vivre, comme de l’air pour respirer, et qui se découvre fasciné par le génie de ceux qui les ont créées, de leur aptitude à l’invention, à l’effort d’affirmation de formes neuves qui changent nos modes d’appréhension du monde et de la vie. D’où une collecte qui a su se garder de la dispersion d’une vaine course à l’exhaustive qui peut dévier une noble intention à la dérive de « collectionneurs ».

Giuliana et Tommaso ont regardé le mouvement de la création artistique à partir
des années 60, le resserrement du champ de l’art et les remises en cause du convenu. Ils n’ont retenu que les oeuvres qui, délibérément, s’écartent des prises de position dogmatiques. Leur collection se caractérise par le refus de la forme pour la forme privilégiant d’abord une nécessité intérieure. Une vision personnelle de la création artistique contemporaine, des oeuvres qui impliquent l’engagement de l’artiste, sa prise de parti, voire de parti pris. Des contenus à forte charge poétique n’excluant ni humour ni jubilation, mais toutes tentatives de formalisme. Le récit de certains évènements, les rencontres et amitiés avec les artistes, constitue une parfaite démonstration de leurs liens étroits avec les créateurs et leurs oeuvres.
Mais l’action des Setari ne s’arrête pas à leur collection.
Avec La Dena Foundation, ils contribuent au renouveau de l’art par leur appui aux jeunes artistes du monde. C’est dans ce même état d’esprit et sans aucun a priori que le Château de Villeneuve/Fondation Émile Hugues devient, le temps d’un été, le lieu de rencontre entre les oeuvres et les artistes des deux collections.

Photo de Une : Vue de l’exposition - Photo F. Fernandez.jpg

Exposition organisée par Art, Culture et Patrimoine avec le soutien de la Ville de Vence, du Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Conseil Régional
Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Conseil Général des Alpes Maritimes.

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